[Édito] Nouveau souffle
Cela fait plus de quarante ans qu’on nous raconte la même histoire, celle de la fin imminente des énergies phares de la révolution industrielle, le pétrole et le charbon, l’une par épuisement de la ressource, l’autre par condamnation vox populi.
Cela fait vingt ans que les colloques débitent le récit de la désintoxication obligée des zones industrialo-portuaires, shootées depuis des décennies à ces trafics souvent assimilés à des rentes.
Cela fait dix ans que l’on nous prépare psychologiquement à l’idée que les qualités de ces énergies, qui ont fait le job grâce à leur abondance, leur disponibilité et leur prix, ne correspondent plus aux compétences recherchées pour le profil de poste des années à venir. Trop noir Soulages pour une planète dont il faut retrouver le vert et le bleu.
Mais il y a toujours un événement géopolitique ou deux pour proroger leur autorisation d’occupation temporaire du domaine public quand bien même il y a conflit d’intérêts avec les arbitrages politiques en matière de transition énergétique. Les années pandémiques ont encore offert une éclatante illustration de ces contradictions permanentes. Le charbon, qui n’en finit plus de mourir, ne s’est jamais autant échangé dans le monde, porté à ébullition par les cours du gaz, son grand concurrent moins carboné, qui avait entrepris de
gravir les sept sommets.
Après un long forage amnésique alors que la créancière planète rappelle à ses débiteurs, par ses dérèglements, leur dette, l’air réglementaire s’est alourdi. Une débauche de carbone, ennemi public numéro un, submerge tous les discours politiques dont il faut toutefois décaper la peinture de camouflage. Et ce, sans avoir à choisir son camp entre les propos d’estrade a priori, l’activisme écologique ad nauseam, le jusqu’au-boutisme de quelques grandes majors pétrolières qui croient au totem de leur immunité ad vitam et les promesses urbi et orbi de changement de cap du transport maritime qui restent encore à quai.
Si la transparence ne changera pas l’industrie du jour au lendemain, elle offrira une salutaire clarté pour naviguer dans l’entrelacs de toutes les complexités et des convictions, entre les propos du rugueux patron de TotalEnergies
qui dit sans ambages que l’abandon radical des énergies fossiles est une vieille lune, et les doutes du ministre français des Transports sur le fait qu’on en « demande peut-être un peu trop aux ports » dans la révolution énergétique
et industrielle en cours.
À quoi ressembleront les ports et l’industrie en 2050, lorsqu’ils seront devenus neutres sur le plan climatique ? Il faudrait un plus-plus-que-parfait, un futur postérieur et un passé pas-si-simple pour en dessiner tous les motifs avec précision.
■ Adeline Descamps
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