2022 fut une année sans activité pour les chantiers de démantèlement

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L’inde, le Bangladesh et le Pakistan, les trois premiers pays mondiaux pour le démantèlement de navires, enregistrent le volume d’activité le plus faible de toute la décennie. Pour certains d’entre eux, aucun navire n’a été vendu à la casse ces derniers mois. La Turquie, autre spot pour la démolition, connait un sort similaire. L’âge moyen de la flotte mondiale est pourtant élevé. 

Le sentiment est faible pour le marché du recyclage. L’activité est à l’encéphalogramme plat depuis de très longs mois. Les raisons qui motiveraient un envoi à la casse ne manquent pourtant pas. L’âge moyen de la flotte dans un certain nombre de segments est critique. Il s’établit désormais à 11,3 ans pour les vraquiers (contre 8,7 ans il y a cinq ans), 11,8 ans pour les pétroliers (10,2 ans en 2017) et 13,8 ans pour les porte-conteneurs (10,6 ans en 2017). C’est dire que plus du quart (27 %) de la flotte mondiale est aujourd'hui âgée de plus de 15 ans.

Le plus grand chantier de démantèlement de navires d'Asie à Alang, au Gujarat en Inde, vient de connaître son chiffre d'affaires le plus bas depuis plus de dix ans, avec seulement 90 navires échoués entre avril et décembre, correspondant aux trois premiers trimestres de la comptabilité de l’entreprise. C’est encore entre 50 et 60 unités de moins que les deux années de Covid, où l’activité avait été altérée pour d’autres raisons. 

Sur la même période, le chantier avait démantelé 152 navires en 2021-22, 139 en 2020-21, 141 en 2019-20. Et si on remonte le fil de l’histoire, la moyenne était de l’ordre de 170 unités avec un pic de près de 200 unités en 2016-17. Cette année-là est de sinistre mémoire pour le transport maritime. La situation avait précipité la faillite du numéro sept mondial, Hanjin.

Année historiquement atone

Selon les données de la Ship Recycling Industries Association (SRIA), l’association indienne qui fédère les chantiers de démantèlement, le tonnage démantelé à Alang (153 parcelles mais au moins un tiers ne serait pas exploité) devrait être, à l’issue de l’exercice comptable en cours, le plus faible de toute la décennie.

Depuis 2007-2008 – année de pic avec 6,43 millions de LDT (Light Displacement Tonnage, qui se réfère au poids de la coque, des machines et de l'équipement d'un navire, mais sans inclure la cargaison, l'équipage, le carburant, etc.)  –, la jauge moyenne s’est stabilisée autour des 2 millions de LDT jusqu’en 2018-2019, date à laquelle la filière indienne a basculé sous la barre des 2 millions et n’en finit plus de décliner. 

Les recycleurs de navires indiens sont en difficulté depuis quelques années faute de compétitivité par rapport à leurs homologues bangladais et pakistanais qui sont en mesure de proposer des prix plus élevés aux armateurs pour leurs navires en fin de vie (l'acier issu du recyclage des navires représente environ 40 % de l'acier fabriqué dans ces pays).

Extrait du dernier rapport de GMS, premier acheteur au comptant de navires en fin de vie. 

Conjoncture sinistre généralisée

Mais en 2022, la conjoncture a été sinistre pour tous. Le prix de la ferraille avait pourtant atteint les 700 $/LDT au premier trimestre. « Au terme de l’année, les marchés du sous-continent étaient encore suspendus à leur point le plus faible », indique dans son dernier rapport GMS. Le plus grand acheteur mondial de navires au comptant estime que les « prix restent fermes [autour de entre 500 $ et 540 $ selon les catégories de navires et les pays du sous-continent indien, NDLR] étant donné que la moyenne a été d'environ 350 $/LDT »mais « les fondamentaux sont précaires ».

La crise financière au Bangladesh a conduit le gouvernement à restreindre les lettres de crédit y compris pour des achats de la valeur du million de dollars. Seuls quelques rares acheteurs bangladais sont ainsi en mesure d'acquérir de nouvelles unités. « Mais même dans ce cas, ils sont attentistes », indique l’acheteur, qui ne relève aucune transaction au cours des derniers mois de 2022.

« Le prêt très attendu du FMI pourrait apporter une certaine stabilité mais on ne sait pas encore dans quelle mesure il contribuera à soutenir le marché », reconnait-il.

Les problèmes de 2022 risquent de se reporter sur 2023

Selon les données de Star Asia Shipbroking, les prix du recyclage des navires dans le sous-continent indien ont fluctué d'environ 36 % entre janvier à décembre. « Le Bangladesh a techniquement cessé d'acheter cette année et a fait une pause, laissant les marchés stupéfaits », indique le courtier.

Le Pakistan n’est pas épargné par les problèmes monétaires. « Il est probable que les recycleurs de Gaddani fasse une pause car les banques conservent les devises étrangères », explique-t-il. « Les tarifs du recyclage des navires devraient devenir encore plus volatils, car ils seront déterminés par la durée de la vacance des marchés bangladais et pakistanais ».

Même en Turquie

Hors continent indien, le marché est tout autant atone. La Turquie est sans tonnage alors même que ses chantiers devraient tout au moins profiter des tonnages sous pavillon européen conformément à l’obligation européenne.

« Dans l'ensemble, le marché est prudent. Après avoir rempli leurs parcelles avec des unités payées chèrement au début de l'année, les recycleurs se demandent maintenant quand acheter à nouveau pour compenser ces pertes », résume GMS.

En attendant le réveil de la Chine

En Europe et aux États-Unis, la demande de ferraille est restée modérée, mais les prix des produits sidérurgiques semi-finis et finis ont frémi récemment, avec une remontée des prix.

En Chine, l’assouplissement de la politique sanitaire suscite de l’espoir d’autant plus que l’exécutif chinois vient d’indiquer qu’il allait mettre en œuvre « des mesures extraordinaires pour stimuler la croissance afin de relancer rapidement l'économie en difficulté, en particulier dans les secteurs de la fabrication et de l'immobilier ». Pékin a démontré par le passé qu’il était capable de mettre les petits plats dans les grands quand une de ses filières est menacée. A fortiori quand c’est toute son économie qui risque de chavirer.

Avec les nouvelles normes environnementales qui viennent d’entrer en vigueur (EEXI et CII), il devrait y avoir une accélération dans la mise au rebut, notamment des porte-conteneurs et des vraquiers inefficients sur un plan écologique ou gagnés par l’âge.

Adeline Descamps

 

 

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