Il est une donnée qui chagrine selon le parti pris défendu. Il est convenu que les 10 premiers transporteurs contrôlent actuellement 84,2 % de la flotte de porte-conteneurs (source Cnuced), ce qui n'est pas sans conséquences sur la fréquentation des ports.
Les ports chinois sont toutefois moins dépendants des plus grands opérateurs puisqu'ils gèrent un trafic régional et national important grâce à des transporteurs asiatiques plus petits.
En revanche, les principales portes d'entrée des États-Unis sont fortement liées aux grands opérateurs. Car les compagnies indépendantes, telles que Container Line et Atlantic Container Line (sur l'Atlantique) ou Matson, SM Line et Wan Hai (sur le Pacifique), n'exploitent qu'un nombre limité de services. Aussi, contrairement à l'Asie et à l'Europe, les règles de la Jones Act réduisent le nombre de services domestiques et de feeders basés aux États-Unis.
Sans surprise, le leader mondial de la ligne régulière, MSC, est le plus gros client dans sept des dix ports étudiés par Alphaliner, excepté à Qingdao, où Cosco joue à domicile ou à Hambourg, où Hapag-Lloyd, qui y a son siège local, est également le premier client du premier port allemand. Plusieurs faits saillants ressortent des données communiquées par Alphaliner sur les liens de cause à effet entre les ports et les compagnies qui y escalent.
Pour les besoins de son étude, l’analyste s’est appuyé sur la capacité nominale des navires et le nombre d'escales dans dix ports situés sur les principaux itinéraires Est-Ouest (les volumes portuaires par transporteur n'étant pas accessibles).
L’effet « maison » opère à plein
Première évidence : les ports bénéficient de la présence d'un transporteur national puissant.
Ainsi, Hapag-Lloyd, pourtant numéro cinq mondial, est le principal utilisateur du port de Hambourg, où il détient une participation minoritaire dans le terminal à conteneurs Altenwerder avec HHLA.
Le rapport de force va sans doute changer alors que transporteur italo-suisse est entré au capital du puissant manutentionnaire allemand, à la manœuvre de trois des quatre terminaux du premier port allemand.
Inversement, Maersk n’apparaît pas parmi les cinq premiers usagers du premier port allemand, l’armateur danois ayant choisi Bremerhaven comme principal hub outre-Rhin, où il apporte 51,6 % de la capacité traitée.
HMM, le huitième plus grand transporteur de conteneurs au monde, n'entre dans le top 5 qu'à Busan, en Corée. La compagnie maritime nationale est sur son terrain avec de nombreux services centrés sur le hub coréen.
L’effet « actionnaire » du terminal n’est plus à prouver
MSC s’impose à Anvers-Bruges, où il représente 35,7 % de la capacité traitée, là où TIL, dont il est actionnaire, exploite le terminal européen MSC PSA European Terminal (MPET), dans le cadre d'une coentreprise avec le manutentionnaire singapourien PSA. La part de MSC est encore plus élevé (39,5 %) si seul Anvers est considéré.
Si CMA CGM n’y est que le troisième transporteur avec 10,8 % de la capacité apportée, c’est parce qu’il concentre ses escales sur le terminal voisin, le DPW Antwerp Gateway. Son partenaire d’alliance, Cosco est, lui, un acteur ultra dominant à Zeebrugge (61,3 %), où il contrôle le CSP Zeebrugge Terminal.
Mais l’inverse est aussi vrai. Bien qu'il contrôle le terminal APMT Maasvlakte II de Rotterdam, le groupe Maersk (12,6 %) n'arrive qu'en troisième position dans le port néerlandais derrière CMA CGM (13,1 %).
La taille de la compagnie n’est pas toujours déterminante
Bien que numéro quatre mondial de la ligne régulière, Cosco représente tout de même la troisième plus grande capacité à Shanghai (11,7 %) contre 13,1 % pour MSC et 12,9 % pour Maersk. Cette position est à mettre au crédit de son important réseau domestique, dont les navires escalent aussi dans le premier port mondial.
Sa position est en revanche plus faible à Ningbo, dans le deuxième port chinois, où les porte-conteneurs de MSC s’imposent avec 15,9 % de la capacité totale manutentionnée devant Maersk (13,5 %) et Cosco (13,3 %). La présence de Ningbo Ocean Shipping, opérateur local, n’y est pas non plus étrangère. Le 26e transporteur mondial n’en est pas moins le sixième client de Ningbo.
De même, Singapour, deuxième port mondial, profite du fait que la société japonaise ONE y a son siège. A contrario, le deuxième transporteur mondial, Maersk, n'arrive qu'en cinquième position principalement parce que APM Terminals, l’opérateur portuaire dont il est actionnaire, est installé dans le port voisin de Tanjung Pelepas (Malaisie), où Maersk et sa filiale régionale Sealand Asia représentent 56,6 % de toute la capacité traitée.
Escaler dans deux ports très proches n’empêche pas d’être puissant dans les deux
Malgré la courte distance qui le sépare de son hub d'Anvers, MSC semble également être le principal client de Rotterdam (20,3 %), où le côté nord du terminal ECT Delta lui est dédié.
Adeline Descamps