Prévue en juillet puis repoussée en septembre, la date de l’enquête publique sur le projet d’accès fluvial à Port 2000, au Havre, se fait attendre. Appelé aussi « chatière », ce projet consiste à aménager un accès direct de la Seine aux terminaux à conteneurs de Port 2000. Il prévoit la réalisation d’un chenal protégé de la houle et des courants par une digue de 1 800 m de longueur. En l’état, son coût est estimé à 125 M€, financé à 66 % par la région Normandie, 20 % par l’Europe, 11 % par Haropa Port et 3 % par l’État. En qualité de maître d’ouvrage, Haropa Port a déposé sa demande d’autorisation environnementale en février 2022.
Avis défavorable du CSES
Au cours des derniers mois, trois avis on ainsi été rendus sur le projet, par le Conseil scientifique de l’estuaire de la Seine (CSES, 6 juillet), l’Autorité environnementale (AE, 21 juillet) et le Conseil national de la protection de la nature (CNPN, 25 juillet). Le premier est le seul à avoir émis un avis défavorable. Le CSES estime, notamment, que cette nouvelle infrastructure entrerait « en contradiction avec la volonté affichée par Haropa Port, dans son plan stratégique, de refaire “le port sur le port” en réponse à l’objectif de zéro artificialisation nette ». Pour le Conseil scientifique, le dossier présenté ne lèverait pas « les doutes sur la justification du projet et l’impact sur l’ensemble des composantes environnementales des différentes solutions d’aménagement ». Il l’interpelle aussi « sur l’ambition et l’efficacité des mesures environnementales et de compensation proposées ».
Sous conditions
La position de l’Autorité environnementale (AE) revient, elle aussi, sur les mesures de compensation : « les principales incidences sur le milieu, la pollution marine par les immersions de sédiments en mer (clapages) et les atteintes à la biodiversité, ne font pas l’objet de mesures suivies d’évitement et de réduction, voire de compensations à la hauteur des enjeux ». Pour l’AE, le dossier de demande d’autorisation environnementale de Haropa Port devrait démontrer « la compatibilité du projet avec le document stratégique de façade, ainsi que son inscription dans le plan de gestion de la réserve naturelle nationale, dont le territoire recouvre une grande partie de l’estuaire de la Seine ».
Quant à l’avis favorable rendu par le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), il est conditionné à « la mise en œuvre de mesures de réduction et de compensation supplémentaires ». Les améliorations attendues par le Conseil concernent la réduction de la taille de la digue, la protection de la faune terrestre, la réalisation d’un plan opérationnel, visant à restreindre la pollution sonore sous-marine, et de meilleures évaluations sur les impacts hydrauliques et sédimentaires.
Avantages du fluvial mis en avant
A la lecture des avis rendus, le dossier présenté par Haropa Port semble accorder une priorité à la réduction des gaz à effet de serre du projet de « chatière », obtenue grâce au transport fluvial et à la massification des flux. Il négligerait les autres impacts environnementaux et les mesures de compensation. L’accès fluvial direct aux terminaux de Port 2000 permettrait de massifier les pré- et post-acheminements conteneurisés du Havre notamment. Selon l’autorité portuaire havraise, la part modale de la voie d’eau pour les conteneurs passerait de 9 % aujourd’hui à 12 % en 2025, soit un an après la mise en service prévue de l’accès fluvial direct.
Érick Demangeon