En un an, le contexte géopolitique et macroéconomique ne s’est guère amélioré. La fragmentation du monde semble même encore plus marquée.
Si l’an dernier, à la même période, l’environnement complexe était le principal argument avancé par la direction du port unifié pour expliquer les difficultés du segment des conteneurs, l’argument ne pourra pas servir pour le premier trimestre de l’année.
Car, contre toute attente, après de nombreux trimestres décevants pour son trafic phare (plus de la moitié de son tonnage total), le conteneur a enregistré un bond de 8,6 % en tonnage (36,8 Mt) et de 6 % en EVP (3,3 MEVP) par rapport au premier trimestre 2023 (33,8 Mt et 3,1 MEVP).
C’est un bond car le deuxième port européen (29,9 % de part de marché sur le range Nord Hambourg-Le Havre) avait dévissé de 6,6 % en tonnage et de 5,7 % en EVP il y a un an, au premier trimestre 2023.
Rebond en février
Depuis février, la boîte a repris du couleur et le mois de mars a offert au 15e port à conteneurs mondial (12,5 MEVP en 2023) sa meilleure performance mensuelle depuis mars 2021.
« Que nous ayons été malgré tout en mesure de renouer avec la croissance prouve notre capacité d'adaptation à des périodes imprévisibles », se félicite Jacques Vandermeiren, CEO de Port of Antwerp-Bruges, nom de l'établissement portuaire unique.
« Malgré tout » car « la crise en mer Rouge a contraint les compagnies de transport de conteneurs à emprunter les itinéraires est-ouest, via le cap de Bonne Espérance, ce qui a entraîné des perturbations dans les chaînes logistiques et des pics et creux dans les arrivées de navires porte-conteneurs. Un temps d'adaptation s'est avéré nécessaire pour toutes les parties concernées, mais ce changement d'itinéraire est rapidement devenu la nouvelle normalité », ajoute-t-il.
Sous-performance des autres trafics
Du fait de son poids dans le port belge, le conteneur compense quasiment à lui seul la sous-performance des autres trafics et avec la stabilité (- 0,9 %) des vracs liquides (32 % du total du trafic avec 23 Mt), Anvers Bruges sort de la sphère négative où il s’était envasé depuis plusieurs trimestres pour afficher une croissance de 2,4 %, à 70,4 Mt par rapport à la même période de 2022 (laquelle était en repli de 5,8 %).
Vracs liquides : retour des produits chimiques
Ce sont les importations des produits énergétiques qui ont tiré les vracs liquides vers le bas car les sorties ont augmenté, elles, de 4,2 %, notamment d'huiles de combustibles (+ 24 %), d'essence (+ 12,1 %) et de GNL (+ 10 %).
Trafic-marqueur pour le port belge, les produits chimiques reviennent dans de meilleures dispositions, alors que la compétitivité de l'industrie chimique européenne reste sous pression en raison des coûts élevés de l'énergie, des matières premières et de la main-d'œuvre.
« La reprise de la demande engendre une hausse des volumes de produits chimiques et de naphte [5,2 % et 12 %, respectivement NDLR] », fait valoir l’autorité portuaire. Il n’en va pas de même pour le diesel (- 40 %), le GPL (- 11,5 %) et les combustibles liquides (- 11,4 %).
Roulier : grande volatilité
Grand port automobile, a fortiori depuis la fusion avec Zeebrugge, le trafic de voitures neuves (860 000 unités) repart à la baisse (- 5,5 % ; -52,5 % pour les voitures d’occasion) contre 904 901 durant les trois premiers mois de l’année 2022 (+ 7,2 %), symptomatique de la grande volatilité de ce trafic.
Stables l’an dernier à la même période, les trafics rouliers s’affaissent de 6,9 % au premier trimestre 2024 (5 Mt). « La congestion persistante des terminaux ro-ro s'est traduite par un recul des trafics de matériel de transport dans l’ensemble (-8,7 %) ». En revanche, le fret non accompagné (à l'exclusion des conteneurs) s'est accru de 1,7 %.
Les flux à destination et en provenance du Royaume-Uni poursuivent sur leur trajectoire baissière depuis le Brexit (- 4,4 %) tandis que ceux de l'Irlande montent en puissance (+ 6,4 %) pour les mêmes raisons. La dynamique de l'Espagne et du Portugal (+ 31,5 %) est aussi à noter.
Vrac sec : nouvelle contraction
Quant au vrac sec, dont la chute est liée depuis plusieurs trimestres au déclin des engrais, la vache à lait du segment, il perd encore du terrain. Sur deux ans, il aura régressé de 20 %, dont 12 % entre le premier trimestre 2022 et 2023, pour s’établir à 3,5 Mt.
« Alors que les sorties de vrac sec augmentent de 9,7 %, les entrées chutent de 24,4 % », nuance le port.
Le redressement des trafics d’engrais depuis le dernier trimestre 2023 (+ 33,9 %), de minerais non ferreux (+ 47,3 %) et de ferraille (+ 5,7 %) n’a pas été suffisant pour sortir la filière de la nasse.
« La crise énergétique s'étant atténuée, la demande de charbon a de nouveau diminué de manière significative [- 68,6 %]. Une demande en berne au sein du secteur de la construction pèse sur les volumes de sable et de gravier [-12,5 %], tandis que les céréales [- 43,7 %] sont à nouveau davantage transportées par conteneurs », justifie la direction.
Le trafic de charbon avait atteint son pic en 2022 en raison des prix élevés du gaz naturel, son principal concurrent.
Breakbulk : pas de bout au tunnel
Quant au breakbulk, trafic-roi pendant des années dans le premier port belge, attaqué sur ce segment par le redoutable North Sea Port (Gand, Flessingue, Terneuzen), le déclin historique peine à être enrayé. Les volumes sont en retrait à nouveau de 8 % et alignent à peine 2,3 Mt.
Au premier trimestre 2024, 4 855 navires ont fait escale dans le port, soit une baisse de 1,8 % en unité et de 3,8 % en jauge brute.
Parmi les faits marquants du premier trimestre, insiste le port, un nouveau record de volume de conteneurs traité sur un seul navire, établi en mars, sur le MSC China avec 26 201 EVP. Et surtout, le premier soutage de méthanol d'un porte-conteneurs (Maersk) tandis que le chantier de la connexion électrique à quai a été lancé pour les paquebots à Zeebrugge. Les palaces flottants, comme ils sont couramment qualifiés, i devraient pouvoir se brancher dès 2026.
Adeline Descamps