Haropa Port : trois entreprises annoncées, un investissement estimé à plus de 2,5 Md€

Les ministres de l'Industrie, des Transports et du Partenariat avec les territoires et Décentralisation seront ce 7 novembre au Havre pour annoncer l'aménagement des 60 ha et des investissements de plus de 2,5 Md€ portés par trois entreprises, dont deux étrangères. Ces nouvelles implantations industrielles confortent Haropa Port dans sa vocation à être une plateforme d'accueil des nouvelles filières industrielles de carburants alternatifs.

Trois ministres – Marc Ferracci (Industrie), François Durovray (Transports), Catherine Vautrin (Partenariat avec les territoires et Décentralisation) –, se dépêcheront ce 7 novembre sur les quais du port du Havre pour faire une annonce, qualifiée d'historique, concernant l'affectation de 60 ha aux projets portés par trois entreprises, dont les investissements estimés totalisent entre 2,5 et 2,7 Md€ et sont susceptibles de créer 720 emplois locaux. Ils seront accueillis par le premier locataire de la ville, Édouard Philippe, à qui l'on prête une sensibilité portuaire.

La luxembourgeoise Livista Energy, l’Américaine Air Products et la française Q-Air sont les trois lauréates, parmi les huit soumissionnaires, de l’appel à projets lancé par l'autorité portuaire d'Haropa Port en juin dernier dans le cadre de la stratégie nationale visant à réindustrialiser le pays avec des projets positionnés sur des technologies vertes. Sous réserve d'aléas, elles s'implanteront dans une fenêtre comprise entre 2026 et 2029 sur une parcelle de la zone industrialo-portuaire, à l’ouest du barreau autoroutier de l’A29, à proximité immédiate du Grand Canal du Havre. Le site est l'un des cinq labellisés « clés en main 2030 » sur le domaine foncier de l'établissement portuaire (quatre au Havre et un à Rouen). L’affectation des terrains programmés par l’appel à projets en cours, qui porte lui sur les 25 ha à l'est de l’A29, devrait être connue au premier trimestre 2025. Il restera ensuite deux autres terrains au sud du grand canal du Havre totalisant près de 100 ha à attribuer entre 2025-2026 si la demande s’en faisait ressentir.

Une mobilisation très politique

Au-delà de la valeur ajoutée qui pourrait être apportée, l’annonce est préemptée pour en faire une « illustration du succès » de la démarche des sites « clés en main » et une « confirmation de l’attractivité de la France pour les investissements étrangers », fait valoir le cabinet de Bercy.

L’Hexagone est resté en 2023 la première destination en Europe en dépit d’un déficit tenace de compétitivité et sans doute grâce à la mise en œuvre d’une série de réformes plus favorables aux entreprises ces dernières années, à commencer par une fiscalité offensive opérée à coups d'allégements massifs et des facilités administratives d’implantation. « C’est une bonne nouvelle de voir que la France est capable d'attirer des entreprises de pointe, qui vont investir des millions voire des milliards d'euros, sans que l'État ait eu à mettre la main à la poche », se félicite en passant Pierre-Léonard Rouzaud, conseiller État actionnaire auprès du ministre de l’Économie.

Le cabinet d’Antoine Armand peut s’en vanter : l’Hexagone est plutôt captif pour les extensions de sites existants, beaucoup moins pour drainer les créations ex-nihilo (les nouvelles implantations représentent respectivement 75 % et 77 % des projets au Royaume-Uni et en Allemagne, contre seulement 36 % en France). En cause, la longueur des procédures et la rareté du foncier pour les sites industriels et logistiques, répètent les dirigeants étrangers sondés chaque année par le baromètre de E&Y. C’est ce à quoi a voulu remédier le dispositif « sites clés en main France 2030 », présenté en mai 2023 dans le cadre du projet de loi Industrie verte. Pour rappel, le dispositif consiste à proposer aux porteurs de projets industriels d’accéder dans des délais écourtés – trois mois pour l'obtention du permis de construire et neuf mois pour les autorisations environnementales –, à des sites fonciers prêts à l’emploi, à la temporalité de disponibilité rendue visible et aux risques minimisés car les procédures administratives et réglementaires préalables à la pose de la première pierre ont été anticipés. En clair, les préfectures se chargent en amont des études préalables à la construction et relatives à l'environnement et à l'urbanisme.

Haropa Port a été le premier des grands ports maritimes parmi les 55 sites labellisés pour une réindustrialisation verte. Mais pas le premier qui ait fait de la mobilisation de son foncier une terre d’accueil industrielle (cf. Dunkerque, premier site industriels clefs en main avec ses deux plateformes Zone Grandes Industries (ZGI,) et DLI, Dunkerque Logistique internationale). « Grâce à cette démarche, on arrive à capter des projets avec une qualité industrielle dans un contexte de pénurie croissante du foncier économique et de contrainte d’emprise au sol, insiste Pierre-Léonard Rouzaud, qui fait tacitement référence aux objectifs du zéro artificialisation nette. Selon le rapport sur la mobilisation foncière remis par le préfet Rollon Mouchel-Blaisot au gouvernement, 22 000 ha seraient nécessaires pour « soutenir une trajectoire de réindustrialisation ambitieuse ». Sur cette surface, 8 500 ha ont été identifiés pour des nouvelles zones industrielles et 1 500 ha mobilisables par la reconquête des friches portuaires.

« Les trois projets incarnent cette stratégie de réindustrialisation verte mais avec des enjeux en lien avec les activités portuaires et le commerce international. C’est un foncier maritime dans le sens où les activités qui s’implantent vont se traduire par de l’import/export et une amélioration de notre balance commerciale. C’est toute la spécificité de ce projet », est-il encore précisé.

Trois projets gourmands en électricité décarbonée

Les projets seront dévoilés dans la matinée du 7 novembre. Les informations manquent sur leur dimensionnement (capacité de production et/ou de stockage, volumes d’importation ou d’exportation, impacts sur les trafics portuaires, etc. ) et les paramètres, qui sont à ce stade des estimations, sont susceptibles d’évoluer par ailleurs.

Air Products, spécialisé à l’origine dans les équipements pour la production de
gaz industriels et diversifié dans les énergies émergentes (hydrogène), porte au Havre un projet de 1,1 Md€ avec potentiellement 270 emplois à la clé. Le groupe (12,6 Md$ de chiffre d’affaires en 2023, 23 000 employés, 60 Md$ de capitalisation boursière), dont le siège mondial est en Pennsylvanie, se positionne comme un acteur mondial du transport maritime d'hydrogène pour des besoins industriels et dispose d’un réseau de terminaux de production et d'exportation, notamment dans des pays où les énergies renouvelables ont des coûts de production les plus faibles. L’entreprise a signé en juin dernier un contrat long terme (15 ans) avec TotalEnergies pour lui fournir 70 000 t d’hydrogène vert par an à partir de 2030. Cet accord s'inscrit dans le cadre de l'appel d'offres lancé en septembre par la major française portant sur de très gros volumes (500 000 t), destinés à décarboner ses raffineries en Europe du Nord.

Raffiner du lithium pour produire des batteries électriques

Livista Energy, industriel luxembourgeois du lithium, s’est positionné sur un terrain de 27 ha où elle prévoit une raffinerie de lithium à partir de matériaux primaires et recyclés. Un investissement projeté à 1,2 Md$, susceptible de générer 300 emplois directs. Le démarrage de l’unité est prévu en 2028 avec une capacité initiale de 40 000 t et un objectif de doubler rapidement ce volume pour fournir les batteries d’1,5 million de véhicules électriques par an. Selon ses plans, les matériaux issus du recyclage des batteries devraient progressivement devenir l'intrant principal (objectif : 50 % d'ici 2035). Le lithium se transporte notamment par la mer mais les fabricants européens de batteries et de cathodes sont astreints par une réglementation de l'UE à réduire leur dépendance à l'égard des matériaux importés et à avoir produire localement 40 % de lithium raffiné de qualité batterie d'ici 2030. L’entreprise a sans doute dans le viseur l'usine Renault de Sandouville.

Produire des e-carburants à partir de CO2 biogénique et d'hydrogène renouvelable

Enfin, la seule entreprise française est Qair, énergéticien du renouvelable (hydrogène, carburants de synthèse, éolien offshore....) qui avait atteint fin 2023 1,4 GW de capacité en exploitation et en construction de capacité en opération et un pipeline de projets d’hydrogène renouvelable de 7,5 GW dans une vingtaine de pays. Elle porte au Havre un projet de production et de stockage d’hydrogène et de méthanol verts d’une capacité de 200 000 t pour les secteurs rétifs à la décarbonation, à savoir la mobilité lourde, transports maritimes et aériens. Le ticket d'investissement est évalué à 500 M€ avec 150 emplois directs à la clé.

En France, Qair est en train de construire une première unité de production d’hydrogène renouvelable à grande échelle d’une capacité de 50 MW avec une première tranche de 20 MW prévue pour 2025, à Port-La Nouvelle, en Occitanie. Le spécialiste est également lié à l’avionneur européen Airbus par un protocole d’accord visant à structurer conjointement une filière de carburants d’aviation durables (CAD ou SAF, Sustainable aviation fuel).

Cinq implantations industrielles

Ces nouvelles implantations industrielles complètent celles annoncées en juillet 2023 dans le cadre de l’appel à projets « Grand Canal du Havre » qui a retenu les projets de Salamandre de CMA CGM et Engie (unité de production et de commercialisation de biométhane obtenu par pyrogazéification et méthanation avec de la biomasse issue de résidus de bois et de déchets solides de récupération) et de KerEAUzen de Engie. Ce dernier prévoit la production de kérosène de synthèse à partir de CO2 récupéré en partie dans l’usine Salamandre et d’hydrogène bas carbone produit localement par un électrolyseur d'une capacité de 250 MW. Ainsi, à partir de 2028, Engie pourrait ainsi fournir 70 000 t de e-kérosène par an au transporteur aérien Air France-KLM.

Adeline Descamps

 

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