Le ministre de l'Économie en VRP de la réindustrialisation verte dans les ports

Article réservé aux abonnés

Il y a une semaine, Antoine Armand était dans le port du Havre pour se féliciter, sans avoir à mettre la main à la poche, des 2,6 Md€ que trois entreprises vont y investir dans le lithium et l'hydrogène vert. Il était ce 14 novembre dans la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer après avoir annoncé le fléchage d'une enveloppe de 1,6 Md€ pour réduire drastiquement les émissions de CO2 des 50 sites les plus polluants du pays.

Le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, Antoine Armand, qui reçoit chaque jour, selon son cabinet, des acteurs économiques, entreprises, PME, artisans…, « pour rester ancré dans les réalités économiques du terrain », selon son cabinet, devrait au moins pallier le déficit de notoriété qui lui était reproché lors de sa nomination par Michel Barnier dans la communauté portuaire.

Il y a une semaine, il était dans le port du Havre, accompagné de trois ministres, Marc Ferracci (Industrie), François Durovray (Transports) et Catherine Vautrin (Partenariat avec les territoires et Décentralisation), non pas en tant que bailleur de fonds mais pour applaudir sans avoir à mettre la main à la poche les 2,6 Md€ que trois entreprises vont consentir en implantant dans la zone industrialo-portuaire (ZIP) des unités de production en lien avec le lithium et l'hydrogène vert.

Ce 14 novembre, il était, accompagné des ministres Marc Ferracci (Industrie) et Olga Giverney (Énergie), dans la ZIP de Fos-sur-Mer, sur le site d’Elengy à Fos Cavaou, qui exploite trois terminaux méthaniers en France, dont Fos Cavaou et Fos Tonkin en Méditerranée.

Ce déplacement a pour le locataire de Bercy un prolongement le 15 novembre dans le Var (Londes-les-Maures, mais pas chez Naval Group), où il a prévu de déjeuner avec des chefs d’entreprises, et dans les Alpes-Maritimes (Technopole Sofia Antipolis, au Lab d’Accenture), où un temps d’échanges est prévu avec les start-up dans le secteur de l'intelligence artificielle et du numérique. Il devrait aussi prendre la parole sur ce sujet en ouverture du forum Artificial Intelligence Marseille (AMI) qui se tient au stade Vélodrome ce vendredi. Rodolphe Saadé, PDG du Groupe CMA CGM, devrait à cette occasion dévoiler les startups lauréates (parmi 400 candidats) des CMA CGM Startup Awards dans les secteurs du transport maritime, de la logistique et des médias. 

Sanctuariser les aides publiques

Les ministres sont donc dans un grande séquence « réindustrialisation par la décarbonation ». Ce déplacement fait suite à l'annonce par le gouvernement d'un amendement au projet de loi de finances (PLF, budget 2025 ), prévoyant un soutien d'1,55 Md€ pour la décarbonation de l'industrie. Le texte a été déposé à l'identique par le vice-président de l'Assemblée nationale et l'ancien ministre de l'Industrie Roland Lescure.

Ce dernier a cosigné dans la Tribune Dimanche du 11 novembre, avec les présidents de région, Xavier Bertrand (Hauts-de-France), Franck Leroy (Grand Est), Alain Rousset (Nouvelle Aquitaine) et des élus de toute obédience politique, un texte intitulé « Une industrie décarbonée, condition de notre souveraineté », dans lequel ils demandent au gouvernement de sanctuariser les aides publiques aux entreprises pour la décarbonation de l'industrie dans le budget 2025.

« Nos sites industriels émettent 20 % des rejets de CO2 de notre pays. Les 50 usines les plus émettrices sur notre territoire totalisent à elles seules la
moitié de ces rejets. De nombreuses entreprises ont (…) transformé profondément leurs manières de produire, abandonnant leur dépendance au fioul, au gaz et au charbon, au profit de l’hydrogène, de la biomasse ou encore de l’électricité. Elles mettent également en place de nouveaux procédés, comme la capture de carbone, pour leurs émissions fatales
», écrivent-ils. Fin 2022, le président Emmanuel Macron avait proposé un pacte de décarbonation aux 50 sites les plus polluants en leur promettant un doublement de l'aide publique en échange d'un doublement de leur effort de décarbonation. Mais seuls 4 milliards ont été programmés.

Investissements massifs à réaliser

« Les ports concentrent une grande partie des émissions industrielles. Ce n’est pas vraiment un hasard si les ZIP de Dunkerque et de Fos-sur-Mer ont été les deux premières lauréates de l’appel à projets « ZiBaC ». La décarbonation des activités y est donc une priorité en lien avec l'atteinte des objectifs nationaux et européens à horizon 2030 et 2050 en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre », explique Juliette Leboda, conseillère Décarbonation de l'industrie de Marc Ferracci,

Parmi les sites français les plus émetteurs de CO2, la zone industrialo-portuaire de Fos a été en effet, avec celle de Dunkerque, l'une des deux premières lauréates de l'appel à projet « zones industrielles bas carbone » lancé par le gouvernement dans le cadre de France 2030. Ces zones soutenues financièrement par l'État doivent favoriser le déploiement de technologies et infrastructures permettant une réindustrialisation verte.

« Les subventions de l'État sont nécessaires car les investissements à engager mobilisent des montants souvent colossaux mais qui se rentabilisent uniquement dans la durée. Par ailleurs, cela répond à un besoin de l'État d'être planificateur dans la mesure où il y a de nombreuses infrastructures nécessaires pour la décarbonation », poursuit-elle. Et de citer, pour le seul cas de Fos-sur-Mer, la nécessité de renforcer le réseau électrique, sous la forme d'un projet de ligne aérienne à très haute tension.  À elle seule, la THT, programmée pour 2028, souligne un des nombreux paradoxes de la transition énergétique. La ligne prévue sur 65 km de façon à relier les postes électriques de Jonquières-Saint-Vincent (Gard) à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) via des zones situées près du Rhône, en Camargue et en Provence, traverse des domaines viticoles AOC et menace de défigurer le paysage, soutiennent vingt-quatre associations locales fédérées au sein du collectif « Stop THT 1330 »

« Il y a aussi des infrastructures qui pourront voir le jour sur l'hydrogène, vecteur énergétique décarboné pour l'industrie ». Elle fait là allusion à quelques-uns des grands projets, de la ZIP phocéenne érigés en totems de la réindustrialisation verte, notamment H2V, qui envisage la construction en deux phases de six unités de production d'hydrogène par électrolyse de l'eau, pour une capacité totale de 600 MW et 84 000 t d'hydrogène bas carbone par an tandis que GravitHy prévoit la construction d'une usine de production de fer pré-réduit bas carbone, dit acier vert (2 Mt), en utilisant de l'hydrogène obtenu par électrolyse de l'eau sur site.

1,6 Md€ pris sur l'effort budgétaire

Les 1,6 Md€, sauvés de l’effort budgétaire de 60 Md€, seront attribuées « soit par appels d'offres, soit par des appels à projets compétitifs. Dans tous les cas, le principe est celui d'une mise en concurrence à l'échelle nationale. Les meilleurs projets seront retenus sur la base de critères de compétitivité, du potentiel de décarbonation, de la technologie et des ambitions », précise la conseillère.

Outre le financement de la construction d'usines de batteries, d'électrolyseurs, de réseaux de captage de CO2, de champs éoliens ou de raccordements au réseau électrique, cette enveloppe doit aussi « sécuriser la présence des sites industriels sur des secteurs très émetteurs dans la durée, alors qu'ils sont soumis à une forte concurrence internationale, pouvant profiter du caractère moins-disant en matière environnementale, sociale et sur le prix du carbone », souligne le document-support.

Le texte sera examiné par le Sénat dans le cadre du « volet dépenses », que la gauche avait largement remanié et qui a été rejeté en début de semaine par l'Assemblée nationale, avec les voix de la coalition gouvernementale et du RN.

Bercy a d’ores et déjà recensé 81 « projets industriels auprès des 50 sites les plus émetteurs de CO2 (sidérurgie, chaux, ciment, chimie, agroalimentaire, verrerie) ». D’après le baromètre de l'industrie qui vient d’être réactualisé, il y a eu 176 ouvertures nettes d'usines en 2022, 189 en 2023 mais seulement 40 sur le premier semestre de cette année. Le ralentissement est net…

Adeline Descamps

L'électricité devra représenter 62 % du mix énergétique de l'industrie française en 2050

Pour décarboner l'industrie et respecter les engagements climatiques de la France, les usines françaises consommeront en 2050 deux fois plus d'électricité qu'actuellement, soit 207 térawattheures (Twh) contre 103 Twh en 2023, selon une étude du centre de réflexion La Fabrique de l'industrie parue le 14 novembre. L'électricité devrait ainsi représenter 62 % du mix énergétique de l'industrie française en 2050 contre 37 % en 2023 et 14 % en 1970, devant la biomasse, le biogaz, les déchets ou l'hydrogène, souligne l'étude. « Ce n'est pas un chantier acquis car il faut de l'électricité à prix abordable, compétitif, prévisible et accessible », rappelle David Lolo, économiste et auteur du rapport.

EDF a indiqué la semaine dernière être confiant sur la perspective de signer de nouveaux contrats long terme d'approvisionnement avec des industriels d'ici la fin de l'année, en remplacement du système avantageux, dit Arenh, qui s'achève fin 2025. L’adhésion des industriels, qui « ont besoin de stabilité, et de visibilité long terme » après avoir bénéficié pendant 15 ans d'électrons très bon marché, n’est pas garantie. L'économiste alerte par ailleurs sur une « électrification à deux vitesses » qui privilégierait les trois grands bassins les plus émetteurs de CO2 (Dunkerque, Fos-sur-Mer et Le Havre) au détriment de sites plus diffus.

A.D.

 

>>> Sur ce sujet

Conférence annuelle des ports européens (Espo) : En demande-t-on trop aux ports dans le contexte de la transition environnementale ?

Christophe Castaner, Marseille Fos : « le port est essentiel à la réindustrialisation de ce territoire »

Projet de ligne à très haute tension dans le Sud : une opposition qui ne faiblit pas

Les ports, ces nouvelles stations multi-services

Les ZIP de Dunkerque et de Fos, premières zones industrielles bas carbone

E-carburants maritimes (et aériens) : la France est-elle en capacité de les produire ?

Port de Marseille Fos : une nouvelle mandature déterminante pour l'axe Méditerranée Rhône-Saône ?
 

Port

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15