Démonstration du savoir-faire, de l’importance de l’ingénierie maritime française a été faite du 22 au 24 juin dernier à Caen. « La France avait besoin d’un grand événement sur l’ingénierie maritime. Il en existe dans d’autres pays européens comme à Édinbourg. Les Rencontres de l’ingénierie Maritime (RIM) permettent aux bureaux d’études, aux maîtres d’ouvrages, aux écoles, aux scientifiques, aux donneurs d’ordres, aux collectivités, aux ports de se réunir pour débattre des grands enjeux de demain », a introduit Guillaume Carpentier, directeur de l’Ingénierie de l’ESTIC Caen. Cet ancien ingénieur de Saipem a su convaincre les majors du BTP (Eiffage, Vinci, Bouygues TP), la section des travaux maritimes de la Fédération nationale des travaux publics) mais également la DGITM, le Conseil général de l’Environnement et du Développement durable et l’Association pour les infrastructures maritimes et fluviales (AIPCN), de la pertinence d’un tel événement.
Résilience, biodiversité et nouveaux usages
Compte tenu de l’actualité, la table ronde sur l’adaptation des infrastructures portuaires au changement climatique – leur résilience fasse aux assauts climatiques –, était plutôt attendue. Les infrastructures doivent inclure de la biodiversité aquatique dans les projets en cours tout en développant de nouveaux usages, a-t-on entendu. À Monaco, une digue de protection fait par exemple office de piscine tandis qu’aux Pays-Bas l’infrastructure est multifonctionnelle, abritant à la fois un supermarché, un parking et une zone touristique.
« Aux Pays-Bas, le changement de paradigme s’est opéré en 1990 : le littoral ne fait pas face à un problème hydraulique mais sédimentaire, rappelle Christophe Brière, directeur du pôle littoral et interface terre et océan d’EGIS, soulignant le retard de la France où l’ordonnance du 6 avril 2022 reconnait la nécessité d’adaptation de la politique d’aménagement aux phénomènes hydro-sédimentaires
Marie Carrega, adjointe au secrétaire général de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique à la Direction générale de l'Énergie et du Climat, a présenté pour sa part différents scénarios d’élévation du niveau de la mer qui devrait être de 1,4 à 1,7 m à la fin du siècle en cas de fonte massive de l’Antarctique. « En 2300, nous pourrons être à 15 m. Il faut anticiper l’évolution progressive du niveau de la mer. Londres à défini les niveaux avec un calendrier de rehaussement des infrastructures », donne-t-elle en exemple.
Des ports en difficulté en 2050 ?
« La lutte contre la submersion marine est un enjeu. Est-ce que les ouvrages tiennent compte de la montée du niveau des mers ? Malheureusement pas partout », répond Stéphane Raison, directeur général et président du directoire du grand port fluvio-maritime de l’axe Seine Haropa Port et vice-président de l’UPF. Sur les 45 ports adhérents de l’Union des Ports de France, quelques-uns ont intégré ce phénomène dans les ouvrages avec 60 cm de surcote. « Un certain nombre de ports en 2050 auront de grosses difficultés », prédit-il. Nicolas Trift, sous-directeur des Ports à la DGITM, précise pour sa part que les infrastructures portuaires étaient intégrées à la troisième version du Plan national d’adaptation au changement climatique.
Il y a des effets en cascade des phénomènes climatiques non seulement sur les ports mais sur l’ensemble des infrastructures de transport et d’énergie, indique Francicso Esteban. « Les ports doivent intégrer des défaillances successives. Il faut éviter l'effondrement catastrophique des infrastructures et être en capacité de rétablir les conditions de service en peu de temps », recommande le président de l’AIPCN.
Les premières rencontres de l’ingénierie maritime ont également accordé une large place aux évolutions des places portuaires dans un contexte de baisse programmée des énergies fossiles et de montée en puissance des énergies maritimes renouvelables. Une transition intégrée dans la stratégie nationale portuaire que Bruno Delsalle, directeur général de l’Association internationale des villes portuaires, expliquer au grand public via l’iniative Port Centers, le dernier ayant été inauguré à La Rochelle.
Expliquer les transitions nécessaires
Il n’est pas simple d’expliquer aux riverains des ports que demain, ils vivront à proximité des terminaux où transiteront de l’hydrogène, de l’ammoniac et/ou du méthanol. « Les ports sont éminemment drivés par le pétrole. Comment inventer des carburants propres ? Comment réindustrialiser et connecter nos écosystèmes ? », questionne Stéphane Raison.
Pour les ports, le challenge consiste aussi à préserver la biodiversité au risque de modifier, voire même de renoncer à certains projets. En Martinique, le Grand Port maritime a modifié son projet de quai croisière pour ne pas avoir à toucher aux coraux.
Nathalie Bureau du Colombier