En 2020, premier exercice plein depuis l'entrée en service de Tanger Med 2 qui porte la capacité du complexe portuaire marocain à 9 MEVP, le trafic conteneurisé a totalisé 5 771 221 EVP, soit une progression de 20 % par rapport à 2019. « Ce trafic confirme Tanger Med comme étant le premier port à conteneurs dans le bassin méditerranéen », indique l’autorité portuaire.
Clairement, les arbitrages opérés par les armements dans leur réseau durant la crise sanitaire, consistant à s’appuyer sur des ports pivots, a profité au premier port marocain. « On nous promettait une véritable bataille dans le détroit en termes de ports de transbordement à conteneurs. Beaucoup d’experts vont être déçus. Tanger Med a clairement gagné et haut la main la bataille du port pivot en Méditerranée. Il a démontré à la faveur de la crise sanitaire qu’il pouvait être définitivement ce port pivot sur lequel les armements peuvent concentrer leurs flux », fanfaronnait El Mostafa Fakhir, grand connaisseur du secteur portuaire et maritime marocain, invité de Medi1TV Afrique il y a quelques semaines.
Le virus n’a pas fait tousser Tanger Med
Concurrence accrue entre les ports jumeaux de Gibraltar
L’an dernier, la première porte d’entrée du royaume pour le conteneur a traité à quatre reprises 500 000 EVP par mois et même une fois atteint les 530 000 unités. Il aura donc fallu près d’une décennie à Tanger Med 2 pour sortir de terre – dix ans de travaux pour porter sa superficie à 160 ha, pris sur la mer, de façon à aligner un linéaire de 2,8 km à une profondeur de 18 m lui permettant de traiter 7 mégamax simultanément – mais seulement un an et demi pour faire la démonstration de sa raison d’être. En 2020, 916 porte-conteneurs de plus de 290 m de long ont accosté à Tanger Med (sur un total 4 306 escales de navires marchands), en hausse de 14 % par rapport à 2019.
Grâce à cette expansion, Tanger s’est doté de deux nouveaux terminaux à conteneurs apportant une capacité additionnelle de 6 MEVP, s’ajoutant aux 3 MEVP de Tanger Med 1. La gestion du TC3 a été confiée à Tanger Alliance (coentreprise entre l’opérateur marocain Marsa Maroc et Eurogate/Contship, ralliés ensuite par Hapag-Lloyd à hauteur de 10 % du capital) tandis que le TC4 a été concédé, pour une durée de 30 ans, à APM Terminal (Maersk).
Algésiras, son jumeau espagnol d’en face, de l’autre côté du détroit de Gibraltar, ne connaît pas la même prospérité. Son trafic de conteneurs s’est stabilisé (+ 0,4 %) à 5,1 MEVP. Hub de transbordement également (87 % des flux totaux), le port andalou ne cache pas une pression concurrentielle accrue depuis l’inauguration du nouveau terminal de Marsa Maroc. Mais l’entrée, en 2020, de CMA CGM au capital du manutentionnaire espagnol TTIA aux côtés de HMM lui assure les escales des deux armements français et sud-coréen, par ailleurs tous deux membres d’une alliance différente.
Tanger Med a réceptionné deux des huit portiques megamax
Sanction automobile
Tanger Med, qui assure 47 % du tonnage portuaire du port marocain, n’est pas la seule réussite de 2020. Le trafic du vrac liquide a enregistré une croissance de 26 % par rapport à l’année 2019 avec près de 8 Mt. Il le doit notamment à l’activité de soutage des navires transitant par le détroit. Elle a généré un trafic de près de 1,6 Mt.
Les vracs solides sont en hausse de 18 % (303 705 t). Les importations de blé par la première porte d’entrée du Royaume y ont largement contribué mais la direction portuaire mentionne également des flux de bobines d’acier et de pales d’éoliennes
En revanche, Tanger n’échappe à la sanction qui affecte tous les ports : le trafic de véhicules neufs manutentionnés sur ses deux terminaux dédiés est en baisse de 28 % par rapport à l’année dernière avec 358 175 unités. Sans surprise, il paie sa dépendance à la production automobile de Renault (de 400 000 à 500 000 véhicules par an en temps ordinaires) et de PSA, les deux constructeurs français implantés localement (à Tanger et Kenitra).
Le trafic passagers est à la peine. Durant l’année 2020, 9 702 navires ont accosté au port Tanger Med. C’est 32 % de moins par rapport à 2019 en raison de la forte diminution des escales maritimes des navires passagers et rouliers.
Montée en puissance de Jorf Lasfar
Au niveau du pays, les ports gérés par l’Agence nationale des ports marocains ont enregistré une croissance de 5 3 % avec un trafic qui s’est établi à 81,5 Mt en 2020. Mais celui qui monte en puissance et distance clairement les autres est le port minéralier et énergétique de Jorf Lasfar, sur une tendance haussière depuis quelques années si bien qu’il pourrait, en 2020, déclasser le port historique de Casablanca avec un tonnage de l’ordre de 31 Mt (+ 5 %). Il s’impose comme le deuxième port du Royaume après Tanger Med.
Adeline Descamps