Tonnage en très net recul en 2020 pour le port nordiste, plombé par la chute des trafics liés à la sidérurgie. Les conteneurs affichent quant à eux une progression, permettant aux marchandises diverses de dépasser pour la première fois les vracs solides.
Avec un total de 45,2 Mt manutentionnées en 2020, le trafic total du port de Dunkerque s’affiche en baisse de 14 % par rapport à 2019, sans toutefois tomber, en cette année de crise sanitaire, jusqu’au plus bas atteint en 2010 avec 42,7 Mt. La diminution est forte pour les vracs liquides : 7,7 Mt, soit 18 % de moins que l’année précédente. Elle ne peut pas être attribuée aux hydrocarbures : à 3,4 Mt, ils affichent depuis cinq ans une certaine stabilité. Mais les importations de GNL, pourtant produit à succès pour Dunkerque, accusent le coup avec seulement 3,5 Mt, soit un tonnage en chute de 31 % par rapport à 2019, année qui, il est vrai, avait réalisé un record exceptionnel. Le marché asiatique, en forte demande de GNL, a drainé tous les chargements de gaz vers l’Asie.
Mais les principaux responsables de la perte de tonnage reviennent aux vracs solides. Ils constituent habituellement la principale catégorie de marchandise traité par le port des Hauts-de-France, à plus forte raison depuis l’écroulement des vracs liquides consécutif à la fermeture de la raffinerie des Flandres voici dix ans. Les installations d’Arcelor-Mittal ont été touchées de plein fouet par la dépression des marchés automobiles. À partir de mars 2020, le principal site industriel de Dunkerque a tourné au ralenti, avec un seul haut-fourneau en fonctionnement sur trois. Il faudra attendre le mois d’août pour que le sidérurgiste européen remette en route un second haut-fourneau. Le troisième doit redémarrer ce mois-ci. Sur l’année, les importations de minerais de fer (8,7 Mt) ont perdu 34 % de leur tonnage en un an et celles de charbon (3,6 Mt), 28 %.
DFDS ouvre une liaison ferry entre Dunkerque et Rosslare
Fret roulier en hausse
En comparaison, les petits vracs solides (2,5 Mt), essentiellement du sable et des granulats, limitent la casse avec des flux en baisse de 13 %. Dans la catégorie des vracs solides, le salut vient des céréales grâce à la formidable campagne française 2019-2020, tant en quantité qu’en qualité. Les exportations de Dunkerque s’envolent de 63 % et culminent à 3,3 Mt. Un nouveau record historique pour le port, le précédant datant de 2015 avec 3,1 Mt. Au total, l’ensemble de la famille des vracs solides accuse une perte de trafic de 22 % par rapport à 2020 avec 18,1 Mt.
Les marchandises diverses, bien qu’en baisse de 4 %, en profitent pour devenir la catégorie dominante du port nordiste avec 19,3 Mt. On retrouve dans cette grande famille les frets conventionnels ou breakbulk. Il s’agit en fait de produits sidérurgiques, finis ou semi-finis, destinés à l’industrie automobile. Les volumes diminuent de moitié (600 000 t). Le trafic transmanche y est aussi inclus : cela concerne 14,8 Mt, soit 1 % de moins qu’en 2019.
Les résultats du trafic roulier avec la Grande-Bretagne apparaissent tout en contraste. Les 173 000 véhicules de tourisme transportés en 2020 représentent une baisse de 70 %. Mais dans le même temps le transport roulier de fret, avec 607 000 camions ou remorques, a augmenté de 4 %. La baisse de 54 % du nombre de passagers, avec 1,07 millions de personnes embarquées à destination de Douvres, est moins importante que celle des véhicules de tourisme car les chauffeurs de poids-lourds ont continué leurs traversées.
Les conteneurs progressent
Le trafic conteneurisé, avec 463 000 EVP manutentionnés en 2020, augmente de 2 %. La direction générale, assurée par le directeur commercial Daniel Deschott depuis que Stéphane Raison a quitté le poste pour devenir préfigurateur du futur Haropa, affiche sa satisfaction, surtout sur l’augmentation de 5 % du nombre de conteneurs pleins. Côté terrestre, les parts modales pour le transport de conteneurs n’évoluent pas, avec 7 % pour le fluvial et 2 % pour le ferroviaire. Mais le rail pourrait être dopé par le « port sec », ce chantier ferroviaire situé en arrière du terminal à conteneurs, qui va doubler de capacité : fin 2021, il bénéficiera de quatre voies, contre deux actuellement, et pourra en outre accueillir des trains longs de 850 m.
Du côté du terminal à conteneurs, le décompte inclut les shifting : « la croissance est de 5,5 % en mouvements quai et de plus de 8,5 % en EVP », indique Marc Riondel, directeur général du Terminal des Flandres. « L’augmentation de 130 % en dix ans pour l’activité conteneurs n’aurait pas été possible sans le soutien de la CMA-CGM et de sa filiale Terminal Link, qui a repris le terminal des Flandres », ajoute Daniel Deschott, avec le réflexe commercial.
Containerships lance un nouveau service au départ de Dunkerque
Tropisme britannique
De fait, la CMA-CGM a ancré Dunkerque dans la cour des grands du transport conteneurisé en Europe en l’inscrivant à nouveau comme escale sur FAL1, sa ligne phare avec l’Asie. Containerships, filiale du groupe CMA-CGM pour les conteneurs shortsea en Europe, a positionné en octobre un porte-conteneurs de 900 EVP sur une nouvelle ligne avec l’Irlande. Le 22 janvier, le même armement lancera une ligne entre Dunkerque, Bristol et Liverpool avec un navire de 800 EVP.
Au total, trafic roulier transmanche inclus, ce sont 17 Mt du trafic dunkerquois qui sont à destination ou en provenance des îles britanniques. Le port entend continuer à développer ces échanges, malgré le Brexit, en profitant de sa proximité géographique avec les îles britanniques.
« Cela fait plusieurs années que l’on a inscrit dans notre stratégie l’essor des lignes maritimes courte distance, indique Daniel Deschodt. C’est la fin de la crise sanitaire qui nous permettra de poursuivre le mouvement. Cela fonctionne pour les conteneurs, pour lesquels Dunkerque se positionne comme un hub à destination des îles britanniques puisque dans les 17 Mt il n’y a pas seulement des flux intra-européens mais aussi des conteneurs transocéaniques, qui arrivent par de grandes lignes et repartent vers la Grande-Bretagne sur de plus petits navires ».
Pour le dirigeant, il s’agit désormais de combler le retard dans le roulier non-accompagné. « C’est une spécialité des ports belges, mais il n’y a pas de raison pour que la France ne rattrape pas son retard en la matière. » Les taux de remplissage dès les premières traversées de la nouvelle ligne vers l’Irlande, desservie par trois navires, lui donnent confiance. « Il est prévu que la moitié de ces transports se fasse en non accompagné. »
Étienne Berrier