Les ports ouest-américains rattrapés par les mouvements sociaux

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Fenix à Los Angeles

Le spectre des grèves qui ont paralysé les ports ouest-américains en 2014-2015 a refait surface alors que certains d'entre eux connaissent des perturbations depuis le 2 juin. Les négociations contractuelles s’enlisent entre dockers et employeurs. Alors que se préparent les commandes et se planifient les expéditions, les chargeurs sollicitent la médiation de l'administration Biden.

Depuis le 10 mai 2022, les négociations contractuelles s’éternisent entre l’International Longshore and Warehouse Union (ILWU), qui représente les intérêts de plus de 22 000 travailleurs dans les ports de la côte ouest-américaine, et la Pacific Maritime Association (PMA), dont sont membres 70 transporteurs opérant aux États-Unis alors que la convention collective, établissant le contrat de travail portuaire, a expiré depuis le 1er juillet 2022.

Dans une déclaration de ces derniers jours, le président de l’ILWU, Willie Adams, réaffirmait néanmoins la détermination du syndicat à vouloir négocier un « bon accord pour les emplois », « juste et équitable », non sans y opposer « les revenus astronomiques » de « 510 Md$ » dégagés par les membres de la PMA pendant la pandémie, en augmentation de « près de 1 000 % » pour certains transporteurs de conteneurs.

Alors que les volumes de transport ont retrouvé leur niveau d'avant l'euphorie, voire bien en deça, le porte-parole de l’ILWU fait observer que les compagnies continuent d'afficher « des revenus qui dépassent de plusieurs milliards de dollars ceux d'avant la pandémie » alors que les « salaires et les avantages sociaux continuent eux de baisser ».

Le représentant des 22 000 dockers tient aussi à rappeler que l’exercice de leur fonction pendant l’épidémie a comporté « des risques pour la santé » et s’est matérialisé par des « pertes humaines ».

Des avancées mais pas suffisantes

La prise de parole fait suite à un bruit persistant selon lequel les échanges auraient été rompus de part et d'autre. En réalité, alors qu’un accord semblait proche du compromis fin avril notamment grâce à des avancées sur des questions clivantes comme l'automatisation, les relations se sont dégradées et les négociations ont tourné court achoppant sur les revendications salariales.

La PMA indique pour sa part avoir versé, au titre des salaires pour l'ensemble des ports de la côte ouest des États-Unis, un montant de 2,31 Md$ en 2022, soit une augmentation de 371 M$ ou 19 % par rapport à 2019. Le taux horaire effectif a augmenté de 7 % sur la période de trois ans. Les heures supplémentaires, qui se sont élevées à 13 084 540 heures, étaient en hausse de 16 % en 2022.

Perturbations à des degrés divers

Depuis quelques jours, les opérations dans les ports de Los Angeles, Long Beach, Oakland, Seattle, Tacoma et Hueneme sont perturbées à des degrés divers par des pénuries de personnels. Dès le 1er juin au soir, les employés de plusieurs terminaux ne se sont pas présentés au travail.

« Des actions concertées et perturbatrices ont ralenti les opérations », au cours du week-end et dans la journée du lundi 5 juin, reconnaît la PMA, « notamment en ralentissant les opérations et en faisant des réclamations infondées en matière de santé et de sécurité ».

Crainte d'un remake de 2014-2015

Le spectre de 2014-2015, en référence à un très long mouvement de grève faute d'entente sur les termes d’une convention, refait surface et inquiète les chargeurs. Il y a deux mois, une interruption similaire des services avait déjà duré 24 heures.

Échaudés par les épisodes de congestion épique durant la pandémie, craignant un enlisement, la National Retail Federation (NRF), qui représente les détaillants américains, parmi lesquels les grands distributeurs Walmart, Target, Home Depot, et la National Association of Manufacturers ont alerté l'administration Biden le 5 juin, au quatrième jour de complications, pour solliciter une médiation d’urgence entre les deux parties prenantes.

« Il est impératif que les parties reviennent à la table des négociations. Nous demandons instamment à l'administration de jouer le rôle de médiateur afin de garantir que les parties finalisent rapidement un nouveau contrat sans perturbations supplémentaires », indiquent la NRF.

Retour des frais de stockage

Les chargeurs sont désormais rompus aux perturbations éprouvés à grande échelle durant la période du Covid et redoutent de voir à nouveau leurs marchandises refoulées dans des zones de stockage, asujetties de surcroît à des frais de détention et surestaries.

Certains d’entre eux, avisés par des précédents, ont largement anticipé en déplaçant leur logistique sur la côte est-américaine. Mais si les trafics ont basculé de l’autre côté, les ports de la côte ouest ont encore traité en avril près de 48 % du fret conteneurisé entrant.

La direction du port de Los Angeles, qui n’a pas caché sa crainte ces derniers mois de ne plus revoir les clients qui se sont « évadés », rassure de son côté en indiquant que les terminaux sont ouverts et opérationnels.

À Long Beach, des pénuries de personnels ont entraîné des fermetures sporadiques, selon les quarts de travail, notamment le 5 juin au sein du Total Terminals International LLC, installation dont MSC est l’actionnaire majoritaire.

Amorce de la haute saison

Les deux grandes organisations s’inquiètent d’autant plus que pointe la haute saison. La période actuelle est en règle générale à la préparation des commandes et à la planification des expéditions avant la saison de la rentrée des classes et les fêtes de fin d'année. « Des milliers de détaillants et d'autres entreprises dépendent du bon fonctionnement et de l'efficacité des ports pour livrer les marchandises aux consommateurs chaque jour », se sent obligé de rappeler David French, vice-président des relations publiques pour la NRF.

Adeline Descamps

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