Dans sa dernière note, Alphaliner s’est livré à une analyse intéressante sous un angle original dans un contexte post-Covid : le redéploiement des flottes par les grands opérateurs de la ligne régulière selon les grandes routes maritimes mais qui manque d'indications précises sur la période où se sont opérés les mouvements. « Les transporteurs asiatiques se sont montrés plus conservateurs tandis que les armateurs européens ont procédé à des changements plus importants », résume l’analyste.
À ce jour, la ligne Asie-Europe concentre toujours 21 % de la flotte mondiale, notamment parce que les services nécessitent de la massification pour être rentables. Les armateurs de porte-conteneurs y réservent leurs grands navires adaptés à navigation au long cours. Le trade distance de trois points la deuxième voie royale des échanges conteneurisés – le trafic Asie-Amérique du Nord –, qui accapare 18 % de la flotte mondiale mais pour lequel la pandémie aura été un propulseur. Durant cette période, qui a été une anomalie à tous points de vue, la route maritime est devenue la plus lucrative.
Les deux trades majesté des trois lignes Est-Ouest distancent les itinéraires vers l'Amérique latine, le Moyen-Orient et le sous-continent indien (13 % chacun).
MSC, roi des mers
Au sein du bataillon mondial, MSC, fort de ses 5 MEVP bientôt acquis, a les moyens de déplier une grande partie de sa capacité sur la route Asie-Europe (23 %) mais il se distingue surtout de son secteur en consacrant plus de porte-conteneurs sur les boucles du Moyen-Orient/sous-continent indien (14 %) et de/vers l'Afrique (13 %) que l'Asie-Amérique du Nord, où seuls 9 % de sa flotte est mobilisée.
L'offre transatlantique de MSC (10 %) et ses opérations de/vers l'Amérique latine (12 %) ont aussi pris le pas sur le transpacifique. Il est enfin celui qui prête le plus d’intérêts aux trafics intra-européens, où 7 % de ses navires sont actifs.
ZIM et Wan Hai, les « chamboule-tout »
Parmi ceux dont le profil commercial a été chamboulé par deux années folles figurent ZIM et Wan Hai. Le transporteur d’origine israélienne, coté à la bourse de Nexw York, fait partie des opérateurs de porte-conteneurs qui ont le plus profité de l’avénement de la ligne Asie-Amérique du Nord. Il y a 43 % de ses capacités concentrées. Il est, pour les mêmes raisons, celui qui est le plus impacté par les mouvements de roulis inverses.
La nouvelle configuration des opérations de ZIM porte les stigmates du nouveau cadre de ses relations commerciales avec 2M (Maersk et MSC) sur les liaisons Asie-Med et Asie/côte-ouest américaine. Si le transpacifique est ultradominant, il a toutefois cédé 6 % de ses tonnages l’an dernier et les a visiblement réalloués sur l’Asie-Europe, passée de 0 à 7 %, résultant de la création de son service ZIM Med Premium venu se substituer à l’achat de slots à Maersk et MSC.
Le numéro onze mondial, le Taïwanais Wan Hai, a aussi drastiquement réduit son exposition à la ligne Asie-Amérique du Nord (de 40 à 28 % de sa flotte) en déplaçant une partie de ses capacités retirées sur l’intra-asiatique où se concentrent 36 % de ses navires. Un retour aux sources pour cette spécialiste du transport régional en Asie.
Maersk et Hapag-Lloyd, un tropisme pour l'Amérique du Sud
Maersk a réaménagé ses routes différemment et il est probable que les lignes bougent encore dans la perspective de l’éclatement de son alliance avec MSC : 40 % de ses ressources restent alignés sur deux des lignes royales – Asie-Europe (22 %) et Asie-Amérique du Nord (18 %) –, mais ses activités en Amérique latine (18,4 %) priment, marquées par l'empreinte de Hamburg Sud, dont le nom commercial est en train de se dissoudre dans celui de sa maison-mère.
De même, le tropisme d’Hapag-Lloyd en Amérique latine, ligne qui a déclassé l’an dernier son principal trafic (Asie-Europe), n’est pas qu’un simple dû à sa fusion avec le chilien CSAV. Selon Alphaliner, l'investissement dans de nouveaux navires de 13 000 EVP n’y est pas étranger.
CMA CGM et Cosco, en force dans le Pacifique
Parmi les raisons pour lesquelles CMA CGM a très rapidement profité de l’emballement des taux de fret dès la seconde partie de l’année 2000, son exposition au marché transpacifique. Bien implanté aux États-Unis, où le groupe français détient la très américaine APL, le troisième armateur mondial de porte-conteneurs s’est retrouvé aux premières loges quand le transpacifique a basculé dans la dérégulation rémunératrice.
Son partenaire d’alliance, Cosco, qui a un profil commercial similaire, est toutefois plus implanté sur l’intra-Asiatique avec 16 % de ses tonnages.
Enfin, Evergreen et ONE se caractérisent surtout par leur conservatisme, n’ayant quasiment rien changé à l’organisation de leurs lignes, leurs intérêts ancrés sur deux des trois lignes Est-Ouest, Asie-Europe du Nord et Asie-Amérique du Nord. Tout comme HMM, remarquable absent de la troisième route dominante (transatlantique), et Yang Ming.
Adeline Descamps
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