Panorama 2022 : les 30 premiers ports mondiaux doivent leur faible croissance aux ports chinois pourtant fragilisés

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Bien qu’au ralenti par rapport à 2021, la croissance des dix premiers ports chinois a permis aux top 30 d'enregistrer une légère augmentation de leur volume de moins de 1 % pour s’établir à 454 MEVP en 2022. Prime aux nouveaux entrants. Sanction des ports établis. Même les météorites marquent le pas. Une autre hiérarchie portuaire s'établit dans certaines régions.

Les trente ports mondiaux ont perdu la flamboyance des précédentes années. Aux croissances à deux chiffres, particulièrement notables en 2021, se sont substitués des volumes bien plus modestes tandis que les pertes de trafics, qui n’existaient pour aucun d’entre eux en 2021, ont colonisé les statistiques.

Bien qu’au ralenti par rapport à 2021 (+ 6,2 %), la croissance chinoise des dix premiers ports (+ 4,1 %) a permis aux 30 premiers ports d'enregistrer une légère augmentation de leur débit en 2022, de moins de 1 % pour s’établir à 454 MEVP (sur un total manutentionné dans le monde de 864 MEVP en 2021 selon Dynamar). Sans eux, les volumes manutentionnés de conteneurs auraient été en baisse de 2 %, indiquent les dernières données publiées par Alphaliner.

La cartographie des 30 premiers mondiaux donnent surtout la prime aux nouveaux venus – quelques « petits ports » chinois, le malaisien Tanjung Pelepas, l'indien Nhava Sheva et les ports de la côte est-américaine –, et sanctionnent les ports plus établis, que ce soit en Europe et en Asie. Le continent américain reste un cas à part ces deux dernières années.

TOP 30 des ports en 2022
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Crédit photo : ©JMM, données Alphaliner

La Chine reste un moteur

Témoignages éclatants des effets ravageurs de la politique zéro-Covid en Chine, les deux leaders mondiaux, Shanghai (0,5 %), fermé l’an dernier pendant de longues semaines, et Singapour (- 0,5 %), sont stables tandis que la plupart des autres places portuaires chinoises, abonnés aux croissances survitaminées, ont perdu de l’éclat.

Seuls deux « petits ports » se distinguent pour leur trafic sous dopage : Rizhao (+ 10,7 %) et Lianyungang (+ 9,5 %), en pleine ascension. Ningbo, Shenzhen et Qingdao, les trois du club fermé des 5 leaders mondiaux, restent des valeurs sures (avec des croissances entre 4 et 7 %). Elles sont en perte de vitesse mais leur position ne s’est pas dégradée autant que les icônes portuaires Shanghai et Singapour.

Dans le reste de l'Asie, des baisses généralisées

Toutefois, des baisses de volumes ont été enregistrées dans de nombreux autres ports du reste de l'Asie. La plus visible étant celle de Hong Kong (- 7 %), ex-star portuaire mondiale, dont l’astre scintille chaque année moins au point d’atteindre cette fois le 10e rang.

Plusieurs ports dévissent également dans des proportions certes moindres : Colombo (- 5,6 %), Jakarta (- 5,2 %), Mundra (- 2,5 %), Kaohsiung (- 3,9 %) et Pusan (- 2,9 %).

Le cas philippin de Manille détonne en revanche avec des envolées de 10 % deux années de suite.

L'Europe reste à la traîne
Rotterdam, Anvers-Bruges et Hambourg, les seuls trois ports européens d'un classement surplombé par 31 ports asiatiques (au sens large avec le sous-continent indien), s’illustrent par des pertes de 5,8 %, 5,5 % et 5,4 % respectivement. Le résultat est particulièrement sévère pour Anvers qui a fusionné avec le port côtier de Zeebrugge en avril 2022, dont la baisse réelle en 2022 devrait plutôt se situer autour de 6,5 %. Le débit des ports européens – 11e, 13e et 20e rang mondiaux –, est désormais inférieur aux niveaux de 2019.

Outre-Atlantique, la revanche de la côte Est

Les résultats sont également bavards sur la conjoncture portuaire américaine. Fait saillant : le basculement de l’Ouest vers l’Est du fait des phénomènes de congestion portuaire mais aussi de l’appréhension d’un conflit social à Los Angeles en raison de l’issue incertaine des négociations entre la Pacific Maritime Association et l'International Longshore and Warehouse Union (ILWU), le syndicat majoritaire représentant quelque 22 000 dockers.

Les échanges, en cours depuis l’été 2022, date de l’expiration du contrat de travail portuaire entre le syndicat et les employeurs, ont repris récemment mais les impasses de ces derniers mois, qui se sont traduites par des grèves des dockers, ont incité les chargeurs à diversifier leurs points d'entrée afin d'éviter toute perturbation potentielle due à l'absence d'accord.

La conjonction des deux facteurs a sanctionné les deux portes d’entrée du continent américain – Los Angeles/Long Beach pour le fret conteneurisé (- 5,4 %) –, mais a profité aux ports du versant oriental, à commencer par le premier d’entre eux, New York/New Jersey, là où CMA CGM s’est bien placé l’an dernier en rachetant quelques actifs, ainsi que Savannah (Géorgie).

Les volumes des ports de la côte Est et du golfe du Mexique ont dépassé ceux de la côte Ouest au cours de quatre des cinq derniers trimestres, New York/New Jersey étant devenu le port le plus fréquenté du pays depuis le second semestre 2022. Les ports de Virginie ainsi que Savannah et Houston ont tous vu leur débit augmenter de 5 % ou plus en 2022.

Toutefois, là encore, avec des décélérations manifestes : après 16,6 % entre 2020 et 2021, Savannah a progressé de 4,7 % entre 2021 et 2022. De même, New York/New Jersey doit se contenter d’un + 5,3 % après 15,6 %.

Vers une autre hiérarchie des ports américains ?

Outre les mouvements aux deux entrées du continent nord-américain, la manutention outre-Atlantique est aussi un reflet de la chute du commerce maritime avec la Chine et d’un effet de base après deux années exceptionnelles pour le marché transpacifique.

Le début d’année est de ce point de vue encore plus flagrant : les flux entrants de la côte Ouest ont atteint leur point le plus bas observé ces douze dernières années par Fitch Ratings.

Les volumes portuaires suivent généralement la tendance de la croissance du PIB, et Fitch s'attend à cet égard à ce que le PIB américain ralentisse à 1 % en 2023 contre 2,1 % en 2022, le resserrement monétaire exerçant une pression sur la demande et l'investissement, « ce qui conduira à une légère récession au troisième trimestre 2023 ». La consommation reste néanmoins forte. La plupart des armateurs de porte-conteneurs l’ont mentionné à l’occasion de leurs résultats.

A Los Angeles, en janvier 2023, les trafics étaient en chute libre de 28,4 % par rapport à l'année précédente et de 16,1 % à Long Beach. Particulièrement touchés par les perturbations liées au Nouvel An lunaire, le trafic est tombé, en février, à 487 846 EVP à Los Angeles, en chute de 43 % par rapport à l'année précédente et de 33 % par rapport à janvier. Long Beach a, pour sa part, publié un trafic supérieur, de 543 675 EVP.

Un indicateur pourrait influencer le schéma portuaire américain. Pour la plupart, les importateurs avaient, jusqu'à une date récente, un unique centre de distribution ou entrepôt sur la côte ouest, où ils réceptionnaient leurs marchandises en provenance de l'Asie avant de traverser le pays par la route. Du fait de la congestion, ils ont été contraints de s'aménager un autre point de chute sur la côte Est.

Un retour en arrière paraît peu probable si l'écart des taux de fret entre la côte Est et la côte Ouest continue de se reserrer (il n'est plus que de 850 $/EVP), auquel cas il devient compétitif par rapport à la route. Aussi, les services de transport maritime vers la côte Est se sont développés et les ports ont investi dans leurs capacités.

Tanger Med marque le pas, Dubaï stagne

Dans la famille des météorites de ces dernières années, la plateforme marocaine Tanger Med marque le pas avec une croissance limitée à 5,6 % (7,6 MEVP), après une année à + 19,6 %. Le complexe a cependant ajouté quelque 423 000 EVP aux volumes mondiaux.

Dubaï est en revanche resté stable à 13,9 MEVP, soit une augmentation de 1,6 % par rapport à 2021.

En Inde, une nouvelle bataille

Dans le sous-continent indien, où le charbon et le pétrole brut ont été les principales marchandises transportées au cours de l'année fiscale selon les données du gouvernement, les ports publics ont enregistré au cours des 11 mois de l'année fiscale une croissance de 9,4 %, à 711 Mt.

Dans le conteneur, malgré la croissance dans tous les segments, l'augmentation de la capacité de manutention dans les ports clés à l'instar du Jawaharlal Nehru Port (JNPT) et du Deendayal Port (DPT) et la chute des taux de fret (passés de 4 237 $ à 2 127 $ en mars sur une base annuelle), le trafic a stagné sur un plan global.

Mundra (- 2,5 %), le plus grand port indien pour le trafic conteneurisé, n’a pas connu la même trajectoire que Nhava Sheva (+ 5,5 %, 5,9 MEVP), propriété de Jawaharlal Nehru Port Trust. Ils sortent pourtant tout deux d’une année 2021 exceptionnelle (+ 15,1 et + 20,6 % respectivement). Le second est désormais à moins de 550 000 EVP du premier (6,5 MEVP).

En août 2022, l'opérateur portuaire indien Adani a annoncé un cinquième terminal à conteneurs d’une capacité de 1,8 MEVP à Mundra. Il portera la capacité du port à près de 9 MEVP. Hapag-Lloyd a signé pour sa part le 25 janvier un accord qui, sous réserve des autorisations réglementaires, lui permettrait d’acquérir 35 % de l'autre opérateur indien JM Baxi Ports&Logistics (JMBPL). L'armateur allemand de porte-conteneurs se retrouve ainsi actionnaire d’un groupe qui a emporté en août la concession pour trente ans du terminal de Nhava Sheva... avec CMA CGM.

Globalement, la plupart des 30 leaders affichent des volumes traités en deçà de leur niveau en 2019.

Adeline Descamps

 

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