Appréhendés en mode balayage, les trafics du port néerlandais pour les trois mois de l’année présentent autant de segments en croissance qu’en repli. Mais l’équilibre n’est toutefois pas atteint car les volumes en (important) retrait touchent des poids lourds du premier port européen (produits pétroliers, minerai de fer, conteneurs) alors que les flux en croissance (GNL) correspondent à de faibles tonnages, à l’exception des matières premières qui raflent la mise.
Sur un plan global, après un contretemps de deux ans, Rotterdam avait retrouvé, à l’issue de l’année 2021, le niveau pré-pandémique, à 468,7 Mt, et dépassé, sur le conteneur, le cap des 15 MEVP (15,3 MEVP) atteint alors que le port devait constater 10 % d’escales en moins. Au cours du premier trimestre de 2022, le leader portuaire européen a traité 1,6 Mt de moins qu’au premier trimestre 2021 (113,6 Mt contre 115,2 Mt).
Le conteneur pénalisé
Le conteneur, locomotive du leader portuaire européen, peine à restaurer ses volumes d’avant pandémie. La baisse des volumes de transbordement (- 21,5 % à 6 Mt) a entraîné dans sa descente le segment (- 5,4 % à 35,6 Mt). En unité, la baisse est moins spectaculaire (-1,4 % à 3,6 MEVP) car le poids moyen des conteneurs était plus faible et davantage de conteneurs vides ont été transportés. L’écart de trajectoire entre tonnage et unités (EVP) est une tendance à Rotterdam depuis un an. Il traduit à la fois le phénomène de conteneurs vides traités (la problématique du repositionnement est un héritage de la pandémie) mais aussi celui de la baisse du poids moyen des conteneurs pleins.
« Les volumes de transbordement sont en baisse depuis juillet 2021, en raison de l'énorme activité des terminaux en eaux profondes due au nombre élevé de perturbations dans la chaîne logistique. En outre, le transport maritime par conteneurs a dû faire face à plusieurs tempêtes en janvier et février, qui ont encore plus bouleversé les programmes de navigation », justifie la direction du port néerlandais
L'impact de la guerre en Ukraine a été particulièrement sensible en mars avec une baisse des volumes à destination de la Russie, la plupart des compagnies maritimes ayant suspendu les opérations de/vers la Russie. Mais les conséquences du confinement à Shanghai n'étaient pas encore perceptibles à Rotterdam.
Impacts russes sur les vracs liquides
Les sanctions internationales frappant la Russie ne sont pas neutres à Rotterdam. En 2021, 8 % de la manutention de conteneurs était orientée vers la Russie et 62 Mt étaient orientées vers la Russie, soit 13 % du trafic global. L’an dernier, environ 30 % du pétrole brut, 25 % du GNL et 20 % des produits pétroliers et du charbon en provenance de Russie ont transité par Rotterdam.
« La guerre en Ukraine n'ayant commencé que fin février, l'impact sur les volumes de débit au premier trimestre était encore limité », précise l’autorité portuaire qui s’attend à des impacts plus marqués au cours de l’année. Pour autant, c’est bien la problématique russe (baisse de la production) qui explique la chute des produits pétroliers, en particulier le fioul, (- 20,5 % à 13,5 Mt). À partir de mars, les compagnies pétrolières ont importé moins de pétrole de Russie.
Port pétrolier bordé par la Rhin, la filière des vracs liquides, la plus importante, en termes de tonnages patine. Au total, les volumes ont diminué de 1 % pour atteindre 51,5 Mt. Le pétrole brut est resté pratiquement inchangé (- 0,2 % à 25,5 Mt). Dans ce segment, le premier trimestre a été particulièrement porté par le GNL, qui avait déçu l’an dernier (+ 77,7 % à 2,7 Mt). Les produits chimiques, huiles végétales et énergies renouvelables permettent de porter haut le sous-segment des autres vracs liquides (+ 22,2 % à 9,9 Mt).
Le minerai de fer, impacté par les altérations de la production
Dans le segment du vrac sec, le minerai de fer et la ferraille ont dévissé (-19,5 % à 5,6 Mt). « Les coûts élevés de l'énergie et la baisse de la demande d'acier ont entraîné une chute de la production d'acier en Allemagne », justifie le leader portuaire européen. Les perturbations des chaînes logistiques pourraient aussi expliquer le phénomène, en entravant la production des entreprises de transformation de l'acier. Le charbon a légèrement augmenté (+ 3,5 %) mais reste dans des niveaux autour 4 Mt. La demande de charbon énergétique (pour les centrales électriques) a augmenté plus fortement que la demande de coke (pour les hauts fourneaux).
Le gaz et le charbon sont en concurrence pour la production d’électricité. Et actuellement, le gaz, rare et cher, donne la primauté au charbon. Si les imports de charbon ont été plus limités, cela pourrait aussi signifier que la production d'électricité d'origine éolienne a été au rendez-vous.
Malgré les prix élevés, la demande de matières premières a explosé. Elle se manifeste dans l’augmentation massive des autres vracs secs par rapport à l'année dernière (33,5 %, soit 3,9 Mt).
Les marchandises diverses aidées par les taux de fret
À l’instar d’autres ports, les marchandises diverses (ro-ro et autres marchandises diverses) se portent bien (+19 %) à 8,4 Mt. La croissance du roulier (+ 20,4 % à 6,7 Mt) est un indicateur intéressant, en reflet de l’apparente forte demande du Royaume-Uni.
Autre révélateur, l’augmentation des autres marchandises diverses (+ 13,7 % à 1,7 Mt) : « elle résulte d’un transfert des marchandises conteneurisées vers les diverses, en raison des taux de fret ».
Adeline Descamps