Le minerai de fer dans l'attente du rebond de l'immobilier chinois

Article réservé aux abonnés

Caofeidian Port in Tangshan

Crédit photo ©Seetao
Le minerai de fer a rebondi ces derniers jours, revigoré par les mesures de relance annoncées par le gouvernement chinois. Le secteur immobilier, dont dépend un tiers de la demande d'acier du pays, est en plein marasme, ses plus grands acteurs privés en défaut de paiement. Tous les secteurs utilisateurs d'acier sont considérablement affaiblis dans un pays qui achète 70 % du minerai de fer produit dans le monde.

Le minerai de fer le plus négocié sur le Dalian Commodity Exchange (DCE) de Chine a inversé la tendance, celui de janvier se négociant à la hausse, à 963 yuans (132,10 $) la tonne, un niveau qu’il n’avait pas atteint depuis mai 2021.

Le minerai de fer de référence pour décembre sur la Bourse de Singapour a également progressé, terminant à 129,24 $ la tonne en début de semaine, son plus haut depuis le 26 mars. D'autres ingrédients intervenant dans la sidérurgie comme le charbon à coke se redressent également.

La relance du secteur immobilier, la clé

Le minerai de fer a repris un peu de vigueur, alimenté par un regain d'optimisme quant à une issue au marasme du secteur immobilier chinois

Depuis octobre, les acheteurs de minerai de fer attendent – entretiennent l’espoir –, que Pékin prenne des mesures radicales pour stabiliser puis relancer son secteur clé, l’immobilier, dont dépend un tiers de la demande d'acier du pays.

Toutes les matières premières sidérurgiques s'en trouveraient soutenues, la Chine étant le plus grand producteur d'acier au monde et acheteur mondial du minerai de fer maritime (70 %), ingrédient principal de l'acier.

Fonctionnement au ralenti

Tous les secteurs utilisant de l'acier, dans la seconde puissance économique mondiale, sont considérablement affaiblis.

Dans une économie  durement éprouvée par la politique mise en œuvre durant la pandémie, les ventes de terrains, de logements et les nouvelles mises en chantier se sont effondrées, entraînant les principaux promoteurs immobiliers lourdement endettés dans la débacle.

Si le gouvernement central a déclaré fin octobre qu'il émettrait 1 000 milliards de yuans (139 Md$) d’obligations d'État supplémentaires afin de soutenir les efforts de reconstruction des zones sinistrées et d'accroître les capacités de secours du pays en cas de catastrophe, la crise de liquidités dans l'immobilier reste un obstacle à une reprise durable.

Le plus grand promoteur immobilier privé de Chine, Country Garden, est le dernier en date à avoir informé qu'il n'était plus en mesure d'honorer ses obligations en matière de dettes à l'étranger.

Selon la banque d’affaires JPMorgan, des promoteurs représentant 40 % des ventes de logements en Chine ont manqué à leurs obligations depuis 2021. Les sociétés en défaut de paiement, pour la plupart privées, ont émis des obligations offshore à haut rendement d'une valeur totale de 110 Md$.

Retrait des entrées de minerai de fer

Entre août et octobre, selon les analystes de matières premières de Kpler, les entrées de minerai de fer dans le pays sont passées de 106,42 à 102,2 Mt.

Selon les données des douanes chinoises, le pays a importé 95,46 Mt en septembre et 88,48 millions en octobre. Soit au cours des dix premiers mois de l'année, 975,84 Mt.

Les données portuaires des analystes ne correspondent pas toujours exactement aux données douanières en raison des différences de date de dédouanement des cargaisons.

Baisse de régime des aciéries chinoises

Avec 79,09 Mt, la production des aciéries chinoises a baissé pour le quatrième mois consécutif en octobre, selon les données officielles, de 3,7 % par rapport aux 82,11 Mt de septembre.

Entre janvier et octobre, la Chine a ainsi produit 874,7 Mt d'acier brut. Si la seconde puissance économique mondiale veut maintenir sa production au niveau de 2022 (1,01 milliard de tonnes), 135,5 Mt devront être produits d’ici la fin de l’année, soit 68 Mt par mois, ce qui représente une forte réduction de la production mensuelle moyenne observée depuis le début de l'année (88,34 Mt).

Le seul facteur haussier possible pour les entrées de minerai de fer reste le niveau des stocks portuaires chinois (108,8 Mt au cours de la semaine du 10 novembre, selon les données de SteelHome), qui laisse entrevoir la possibilité d'importer davantage.

Les stocks n'ont en effet pas suivi leur schéma saisonnier habituel, qui consiste à augmenter en prévision de la baisse de la demande d'acier au cours de l'hiver, puis à diminuer à mesure que la production d'acier augmente pour répondre à la demande accrue lorsque le temps froid s'atténue.

Taux d'utilisation des hauts-fourneaux

Le taux d'utilisation de la capacité des hauts fourneaux parmi les 247 aciéries chinoises étudiées par l’analyste Mysteel a également chuté en octobre, les sidérurgistes profitant de la faiblesse de la demande pour mettre les hauts-fourneaux en maintenance annuelle.

Moins d'un cinquième des aciéries chinoises interrogées étaient rentables à la fin du mois d'octobre, contre environ un tiers à la fin du mois de septembre, selon les données de la société de conseil.

En outre, certaines villes du nord du pays, dont Tangshan, haut lieu de la production d'acier, ont pris des mesures de restriction de la production pour lutter contre la pollution de l'air.

Déficit du marché mondial du minerai de fer

Le marché mondial du minerai de fer ne se porte pas mieux. « Plutôt que d'être confronté à un excédent pour cette année, le marché du minerai de fer est maintenant prêt pour un déficit évident l'année en raison de la faiblesse des stocks et de la baisse de la production », assure pour sa part Goldman Sachs, dans un de ses rapports récemment publiés.

Le banquier, qui avait préalablement annoncé un excédent, pointe cette fois la diminution de l'offre mondiale, ramenée de 1,557 milliard de tonnes à 1,536 milliard, en raison de la baisse des principaux fournisseurs de minerai de fer, que sont le Brésil et l’Australie.

Le grand groupe brésilien Vale, qui possède la plus grande mine de fer au monde avec le complexe minier Serra Norte, a annoncé une baisse de près de 4 % au troisième trimestre (pour des défaillances d’un de ses équipements).

À quelque chose malheur est bon. Les analystes s'attendent désormais à ce que la moyenne annuelle du minerai de fer de référence passe de 101 à 117 $ la tonne en 2023 et revoient également leurs prévisions de 2024 à la hausse.

Pas de reprise avant 2024

Worldsteel, l'Association mondiale de l'acier, qui vient de réactualiser son Short Range Outlook pour 2023 et 2024, estime la croissance de la demande d'acier à 1,8 % cette année, à 1,81 milliard de tonnes après une contraction de 3,3 % en 2022 et avant une nouvelle augmentation anticipée en 2024, à 1,9 %.

« Les activités des secteurs utilisateurs d'acier se sont fortement ralenties dans la plupart des secteurs et des régions en cette seconde partie de l’année, particulièrement en Europe et aux États-Unis, indique Máximo Vedoya, président du comité économique de worldsteel..

Le besoin d'acier dans les économies développées devrait se contracter de 1,8 % en 2023 après avoir chuté de 6,4 % en 2022, l'Europe souffrant particulièrement du resserrement monétaire et des coûts élevés de l'énergie. « Après une chute de 7,8 % en 2022, la demande devrait encore décliner de 5,1 % en 2023 ». Une croissance de 5,8 % est en revanche attendue en 2024, prévoit Worldsteel pour le Vieux Continent.

Aux États-Unis après un retrait de 2,6 % en 2022, les commandes devraient encore perdre 1,1 % en 2023 avant de rebondir de 1,6 % en 2024.

En revanche, en Inde, après une hausse de 9,3 % en 2022, la demande  devrait rester élevée avec + 8,6 % en 2023 et  7,7 % en 2024, selon l'organisation représentant la filière au niveau mondiale.

« Chaque fois que les quotas européens pour l'acier chinois ont été dépassés ou que la Chine a limité ses exportations d'acier, l'acier indien s'est engouffré dans la brèche. La part de l'acier d'Asie du Sud-Est a augmenté au cours des deux dernières années », explique un spécialiste du fret conventionnel au port d’Anvers, toujours leader dans la manutention de l’acier.

Le breakbulk y tient salon dans quelques jours et le deuxième port européen ne se laisse pas démonter par les mauvaises nouvelles du front.

Adeline Descamps

 

Arcelor : révision à la baisse

Le deuxième sidérurgiste mondial, ArcelorMittal, vient de revoir pour sa part ses prévisions à la baisse concernant la consommation d'acier en Europe en 2023 en raison de la faible demande de produits longs due à la faiblesse de l'activité de la construction, a-t-il indiqué à l’issue de la publication de ses résultats pour le troisième trimestre.

En Chine, ArcelorMittal continue de prévoir une croissance de la consommation d'acier comprise entre 1 et 2 % en 2023 par rapport à 2022 et a relevé sa prévision pour l'Inde dont la consommation devrait se situer au-dessus de la fourchette de la précédente prévision (entre + 6 et + 8%).

Le groupe a annoncé un recul de 6,4 % de son bénéfice net au troisième trimestre et de 12,4 % de son chiffre d'affaires par rapport au même trimestre de 2022, affecté notamment par la baisse des prix de l'acier et la baisse de la demande en Europe.

ArcelorMittal a très légèrement augmenté sa production d'acier et de minerai de fer entre juillet et septembre par rapport de 13,6 à 16,7 Mt en un an.

Le sidérurgiste se montre néanmoins « positif » sur les perspectives de demande à moyen et long terme.

A.D.

 

Port

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15