New York/New Jersey détrône Los Angeles

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Los Angeles et Long Beach, les deux ports de la côte ouest-américaine, qui traitent entre 30 et 40 % des importations conteneurisés du continent nord-américain, ont cédé leur place aux ports jumeaux de la côte Est. Un tour de force permis par la congestion et la perspective de blocages sociaux.

Le détournement des flux de marchandises de la côte ouest-américaine vers la côte Est vient de se matérialiser concrètement et ce, en un temps plutôt record, en cinq mois : le port de New York et du New Jersey a ravi en août au port de Los Angeles sa première place en tant que porte d’entrée américaine pour les importations et les exportations par conteneurs. Relégué à la troisième place, le port californien glisse derrière Long Beach, les deux ports de la côte ouest traitant ensemble entre 30 et 40 % (selon les sources) des importations de conteneurs.

Le port californien pâtit à la fois de son engorgement persistant (depuis le milieu de l’année 2020) et des craintes de mouvements sociaux, le contrat entre l'International Longshore and Warehouse Union (ILWU) pour les dockers et la Pacific Maritime Association (PMA) étant échu depuis le 1er juillet. Les négociations (toujours au point mort), qui concernent 29 ports de la côte ouest, portent sur des sujets (augmentations de salaires et l'automatisation de la manutention des marchandises) dont le potentiel de blocage a été jugé suffisamment crédible pour que les armateurs prennent leurs dispositions en réorientant les flux vers la côte Est. À fin mai, les statistiques en témoignaient déjà : les trafics de conteneurs des ports est-américains avaient alors augmenté de 9,9 % depuis le début de l’année par rapport à la même période en 2021 mais de seulement 0,4 % dans les ports ouest-américains.

 

Le mois dernier, New York/New Jersey a traité 843 191 EVP à l’importation et à l’exportation contre 805 314 EVP pour Los Angeles et 806 940 EVP à Long Beach. Les importations dans les 10 premiers ports ont totalisé 2,16 MEVP, soit le cinquième meilleur mois jamais enregistré bien que resté stable par rapport à l'année précédente. La part des ports de la côte Ouest est tombée à 45 % alors qu’ils représentaient encore 54 % l’an dernier.

Les importations vers les principaux ports de la côte Ouest ont totalisé 978 844 EVP en août, en baisse de 11,5 % par rapport à l'année précédente, en raison d'une chute de 17 % au port de Los Angeles. Les marchandises entrant par les principaux ports de la côte Est et du Golfe ont atteint 1,18 MEVP (+ 12 % par rapport à l'année précédente). La situation profite surtout aux ports de Savannah (+ 20,4 % par rapport à l'année précédente avec 575 513 EVP), de Houston (+ 12,7 %), de Norfolk en Virginie (+ 11,4 %), et de New York/New Jersey (+ 10,5 %).

Le succès de Savannah est notable. Le port de Géorgie est bien parti pour dépasser les 6 MEVP au cours de l’exercice en cours (1er juillet 2022 – 30 juin 2023) alors que le précédent s’est établi à 5,76 MEVP selon l’Autorité portuaire de Géorgie. La réussite lui donne des ailes. Des travaux sont en cours pour lui permettre de traiter simultanèment quatre navires de 16 000 EVP et trois autres de moindre taille. Parallèlement, une extension du Garden City Terminal, livrée par phases en 2023 et 2024, permettra à terme d’augmenter d’1 MEVP la capacité annuelle de manutention existante. 

La file d’attente a également basculé 

L’engorgement a également basculé. Selon MarineTraffic, il y avait vingt-huit porte-conteneurs en attente au large du port de Savannah, avec une attente moyenne de près de dix jours pour accoster. C’est toutefois mieux que les 43 qui s’étalaient le long des côtes début septembre. À New York/New Jersey, douze porte-conteneurs doivent patienter en moyenne neuf jours pour obtenir un poste à quai. À Houston, vingt-cinq porte-conteneurs sont ancrés et le temps d’attente moyen est estimé à huit jours. La file d'attente au large de la Virginie, qui borde Norfolk et Baltimore, connait un engorgement croissant. Treize navires font la queue. Sur l’autre versant, il n'y avait que six navires en attente au large de Los Angeles/Long Beach selon le Marine Exchange of Southern California alors que l’on en comptait plus d’une centaine en début d’année.

Les ventes au détail restent stables outre-Atlantique si bien que la demande paraît ferme. Pourtant des signes ne trompent pas. Le ralentissement de la demande entraîne toujours plus de fermetures de services maritimes dans le Pacifique, relève Alphaliner.

Après la décision de Matson de fermer son service China-California Express (CCX), les transporteurs chinois CULines et Shanghai Jin Jiang Shipping, ainsi que CMA CGM, ont aussi réduit la voilure. Les deux premiers ont annoncé la fermeture de leur service Trans Pacific Express TPX, qui avait été lancé en juillet 2021, d’abord en solo par la CULines puis rejointe par Shanghai Jin Jiang, qui n’a désormais plus de service propre sur le transpacifique.

CMA CGM interrompt aussi son Golden Gate Bridge, lancé en janvier 2021 avec une flotte de sept navires de 5 000 à 11 000 EVP. Le CMA CGM Medea (9 415 EVP), attendu à Shanghai le 5 novembre, effectue sa dernière tournée.

Une Golden Week fatal aux taux de fret

À l’approche des prochaines vacances de la Golden Week, première semaine d’octobre correspondant à une semaine de jours fériés en Chine, et compte tenu de la baisse vertigineuse des taux de fret – un nouveau repli de 17 % cette semaine pour les tarifs vers la côte Pacifique, désormais 80 % inférieurs à ceux de l'année dernière à la même époque, selon les données du marché du fret en ligne Freightos –, des réductions de capacité supplémentaires sont probables dans les semaines à venir. Ne serait-ce que pour tenter de contenir la chute des taux de fret au comptant.

En principe, hors périodes exceptionnelles comme les deux années que le secteur vient de vivre, la perspective de la Golden Week maintient les taux de fret à la hausse, mais selon Judah Levine, responsable de la recherche chez Freightos, « il est peu probable que cette fête soutienne les taux cette année en raison des autres dynamiques en jeu ».

Cette année, la semaine de vacances en Chine, qui mettra une grande partie de l'industrie manufacturière du pays en pause, pèsera davantage sur les taux, car il y aura moins de produits à exporter, explique-t-il. « Les transporteurs ont commencé à annuler des départs pour essayer de garder les navires pleins afin d'enrayer la chute » mais ces mesures sont, selon lui, « sans grand résultat ». La congestion portuaire persistante outre-Atlantique « apportera un soutien », admet-il.

Adeline Descamps

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