Parmi tous les serpents de mer qui se faufilent au sein de l'Union européenne, il y a l’exemption fiscale des ports. Du moins ceux qui n’ont pas encore été rappelés à l’ordre par Bruxelles. L’Italie avait rechigné. Elle doit se mettre d’équerre avec les règles européennes d’ici au 1er janvier 2022.
La Commission européenne vient de rendre sa décision à l’issue d’une enquête approfondie mandatée en 2019 après avoir demandé une première fois à l'Italie de supprimer les exonérations de l'impôt sur les sociétés dont bénéficient les ports transalpins, afin d'aligner son régime fiscal sur les règles communautaires en matière d'aides d'État. C’est donc l’épilogue d’une longue saison fiscale.
Pour rappel, les autorités portuaires exercent aussi des activités non économiques (dragage des ports et des voies navigables d'accès, contrôle du trafic maritime, surveillance de la sécurité, environnement) qui n'entrent pas dans le champ d'application du contrôle des aides d'État de l'UE. Le règlement permet aux pouvoirs publics de prendre en charge ces coûts et d’indemniser les ports pour les tâches de service public qu'ils assurent. Les États membres peuvent investir jusqu'à 150 M€ dans les ports maritimes et jusqu'à 50 M€ dans les ports intérieurs, et ce, sans contrôle préalable de la Commission. En revanche, l'exploitation commerciale de leurs infrastructures (redevances portuaires, revenus tirés des contrats de location ou concession, etc.) doit être soumise aux règles de l'UE en matière d'aides d'État. Sans cela, elles constitueraient un avantage concurrentiel.
Bruxelles ouvre une enquête sur l’exemption fiscale des ports italiens
Avant le 1er janvier 2020
En avril 2018, à la suite de son enquête sur le fonctionnement et la taxation des ports dans tous les États membres de l'UE, la Commission avait considéré, à titre préliminaire, que, tant en Italie qu'en Espagne, les régimes fiscaux existants conféraient aux ports un « avantage sélectif susceptible de constituer une violation des règles de l'UE en matière d'aides d'État ».
En janvier 2019, la Commission avait alors demandé aux deux États membres, dont les activités économiques sont actuellement exonérées, de revoir l’imposition de leurs ports et d'adapter leur législation d’ici le 1er janvier 2020 de façon à ce qu'ils s'acquittent de l'impôt sur les sociétés comme n'importe quelle autre entreprise conformément aux règles en vigueur au sein de l’UE.
En principe, si le pays accepte de mettre en œuvre la requête européenne, la Commission adopte une décision reconnaissant formellement cet engagement, ce qui met un terme à la procédure. C’est le cas de l'Espagne (mais qui ne devra pas pour autant rembourser les aides accordées) et des 28 autorités portuaires qui relèvent de Puertos del Estado, une entité qui dépend du ministère de l’Équipement.
Si l'État membre refuse, comme en Italie, Bruxelles peut décider d'ouvrir une enquête approfondie. C’est au terme de cette évaluation que la Commission vient confirmer sa décision en première instance.
Fronde portuaire
Assoporti, l’association des autorités portuaires italiennes, a toujours soutenu que, les ports appartenant à l’État, ils ne pouvaient pas être imposables tout en indiquant qu’un changement de régime fiscal augmenterait leurs coûts de 40 %. Un argument irrecevable pour Bruxelles. « Les bénéfices tirés par les ports italiens de leurs activités économiques devraient être imposés au même titre que toutes les entreprises soumises aux régimes fiscaux nationaux afin d’éviter des distorsions de concurrence », martèle Margrethe Vestager, déjà commissaire européenne en charge de la politique de concurrence dans la précédente législature. En Italie, les professionnels y ont toujours vu aussi la main cachée des ports d’Europe du Nord.
Quoi qu’il en soit, la péninsule a désormais jusqu’au 1er janvier 2022 pour modifier sa législation fiscale et faire en sorte que tous les ports soient soumis aux mêmes règles d'imposition des sociétés que les autres entreprises.
Les ports européens sont à vrai dire dans le collimateur de Bruxelles depuis 2016. Cette année-là, la Commission a demandé aux Pays-Bas de mettre fin à son exemption fiscale. En juillet 2017, la Commission a prié la France et la Belgique de faire de même.
En France, lors d’un comité interministériel, qui s'est tenu le 7 décembre sur le secteur de la logistique (Cilog), les pouvoirs publics ont annoncé qu’ils allaient annuler le prélèvement de dividendes auprès des grands ports maritimes en 2020 et 2021, soit une bouffée d’air d’une valeur de 30 M€ pour compenser la baisse des trafics.
Adeline Descamps