Les transporteurs ferroviaires et fluviaux réunis au sein de LHTE conservent pour les cinq prochaines années l’exploitation du terminal multimodal du Havre. La CMA-CGM en revanche n’en fait plus partie, sortant de l’actionnariat au profit du Grand Port maritime du Havre.
Une nouvelle concession d’une durée de cinq ans a été attribuée pour le terminal multimodal du Havre. Une nouvelle étape dans ce dossier qui a connu beaucoup de déboires et ce, dès les premières années de son exploitation en 2015-2016 (cf. plus bas). Depuis la dénonciation en fin d’année 2018 de la convention d'occupation passée avec son exploitant Le Havre Terminal Exploitation (LHTE), l’infrastructure créée pour favoriser la massification des flux de conteneurs maritimes par le rail et la voie d’eau restait sans solutions alors même que l’infrastructure semblait enfin avoir trouvé ses clients.
Suivant les recommandations de la Cour des comptes qui, dans un rapport sévère de juillet 2018 pointait notamment une gestion catastrophique pour les finances publiques, le port du Havre avait lancé un appel d’offres en avril 2019 pour l’exploitation du terminal multimodal dans le cadre d’une délégation de service publique (DSP) d’une durée de 25 ans intégrant l’exploitation de la navette ferroviaire. Faute de candidats, Haropa avait décidé d’entrer en tant qu’actionnaire.
« Le contrat de concession de service public, signé le 6 juillet par le directeur général du Port du Havre Baptiste Maurand et le président de LHTE Christophe Régnier, insuffle une nouvelle dynamique », ont annoncé les deux parties prenantes dans un communiqué commun publié le 21 juillet qui fait état d’un « pilotage unifié de l’exploitation du terminal et de sa navette ferroviaire permettant d’offrir un service intégré et optimisé ».
C’est bel et bien une des principales nouveautés de cette nouvelle concession : LHTE n’exploite plus seulement le terminal lui-même, mais aussi la navette ferroviaire, qui relie ce hub fluvial et ferroviaire aux terminaux à conteneurs. Avec un actionnariat modifié pour LHTE, qui en a toujours continué l’exploitation pendant ce long intermède.
CMA CGM se désengage
Naviland Cargo (SNCF) reste l’actionnaire principal avec 33,3 % des parts. Le GPMH reprend les 31 % de la CMA-CGM qui, ayant cédé Greenmodal au groupe Charles-André, n’a plus d’intérêt dans le transport fluvial. Logi Ports Shuttle (groupe Sogestran) et Novatrans (groupe Charles-André) conservent leurs participations respectives de 23,7 % et 12 %. L’entrée du Grand Port maritime du Havre permet, selon le port, « d’appuyer son ambition de développement de la multimodalité et constitue l’opportunité de garantir une certaine neutralité aux clients utilisateurs du système. »
La navette ferroviaire qui effectue la « tournée du laitier » entre les terminaux maritimes et l’installation multimodale était jusqu’à présent exploitée par Normandie Rail Services. C’est désormais LHTE qui porte la responsabilité de cette navette, dont l’exploitation a été confiée à Normandie Rail Services. Cela change cependant la donne. « Nous faisions déjà la coordination et la gestion d’ensemble. La nouvelle organisation élargit notre périmètre à la question économique. Surtout, nous serons plus à même d’orienter le fonctionnement de la navette pour répondre aux besoins des clients », indique le président de LHTE, Christophe Regnier. « Les utilisateurs auront un interlocuteur unique pour le passage de leurs flux conteneurs par le terminal multimodal et le service de transfert en lien avec les terminaux maritimes. »
Une activité en forte baisse au premier semestre
Le terminal mutlimodal du Havre, qui propose 14 départs par semaine vers 11 destinations en ferroviaire et huit départs hebdomadaires vers six destinations de l’axe Seine en fluvial, avait traité 93 000 conteneurs (environ 158 000 EVP) en 2019, ce qui représentait une hausse de 3 % par rapport à l’année précédente.
2020 est cependant beaucoup moins bien engagée selon Christophe Regnier : « L’activité a été beaucoup plus faible, car on cumule les effets des grèves et de la crise sanitaire. Nous avons perdu 25 % à 30 % de nos volumes sur les six premiers mois de l’année. L’activité de juillet est loin de celle l’an dernier à la même période, et en-deça de la reprise escomptée. Les escales maritimes ont repris en juillet, mais sans les volumes habituels. Or, la période estivale correspond habituellement à un pic d’activité. L’utilisation du terminal multimodal par les bateaux fluviaux est aussi privilégiée quand les quais maritimes sont encombrés. À cela s’ajoute le faible coût du gazole, qui permet aux transporteurs routiers de proposer des prestations plus attractives. Nous avons heureusement développé des services supplémentaires, tels que le traitement thermique des grumes de bois à l’export ou le stockage de conteneurs pleins, qui offrent un relais et font en même temps découvrir le terminal à de potentiels futurs clients. »
Étienne Berrier
Le terminal multimodal au Havre : une histoire tumultueuse
Le terminal multimodal du Havre avait été décidé en 2008, lancé en 2012 et inauguré en mai 2015 dans la zone industrialo-portuaire du Havre, sur la rive Nord de la Seine. Avec 60 ha, deux postes à quai et quatre portiques de manutention, une cour ferroviaire et une zone de stockage, cet équipement visait un objectif : favoriser la massification des flux de conteneurs maritimes par le rail et la voie d’eau. L’infrastructure, d’un coût initial de 136,9 M €, a été essentiellement financée par les fonds publics (État, région Haute-Normandie, communauté de l'agglomération havraise, Grand Port maritime du Havre) et la société d'investissement LH2T, dont Projenor (filiale immobilière du Crédit agricole) était actionnaire. Elle aura coûté in fine 147,8 M€. C’est le port qui devra essuyer les pertes et devenir propriétaire de l’installation lors de la déroute de LH2T. Fin 2018, nouveau coup dur pour le terminal multimodal lorsque l’exploitant LHTE, société créée par les opérateurs de transports Naviland Cargo, Logi Ports Shuttle, CMA CGM et Novatrans, résilie la convention d’occupation, le loyer qu’elle acquitte ne permettant pas un fonctionnement dans de bonnes conditions économiques.
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