La carte des trente premières places portuaires pour le volume de conteneurs traités, établie par Alphaliner, reste verrouillée depuis des années, à quelques exceptions près. Peu de mouvements entre les entrées et sorties. Les places s’échangent à peine entre indéboulonnables. Même les sorts des uns et des autres paraissent intangibles, aux uns toujours la croissance, aux autres encore la perte de parts de marché.
À l'issue du premier semestre, il y avait onze ports à conteneurs chinois, dont un Taïwanais, Kaohsiung parmi les 30 leaders mondiaux. Au total, 21 villes portuaires asiatiques occupent les premiers rangs.
Hormis la Chine, l'Asie du Sud compte trois places (Nhava Sheva et Mundra en Inde, Colombo au Sri Lanka) tandis que l'Asie du Sud-Est en loge sept (Singapour, Ho-Chi-Minh Ville et Cai Mep au Vietnam ; Port Klang et Tanjung Pelepas en Malaisie ; Laem Chabang en Thaïlande ; Jakarta en Indonésie). Enfin, en Asie de l’Est, Pusan en Corée du sud, maintient sa présence d'année en année.
Les autres continents doivent se partager une maigre pitance. L'Europe est représentée par son range nord (Anvers ; Rotterdam ; Hambourg) et le continent nord-américain par ses ports jumeaux (Los Angeles/Long Beach ; New York/New Jersey ; Savannah. Le Moyen-Orient (Dubaï) et l'Afrique du Nord (Tanger Med) sont les parents pauvres dans les terminaux à conteneurs.
La Chine reste une valeur sure portuaire
Les valeurs sures restent les ports asiatiques, à commencer par les puissants chinois : Shanghai, Singapour, Ningbo, Shenzhen, Guangzhou, Tianjin, où le trafic de conteneurs est en hausse de 4,8 % par rapport à l'année précédente à la même période, consolidant 149,8 MEVP.
Les leaders chinois reprennent des couleurs après avoir été contrariés dans leur croissance par la politique ultrastricte zéro-Covid, bien que la reprise chinoise n'ait pas été à la hauteur des attentes et que des doutes persistent sur l’état de santé du pays en raison des grandes difficultés de ses secteurs d’activité phare.
En 2022, Shanghai et Singapour étaient au niveau plancher. Au premier semestre, la dynamique est de retour avec des trafics en hausse de plus de 5 % et plus de 3 % respectivement.
Une dynamique toutefois hypothéquée
Mais la dynamique portuaire pourrait être éphémère et exclusive au premier semestre au vu des projections du commerce extérieur de la Chine et de l'état du monde. En juillet, ses exportations n’avaient jamais été aussi faibles depuis plus de trois ans.
Un petit match est à suivre entre Qingdao (+ 11,8 %), passé de la huitième place il y a cinq ans à la quatrième au premier semestre après avoir manutentionné 1,47 MEVP de plus, et Shenzhen en perte de vitesse.
Les grandes envolées au-dessus du seuil des 10 % sont cependant plus rares. Hormis Qingdao, les deux météorites, Lianyungang (+ 15 %) et Rizhao (+ 10 %), font partie des ports dont les volumes sont sous dopage depuis quelques années. Ces deux derniers ont fait leur entrée dans le Top 30 l’an dernier.
Les ports européens à bout de souffle
En revanche, les places à bout de souffle s’épuisent toujours davantage : Hong Kong, ex-star international (- 15,4 % entre le premier semestre 2022 sans perte de place), encaisse sa sixième année consécutive de baisse des volumes.
Rotterdam (- 8,2 %), Anvers (- 5,2 %), Hambourg (- 11,7 %) ont encore perdu du terrain au premier semestre 2023. Le trafic conteneurisé a chuté de 12 % en moyenne sur l’ensemble du range Nord.
Le port néerlandais a souffert de la baisse des importations d'Asie et le manque à gagner des trafics à destination et en provenance de la Russie. Rotterdam perd un rang et doit laisser sa 11e place au port émirati Dubaï en dépit de sa faible croissance (1 %).
Sans la fusion avec Zeebrugge (2022), qui a artificiellement gonflé ses statistiques, la sanction aurait été sans doute plus sévère encore pour Anvers, qui perd néanmoins deux rangs (numéro 14 mondial). En revanche, le port belge a augmenté sa part de marché dans la rangée nord-européenne. Mais davantage en raison de la déconfiture du Havre et de Hambourg.
Que ce soit en tonnage (38,7 Mt, - 10,8 %) ou en nombre de conteneurs (3,8 MEVP, - 11,7 %), le premier port allemand marque sacrément le pas par rapport au premier semestre 2022. L’autorité portuaire estime même qu’ayant touché le fond, la remontée sera bien au programme du second semestre.
Rive est/ouest-américaine : un schéma revisité
Les premiers ports nord-américains dévissent : - 24,5 % pour LA/LB à l’Ouest, - 23,7 % pour NY/NJ et – 17,8 % pour Savannah à l’Est.
Certes, l’incertitude économique mondiale explique en partie la déconfiture mais la chute est en trompe l’œil : elle reflète le niveau exceptionnellement élevé des précédentes années et matérialise, en quelque sorte, une normalisation.
Pendant deux ans, la demande de transport a été gonflée par des niveaux inédits de consommation outre-Atlantique créant une surchauffe aux portes d’entrée pour les importations conteneurisées, sous-dimensionnées pour absorber de tels à-coups.
Aussi, les ports californiens paient les 13 mois de négociations sociales entre les exploitants de terminaux dans les 29 ports de la côte ouest-américaine et les 22 000 dockers en vue de renouveler les accords de travail. Une activité au ralenti qui se solde par une perte nette de 2,6 MEVP de trafic par rapport à la même période en 2022.
Les partenaires sociaux ont fini par convenir d’un accord en juin sur leurs droits et obligations respectifs pour les six prochaines années. Le « combo » entre le chaos pandémique et les incertitudes sociales ont incité nombre de chargeurs à revoir leur supply chain pour être moins dépendants d'une seule porte d'entrée.
Un autre schéma devrait désormais s'imposer avec une présence plus marquée des ports à l'Est et se matérialiser dans les futures données portuaires.
Affirmation de l'Inde
Mundra a consolidé sa position de premier port à conteneurs de l'Inde gagné en 2020 sur son concurrent Nhava Sheva qu’il a encore devancé de 355 000 EVP.
Les deux premiers ports malaisiens Port Kelang et Tanjung Pelepas figurent parmi les six ports à ne pas avoir communiqué leurs chiffres semestriels avec Cai Mep, Ho-Chi-Minh, Jakarta et Tanger Med.
Port Kelang table sur un trafic de 13,5 MEVP pour l’ensemble de l’année, en hausse de 2 %. S’il transforme l’essai, il aura alors regagné une partie des 500 000 EVP perdus en 2022.
Les trente premiers ports mondiaux ont manutentionné 198,5 MEVP dont près de 150 MEVP par les seuls ports chinois.
Adeline Descamps
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