Établir un dialogue plus régulier entre les acteurs de la filière agricole française et ceux du monde maritime, en particulier au sujet des transports conteneurisés : telle est une des recommandations émises par l’étude menée par l’Isemar, un des centres de ressources sur l'économie maritime, à la demande de FranceAgriMer, au sujet des exportations maritimes de produits agricoles français.
Répondant à cet objectif, une réunion AgroFret s’est tenue à Paris en décembre, organisée par l’établissement public des filières agricoles avec Haropa. Elle fait suite à une première réunion d’information qui avait été organisée au Havre en mai 2022 et à la remise de l’étude de l’Isemar, qui avait fait l’objet d’une conférence au salon de l’agriculture en février 2023.
La pandémie a accru, au sein de la filière agricole, la perception de l’importance du transport maritime, assure Christine Avelin, directrice générale de FranceAgriMer. « La logistique maritime joue un rôle fondamental pour le secteur agroalimentaire, qui ne s’en préoccupait pas assez. »
Un secteur stratégique
Du côté de Haropa, en revanche, les produits agricoles et agroalimentaires offrent un trafic important. « Une filière stratégique », même, selon le directeur général du port de l’axe Seine, Stéphane Raison. Pour cause, les flux dépassent les 20 Mt, soit le quart du trafic de Haropa, du vrac pour les céréales, mais également plus de 400 000 EVP avec une dominante à l’export.
Les conteneurs sous température dirigée y jouent un rôle important, puisque 80 % des volumes reefers des ports français passent par Haropa. Le Havre expédie aussi à l’export plus d’un milliard de bouteilles de vins et spiritueux chaque année.
Une des problématiques concernant les conteneurs frigo est la présence de prises reefers sur les terminaux portuaires.
« Nous disposons de 1 200 prises électriques à Port 2000, explique Nathalie Wagner, directrice commerciale de la Générale de manutention portuaire. Aujourd’hui les volumes sont en baisse et la congestion est loin de ce que nous avons connu lors de la crise Covid. Mais tout ralentissement des flux ou annulation d’escales peut empêcher les boîtes d’embarquer, ce qui nous met en difficulté pour en accueillir d’autres. S'il est difficile de dimensionner le terminaux avec un nombre de prises reefers en fonction des périodes de pointe, explique-t-elle, « nous réfléchissons en revanche à l’utilisation de branchements sous-utilisés au terminal de l’Europe pour du stockage de plus longue durée, avant transfert par camion ou barge vers le terminal de France. »
Récupérer les importations de fruits exotiques
La seconde difficulté pour les conteneurs frigo au Havre est tout simplement la disponibilité des boîtes réfrigérés « Nous avons besoin de rééquilibrer nos flux pour retrouver du matériel », explique Stéphane Raison. Pour ne pas avoir besoin de faire venir des reefers vides depuis Anvers ou Rotterdam, ce qui est coûteux, il faut donc que Le Havre importe davantage de produits frais conteneurisés.
« Un rééquilibrage des flux import et export permettrait aussi une meilleure compétitivité du reefer à l’export, précise Olivier Ferrand, directeur des flux et des filières de Haropa. Le déficit d’importation tient au fait qu’un énorme marché reefer nous échappe au profit des ports belge et néerlandais : celui de l’importation de fruits exotiques. Il s’agit d’environ 85 000 EVP à destination du marché français, soit près du quart de ce que l’on exporte en reefers. »
Dunkerque dispose de boîtes reefer
Une réponse pourrait aussi venir du développement des modes massifiés. Trains et barges ont en effet une offre encore balbutiante pour le transport du froid en conteneurs. Une grande part des exportations agroalimentaires du Havre provenant de Bretagne et du Grand Ouest, de nouvelles lignes ferroviaires devraient être envisagées.
Du côté de Dunkerque, au contraire, les conteneurs frigo sont bien présents et disponibles pour l’exportation, comme l’explique Flavien Leleux, directeur général de CMA CGM Agences France : « CMA a un excès de reefers à Dunkerque, port d’entrée des bananes pour le marché français, et un déficit à Montoir et au Havre. Une partie des exportations françaises conteneurisées pour l’agroalimentaire se fait aussi en conteneurs dry : celles de céréales. Or avec la baisse de la consommation en France, il y a de moins en moins de dry disponibles pour l’exportation. »
Deuxième armement mondial pour le conteneur frigo, CMA CGM continue d’investir dans les reefers. « La flotte reefer non conteneurisée va disparaître, et la consommation va s’accroître en Afrique et en Asie du sud-est », prévoit Flavien Leleux. Un de ses collègues faisait déjà le même constat en 2018. « Le marché reste très porteur pour les exportations françaises sur le marché américain premium, mais aussi sur les marchés de demain, en forte croissance : Nigeria, République démocratique du Congo, Pakistan ou Indonésie. »
Étienne Berrier