« La crise du Covid et les désordres mondiaux qu’elle a initiés ont rappelé à tous, au-delà de la communauté portuaire qui en était déjà convaincue, que les ports sont des actifs stratégiques et des objets de souveraineté de par leur importance dans nos approvisionnements. outils de performance des chaînes logistiques, lieux privilégiés de la réindustrialisation, atouts de développement économique au service des territoires, accélérateurs de la transition écologique… les ports sont tout cela à la fois », a signifié Nicolas Trift.
sous-directeur des Ports et du Transport fluvial au ministère de la Transition écologique, qui ouvrait le 13 avril le webinaire que l’Union des ports de France a choisi de consacrer à la stratégie nationale portuaire, a fait écho à la stratégie nationale présentée par Jean Castex au Havre le 22 janvier dernier, aboutissement d’une consultation très large mais qui n’est pas fini. «., précise à ce propos le représentant de l’éxécutif. Un premier bilan de la mise en œuvre sera alors dressé par le comité de pilotage qui doit se réunir avant l’été.
Manque de foncier sur l’axe Seine
Contrairement à la précédente stratégie nationale portuaire, qui datait de 2013, la millésime 2021 veut associer tous les ports et non les seuls Grands Ports maritimes. Ceux-ci sont cependant concernés. « Dans la foulée de la stratégie nationale portuaire, on a remis sur le métier le projet stratégique de Haropa », indique ainsi Stéphane Raison, qui dirige la fusion des trois ports. Il annonce l’adoption à la fin de l’année 2021 d’un projet stratégique où l’attention sera particulièrement portée à « l’industrialisation à travers la préparation du foncier. »
L’espace manque pour de nouvelles implantations industrielles dans les ports maritimes de l’axe Seine, et Stéphane Raison entend aller le chercher dans le domaine privé. Il affirme aussi l’importance du multimodal, ce qui à Haropa « passera avant tout par le fluvial, car le fer souffre de problèmes d’infrastructures. »
Concurrence aérienne à La Réunion
Si les ports d’outre-mer ne font pas l’objet d’un traitement à part dans la stratégie nationale portuaire, c’est qu’ils sont confrontés à des enjeux assez proches de ceux auxquels doivent faire face ceux de métropole, assure Éric Legrigeois, directeur général de Port Réunion. La déclinaison locale de la stratégie, ici, doit prendre en compte l’aérien comme seule concurrence locale au fret maritime. « La concurrence internationale s’exprime dans le transbordement, qui peut apporter des flux nouveaux permettant de sécuriser les investissements portuaires et améliorer le coût d’usage des outillages. »
Changement d’indicateurs de performance dans les ports décentralisés
Pour les ports décentralisés, c’est la transition énergétique qui confirme l’abandon du tonnage comme seul indicateur de performance. « Faire mieux plutôt que faire plus », résume Jérôme Giraud, le directeur des ports de Toulon, qui concède toutefois que cela n’est pas propice au portage politique des projets.
Selon lui, les ports décentralisés ont « un réel potentiel de contribution à la stratégie nationale portuaire, mais sous conditions : intégration du changement de paradigme par les élus et décideurs, intégration assumée des complémentarités interportuaires par les grands ports maritimes, et intégration de nos investissements dans les plans de financement de l’État. »
ports concédés, explique-t-il, doivent convaincre d’une part la collectivité locale qui est leur autorité concédante et d’autre part l’État pour être inscrit dans les différents plans d’investissements. « Nous souhaitons être vus, aussi, comme réceptacles d’investissements structurants. »
Rapidité de décision dans les ports normands
Une vision partagée par Philippe Deiss, directeur général des Ports Normands, construction originale avec une seule autorité portuaire regroupant sept collectivités locales pour l’exploitation des ports de Cherbourg, Caen et Dieppe. « Les ports normands sont un des outils des collectivités pour créer de la valeur ajoutée et des emplois sur leur territoire. C’est cela qu’on nous demande, et non d’augmenter le tonnage. »
Philippe Deiss, qui a précédemment dirigé le port de Rouen, estime que les sites portuaires décentralisés disposent d’une rapidité dans la prise de décision, faiblesse des grands ports maritimes. Il dénonce le fait que « l’État ignore les ports décentralisés » dans son plan de relance. Et conclut son propos en insistant lui aussi sur la nécessaire coopération entre ports d’État et décentralisés, rappelant que de Cherbourg au Tréport, les ports sont officiellement des « partenaires » de Haropa.
Étienne Berrier