Les ministres de l'Industrie, des Transports et du Partenariat avec les territoires et Décentralisation seront ce 7 novembre au Havre pour annoncer l'aménagement des 60 ha et des investissements de plus de 2,5 Md€ portés par trois entreprises, dont deux étrangères.
La luxembourgeoise Livista Energy, l’Américaine Air Products et la française Q-Air sont les trois lauréates, parmi les huit soumissionnaires, de l’appel à projets lancé par l'autorité portuaire d'Haropa Port en juin dernier dans le cadre de la stratégie nationale visant à réindustrialiser le pays avec des projets positionnés sur des technologies vertes. Sous réserve d'aléas, elles s'implanteront dans une fenêtre comprise entre 2026 et 2029 sur une parcelle de la zone industrialo-portuaire, à l’ouest du barreau autoroutier de l’A29, à proximité immédiate du Grand Canal du Havre. Le site est l'un des cinq labellisés « clés en main 2030 » sur le domaine foncier de l'établissement portuaire (quatre au Havre et un à Rouen).
Trois projets gourmands en électricité renouvelable
Air Products, spécialisé à l’origine dans les équipements pour la production de
gaz industriels et diversifié dans les énergies émergentes (hydrogène), porte au Havre un projet de 1,1 Md€ avec potentiellement 270 emplois à la clé. Le groupe (12,6 Md$ de chiffre d’affaires en 2023, 23 000 employés, 60 Md$ de capitalisation boursière), dont le siège mondial est en Pennsylvanie, se positionne comme un acteur mondial du transport maritime d'hydrogène pour des besoins industriels et dispose d’un réseau de terminaux de production et d'exportation, notamment dans des pays où les énergies renouvelables ont des coûts de production les plus faibles. L’entreprise a signé en juin dernier un contrat long terme (15 ans) avec TotalEnergies pour lui fournir 70 000 t d’hydrogène vert par an à partir de 2030. Cet accord s'inscrit dans le cadre de l'appel d'offres lancé en septembre par la major française portant sur de très gros volumes (500 000 t), destinés à décarboner ses raffineries en Europe du Nord.
Raffiner du lithium pour produire des batteries électriques
Livista Energy, industriel luxembourgeois du lithium, s’est positionné sur un terrain de 27 ha où elle prévoit une raffinerie de lithium à partir de matériaux primaires et recyclés. Un investissement projeté à 1,2 Md$, susceptible de générer 300 emplois directs. Le démarrage de l’unité est prévu en 2028 avec une capacité initiale de 40 000 t et un objectif de doubler rapidement ce volume pour fournir les batteries d’1,5 million de véhicules électriques par an. Selon ses plans, les matériaux issus du recyclage des batteries devraient progressivement devenir l'intrant principal (objectif : 50 % d'ici 2035). Le lithium se transporte notamment par la mer mais les fabricants européens de batteries et de cathodes sont astreints par une réglementation de l'UE à réduire leur dépendance à l'égard des matériaux importés et à avoir produire localement 40 % de lithium raffiné de qualité batterie d'ici 2030. L’entreprise a sans doute dans le viseur l'usine Renault de Sandouville.
Produire des e-carburants à partir de CO2 biogénique et d'hydrogène renouvelable
Enfin, la seule entreprise française est Qair, énergéticien du renouvelable (hydrogène, carburants de synthèse, éolien offshore...) qui avait atteint fin 2023 1,4 GW de capacité en exploitation et en construction de capacité en opération et un pipeline de projets d’hydrogène renouvelable de 7,5 GW dans une vingtaine de pays. Elle porte au Havre un projet de production et de stockage d’hydrogène et de méthanol verts d’une capacité de 200 000 t pour les secteurs rétifs à la décarbonation, à savoir la mobilité lourde, transports maritimes et aériens. Le ticket d'investissement est évalué à 500 M€ avec 150 emplois directs à la clé.
En France, Qair est en train de construire une première unité de production d’hydrogène renouvelable à grande échelle d’une capacité de 50 MW avec une première tranche de 20 MW prévue pour 2025, à Port-La Nouvelle, en Occitanie. Le spécialiste est également lié à l’avionneur européen Airbus par un protocole d’accord visant à structurer conjointement une filière de carburants d’aviation durables (CAD ou SAF, Sustainable aviation fuel).
Cinq implantations industrielles
Ces nouvelles implantations industrielles complètent celles annoncées en juillet 2023 dans le cadre de l’appel à projets « Grand Canal du Havre » qui a retenu les projets de Salamandre de CMA CGM et Engie (unité de production et de commercialisation de biométhane obtenu par pyrogazéification et méthanation avec de la biomasse issue de résidus de bois et de déchets solides de récupération) et de KerEAUzen de Engie. Ce dernier prévoit la production de kérosène de synthèse à partir de CO2 récupéré en partie dans l’usine Salamandre et d’hydrogène bas carbone produit localement par un électrolyseur d'une capacité de 250 MW. Ainsi, à partir de 2028, Engie pourrait ainsi fournir 70 000 t de e-kérosène par an au transporteur aérien Air France-KLM.
Adeline Descamps
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