C'est sous une gouvernance renouvelée à divers étages que le port de Nantes Saint-Nazaire a présenté l’état de ses trafics en 2024. Jean-Rémy Villageois, ex-patron du Grand port maritime de La Martinique où il était aux commandes depuis 2012, a été nommé en avril à la tête du directoire et a ainsi rejoint Christelle Morançais (présidente de région des Pays de la Loire), réélue à la présidence du conseil de surveillance (cf. plus bas).
Le port ligérien n’a pas passé une très bonne année en 2024 du point de vue de ses flux, accusant une chute de ses trafics de 10 % par rapport à 2023 pour s’établir à 25,7 Mt, dont 18,7 Mt à l'import et 7 Mt à l'export. La transition devra encore un peu attendre : le pétrole et le gaz pèsent necore pour près de 68 %.
Le GNL enrayé
Son point fort, grâce à la présence d’un des cinq terminaux méthaniers français (exploité par Elengy) sur son domaine, a plombé l’ambiance avec son décrochage de 38 %, à 5 Mt. Une situation en miroir à l’état du marché déprimé du GNL en 2024 et en contraste avec plusieurs années très profitables. Nantes Saint-Nazaire est porté depuis 2022 par la dynamique du GNL en réaction à la guerre en Ukraine et à la reconfiguration des flux qui en a découlé (remplacement du gaz russe acheminé par gazoduc terrestre par du GNL transporté par voie maritime). À son pic (2022), le trafic a voisiné avec les 10 Mt.
« L'activité du terminal méthanier a été pénalisée par un arrêt technique de plusieurs mois, en pleine période de réalimentation des stocks français avant l'automne », avance de son côté la direction. Le pétrole (+ 7 %, 7,3 Mt), dont les importations sont en principe destinées à la raffinerie TotalEnergies de Donges, a en revanche été bien été orienté en dépit d’un arrêt complet du raffinage observé entre février et avril pour maintenance. En témoigne la croissance des produits raffinés de 12 % (5,1 Mt), marquée à l'export (+ 16 %, 3,9 Mt) mais relative à l'import (+ 1 %, 1, 2 Mt).
Céréales, passage à vide
Les vracs solides, dont le trafic (4,5 Mt) perd 100 000 t sur une base annuelle, limitent la casse au regard de l’hécatombe (- 20 %) du tonnage de céréales (0,5 Mt) en 2024, résultant d’une très mauvaise année pour les récoltes. Avec des imports en hausse de 10 %, les produits liés à l'alimentation animale (2,2 Mt), tourteaux et graines essentiellement, compensent en partie les aléas agricoles des grains. Étonnamment compte tenu d’un contexte international âpre. « Des investissements de l'opérateur MBT ont permis de fiabiliser le terminal. Les activités de trituration des usines Cargill demeurent soutenues », explique à cet égard le port.
Dans ce segment, les cours défavorables de l’acier ont également pénalisé la ferraille de recyclage (- 12 %, 0,3 Mt), exportée depuis les sites de Nantes et de Montoir, vers des aciéries d'Espagne et de Turquie.
Conteneur, en quête de sa formule
Quant au conteneur, marginal avec ses 133 000 EVP comme il en est ainsi dans la plupart des ports de la côte atlantique française, il dévisse de 13 %. Un recul lié à ses lignes phares à destination des Antilles et de l'Afrique de l'Ouest que la direction portuaire espère compenser en partie avec le nouveau service feeder Femex (Far East Mediterranean Express). Lancé en fin d’année dernière par CMA CGM, il dessert Le Pirée, plusieurs ports turcs (Istanbul, Gebze, Gemilk et Izmir) Salerne (Italie), Tanger, Felixstowe, Anvers, Rotterdam, Hambourg et Malte.
Le CMA CGM Montoir, exploité dans le cadre de cette ligne, a touché pour la première fois, le 5 janvier, le TGO (Terminal du Grand-Ouest), Montoir-de Bretagne étant le seul port touché en France, avant le port britannique. « Il permet d’améliorer considérablement le transit time en provenance des ports asiatiques et du bassin méditerranéen, en offrant une solution directe en transbordement à Tanger vers Montoir pour les conteneurs en provenance d’Asie », ajoute la direction.
Wec Lines, qui a ouvert une agence à Nantes en septembre 2024, connaît des fortunes diverses avec son service short sea lancé en septembre 2023. L'armateur néerlandais tente de trouver la formule qui va bien. Après avoir lancé une ligne entre la zone Amsterdam-Rotterdam-Anvers (ARA), l’estuaire de la Tamise, la côte basque espagnole avec Bilbao et le Portugal, l’armateur néerlandais a lancé un nouveau service en forme de décalque mais en y ajoutant l’estuaire de la Loire pour répondre à la demande d’une entreprise portugaise souhaitant transférer ses flux routiers vers le maritime pour ses expéditions vers l’Ouest de la France. Ce service a été reconfiguré en octobre. Deux feeders de 1 000 EVP effectuent chaque jeudi, en alternance, une rotation (Northbound) entre Sétubal et Montoir sans escale (transit time de quatre jours), avant Rotterdam (3 jours), Anvers (4 jours) et Hambourg (6 jours). La compagnie vise notamment les marchandises réfrigérées, les produits forestiers (des pays baltes) voire l’industrie automobile avec un service en complément des lignes ro-ro existantes.
Roulier, pas en forme
Le terminal roulier est en décrochage (- 13 %, à 0,4 Mt, après un repli de 11 % en 2023), sanctionné par la contraction du marché des véhicules neufs. Les flux en provenance du Maroc et de l'Espagne (Stellantis) ont décliné de 15 %. Avec 9 500 unités, le trafic de remorques (export de pièces automobiles et import de matériaux de construction) est stable.
Il y a toutefois deux motifs de satisfaction dans ce segment. Le premier concerne les flux de composants aéronautiques (présence d’Airbus), en légère hausse de 3 % en dépit des problématiques d’approvisionnement que rencontre l’avionneur européen (une ligne maritime relie Montoir et Mobile, aux États-Unis).
Le second porte sur un schéma logistique de report modal mer-fer, lancé à titre expérimental en 2023 avec un trafic de 3 000 t de granit, entre la Galice et la région lyonnaise. Le service a été initié pour répondre aux besoins de l’entreprise De Filippis (travaux d'aménagement urbain), qui a décroché un appel d'offres pour l'approvisionnement en matériaux de construction du chantier du parvis de la gare Part-Dieu de Lyon. Le granit embarque depuis le port de Vigo sur les rouliers Suardiaz avant d'être déchargé dans les parcs de stockage du terminal roulier de Montoir-de -Bretagne. Il est ensuite chargé chaque semaine dans des wagons opérés par Fret SNCF sur son réseau puis emprunte le tracé de la Voie Ferrée Centre Europe Atlantique (VFCEA) pour rejoindre la région lyonnaise. « Ce schéma doit se répéter pour alimenter d'autres chantiers dans l'est de la France », indique une note portuaire.
L'éolien en mer, la joie des autorités portuaires
Les travaux liés à l’éolien en mer fournissent une autre source d’optimisme à Saint-Nazaire, site de pré-assemblage de turbines. Le coup d'envoi des premières opérations de manutention liées à la construction du parc éolien en mer des îles d'Yeu et de Noirmoutier a été donné fin octobre. Le second, après le déploiement au large de Saint-Nazaire et le quatrième pour la France doit être mis en service en fin d’année.
Les composants des 61 éoliennes en mer, fabriquées par Siemens Gamesa Renewable Energy, sont acheminés depuis les usines du Havre jusqu'à Saint-Nazaire, où les pales et mats sont déchargés quai de la Prise d'Eau, et les nacelles, roulées depuis le quai des Charbonniers, sont stockés sur un site, qui jouxte la forme Joubert. Ils seront ensuite transférés en mer à l'aide du jack-up Vole-au-vent de 140 m, équipé d’une grue de 1 500 t, de la compagnie belge Jan de Nul, dès le printemps 2025.
Tête de pont des grands ports dans l’éolien
« À la quatrième année de sa programmation pluriannuelle des investissements accompagnant l'évolution de son modèle économique », fait valoir Nantes Saint-Nazaire Port, 30 M€ ont été engagés l’an dernier. La répartition n’a pas été communiquée mais une large partie a été consacrée au développement de la filière des énergies marines renouvelables (EMR), notamment les études relatives à son emblématique projet Eole, plateforme d’assemblage d'éoliennes qui va nécessiter d'adapter ses infrastructures. Dans quelques jours, le 23 février va démarrer la phase de concertation, en parallèle de la poursuite d’études jusqu’au démarrage de l’enquête publique sur un projet qui sera stabilisé en 2026.
Pour rappel, il est question de prolonger son hub logistique EMR, aménagé sur 15 ha entre la forme Joubert et les Chantiers de l’Atlantique, avec un pôle ad hoc dédié à l’assemblage d’éoliennes de grande dimension sur une ancienne friche portuaire. Le futur quai, pensé sur 780 m de long, sera en mesure de traiter des colis de 15 à 30 t/m2 avec notamment une grue d’une capacité de levage de 1 100 à 1 400 t, les turbines étant rattrapées par le gigantisme. Le coût du projet star de Nantes est évalué (a minima) à 235 M€.
En attendant, le conseil de surveillance du 29 novembre a validé un plan d'investissement bien plus modeste, de 40 M€ pour l'année 2025. « 11 M€ seront dédiés à des opérations de développement visant à accompagner la logistique portuaire, à développer les énergies renouvelables, notamment la filière de l'éolien flottant », peut-on lire dans le rapport annuel.
Adeline Descamps
>>> Lire aussi
Gouvernance renouvelée à tous les étages
Le port de Nantes Saint-Nazaire a présenté l’état de ses trafics en 2024 sous une gouvernance renouvelée aux différents étages avec l’arrivée de Jean-Rémy Villageois à la tête du directoire fin avril et l’installation d’un nouveau conseil de surveillance en fin d’année mais toujours présidée (depuis 2019) par Christelle Morançais, présidente de la région des Pays de la Loire tandis que David Samzun, le maire de Saint-Nazaire et président de Saint-Nazaire Agglomération assure la vice-présidence.
Odile Bagot, directrice juridique et de la commande publique et Alexandre Rolland, directeur du patrimoine et de la production ont rejoint le directoire, notamment pour pallier le départ de Julien Dujardin, nommé à la direction du Grand Port Maritime de la Réunion en juillet, et de Pascal Fréneau, qui a fait valoir ses droits à la retraite.
Au conseil de développement, troisième organe de gouvernance, Bruno Michel, DG du terminal méthanier Elengy de Montoir de Bretagne, a été réélu la présidence le 13 décembre et Pascal Trescos, patron de Sea-Invest à la vice-présidence.
A.D.
Gouvernance des ports : des mouvements en perspective à tous les étages
Cécile Richiardi, Sandrine Gourlet : un duo complètement féminin à la barre du port de La Rochelle
Jean-Frédéric Laurent renouvelé à la tête du port de Bordeaux
Maurice Georges reconduit à la direction générale du port de Dunkerque
L'éternel mercato dans les ports français
Le mercato à la tête des grands ports ultramarins est terminé
>>> Sur ce sujet
« Avec l’accroissement des turbines, le coût des navires peut dépasser les 500 M€ »
L’éolien offshore face à la pénurie de navires
Éolien: un marché taillé sur-mesure pour les colis lourds
Le report modal fait son chemin au port de Nantes Saint-Nazaire
Le transport maritime de voitures, un business fiable pour les ports ?
Les ports faces aux éoliennes de grande taille
Le port de Nantes investit pour capter de nouveaux trafics
Le port de Nantes-Saint Nazaire est en repli en 2023
Conteneurs : nouvelle escale de WEC à Montoir
Parc éolien Yeu/Noirmoutier : Saint-Nazaire retenu pour le préassemblage des composants