L'offre en électricité des ports européens largement insuffisante

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Anlauf AIDAsol am 8.5.2021 Foto: rostock port/ nordlicht

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Selon une étude publiée par l'International Council on Clean Transportation (ICCT) visant à estimer les besoins en énergie à quai dans les ports pour répondre aux directives européennes FuelEU Maritime et AFIR, il faudrait 2 000 MW supplémentaires d'électricité pour couvrir la demande moyenne des navires.

L'alimentation électrique à quai a un rôle à jouer dans la décarbonation du secteur maritime et portuaire de l'Union européenne, notamment en réduisant les émissions de gaz à effet de serre liées aux ports. L’exécutif européen, sous la présidence d’Ursula von der Leyen, tend à le penser puisque la connexion électrique des navires lorsqu'ils sont amarrés figure dans deux règlements européens clés de la feuille de route climatique européenne Fit for 55 : le premier sur les carburants (FuelEU Maritime) et le second sur les infrastructures de carburants alternatifs (AFIR).

Pour rappel, le FuelEU Maritime prévoit qu'à partir du 1er janvier 2030, les porte-conteneurs et les navires à passagers (y compris les paquebots) d'une jauge brute (GT) égale ou supérieure à 5 000 devront être raccordés à l'alimentation électrique à quai dans les principaux ports de l'UE du réseau transeuropéen de transport (RTE-T).

La décision de limiter l'application du règlement à ces deux catégories a été étayée par les données recueillies dans le cadre du règlement de surveillance, de déclaration et de vérification (MRV) pour l’année 2018, qui leur attribuent les émissions les plus élevées par navire lorsqu'ils sont à quai. L'AFIR encourage pour sa part le développement d'infrastructures dans les ports du RTE-T.

Actuellement, la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil des États membres sont parvenus à un accord sur les deux nouvelles directives. 

Tripler voire quadrupler la puissance installée

Selon une étude, qui vient d’être publiée par l'International Council on Clean Transportation (ICCT) visant à estimer les besoins en énergie à quai et les réductions d’émissions à en attendre, l’UE devra tripler voire quadrupler sa puissance installée à terre d'ici 2030 pour répondre aux échéances réglementaires.

Pour ce faire, l’étude s’est basée sur la demande énergétique estimée des navires accostant dans les 489 ports de 22 États membres de l'UE en 2019 et l'a traduit en besoins d'installations électriques. « Nous avons évalué la quantité d'électricité à terre déjà installée par les États membres et calculé la quantité d'électricité supplémentaire qui serait nécessaire pour couvrir la demande d'énergie pour chacun des 16 scénarios étudiés en fonction de plusieurs niveaux de réduction des émissions de CO2 », expliquent les auteurs de cette analyse

5 886 GWh consommés

D’après cette modélisation, les 15 722 navires de plus de 400 GT, ayant accosté et passé plus de deux heures à quai, ont consommé près de 5 886 GWh, dont 72 % par des navires d'un tonnage supérieur ou égal à 5 000 GT. 

Près de 70 % de cette demande d'énergie ont été couverts par les ports du réseau RTE-T. Les pétroliers, les navires de passagers et les paquebots, principaux émetteurs à quai, s'avèrent aussi les plus énergivores avec 81 à 90 % de la demande totale d'énergie à quai.

Malgré leur faible nombre absolu dans la flotte (242 navires), les paquebots sollicitent 21 % à 28 % de l’énergie à quai. Les infrastructures électriques du port sont en effet mises à rude épreuve pour fournir le niveau de puissance hertzienne exigé par les navires de croisière et assurer une alimentation en continu. Un paquebot requiert entre 7 et 9 MW de puissance à une fréquence de 60 Hz. Autant dire que deux paquebots branchés simultanément peuvent mettre à plat un réseau.

Demande d'énergie à quai des navires par État membre de l'UE
Demande d'énergie à quai des navires par État membre de l'UE
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Demande d'énergie à quai des navires par État membre de l'UE ©ICCT

Les moteurs auxiliaires les plus énergivores

« Au total, nous avons estimé que dans tous les ports de l'UE, les moteurs auxiliaires consomment 68 % de l'énergie à quai, tandis que les chaudières utilisent les 32 % restants. Selon les types de navires, la proportion de la demande d'énergie pour les moteurs auxiliaires et les chaudières varie. Ainsi, les pétroliers consomment 70 % de leur énergie pour faire fonctionner les chaudières, tandis que les autres consacrent 66 % à 99 % de leur énergie à l'alimentation des moteurs auxiliaires », relève l’analyse.

Quant à la répartition géographique de la demande d'énergie à quai par État membre de l'UE, l'Italie fait valoir les besoins les plus élevés (1 316 GWh), devant l'Espagne (1 152 GWh) et la France (536 GWh). Les navires accostant dans les ports de ces trois pays nécessitent environ 3 000 GWh, soit plus de la moitié de la demande totale observée dans les ports européens. Plus de la moitié est sollicitée, là encore, par les paquebots.

51 ports équipés

L’examen indique par ailleurs que 51 ports dans 15 États membres côtiers de l'UE sont équipés d'une infrastructure d'alimentation électrique à quai (340 connecteurs à haute et basse tension). Ce réseau fournit actuellement 309 MW d'énergie, dont 283 MW absorbés par les porte-conteneurs et les navires à passagers.

La Suède serait la mieux pourvue (100 MW), devant les Pays-Bas (68 MW), particulièrement équipés pour recevoir les porte-conteneurs et les paquebots (105 et 38 connecteurs respectivement) tandis que les 46 MW de l'Allemagne sont principalement à l’usage des terminaux de croisière. Ensemble, ces trois pays représentent 69 % de la connexion électrique disponible dans l'UE. 

Reste que pour couvrir la demande énergétique annuelle moyenne des navires à quai estimée en 2019, il aurait fallu 1 929 MW supplémentaires (en plus des 309 MW actuellement installés) voire 3 342 MW pour couvrir la demande énergétique annuelle maximale.

4,37 Mt de CO2 évités

Par ailleurs, selon les calculs de l’ICCT, l’ensemble des navires accostant pendant au moins 2 heures ont émis 4,37 Mt de CO2 (toujours sur la base estimée de 2019).

À cet égard, l’étude indique que les nouvelles normes européennes, qui se limitent aux moteurs auxiliaires des porte-conteneurs et des navires à passagers de 5 000 GT et plus accostant sur le réseau RTE-T, ne permettront de réduire les émissions totales de CO2 que de 24 %.

Si le champ d'application géographique reste le même (ports RTE-T uniquement), mais est étendu à d'autres types et tailles de navires, la réduction potentielle des émissions de CO2 pourrait atteindre 30 à 40 % selon le scénario mais 69 % si toute la demande d'électricité (c'est-à-dire les moteurs auxiliaires et les chaudières) était couverte par l'alimentation à quai. 

Pour une réduction totale des émissions de CO2 à quai, l'UE devrait ainsi installer 2 000 MW supplémentaires d'électricité à terre pour couvrir la demande moyenne et environ 3 300 MW pour la demande de pointe. 

Des recommandations

Responsables de 44 % de toutes les émissions de CO2 à bord, les chaudières « devraient être modernisées, électrifiées ou connectées à des installations électriques à terre », signalent les auteurs dans leurs recommandations.

L’ICCT estime aussi que les règlements devraient aborder plus clairement des points logistiques et techniques tels que « le partage des responsabilités entre les exploitants de navires et les autorités portuaires, l'incompatibilité de la tension et de la fréquence, la disponibilité de l'espace d'amarrage, les durées de charge et la qualité de l'énergie »

Aussi, l’institut considère que des « objectifs clairs devraient être fixés pour la part des énergies renouvelables utilisée pour l'alimentation à terre ». 

Adeline Descamps

 

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