Qu’ils accueillent des usines de fabrication d’éoliennes, soient utilisés comme sites d’assemblage au cours du déploiement des champs offshore, ou servent de base de maintenance en phase d’exploitation, de nombreux ports français sont ou vont être mis à contribution pour l’éolien offshore.
Dans le dispositif portuaire lié à l’éolien en mer, trois ports français se singularisent. Il s’agit de Nantes-Saint-Nazaire, de Cherbourg et du Havre. Tous trois accueillent des sites majeurs pour la fabrication des éoliennes : Siemens-Gamesa a choisi Le Havre pour la production de ses pales et l’assemblage de ses nacelles. General Electric a installé les pales à Cherbourg et les nacelles à Nantes-Saint-Nazaire, où les Chantiers de l’Atlantique produisent aussi des sous-stations électriques. Les industriels ne visent pas le seul marché français de l’éolien offshore mais de fournir le monde entier. Les machines ayant vocation à s’exporter tous azimuts, elles nécessiteront une logistique portuaire sur-mesure pour leur transport.
L’usine LM Wind Power (General Electric) de Cherbourg a été créée pour la fabrication de pales géantes. En août 2019, la première pièce fabriquée (107 m de long, record mondial) a été expédiée pour essai en Grande-Bretagne. La phase de production commerciale s’enclenche désormais, avec une commande de 1 200 pales destinées à équiper 400 éoliennes qui seront installées sur le Dogger Bank, au large des côtes anglaises de la mer du Nord. Outre cette production industrielle, qui va générer des flux maritimes, le port normand sera en outre mis à contribution pour l’installation des champs au large des côtes françaises, qui n’utiliseront pourtant pas ces pales géantes.
70 escales prévues à Cherbourg
Les premières opérations dans le port de la pointe du Cotentin sont prévues à partir de mars. L’Agence maritime de Cherbourg (AMC, groupe Maritime Kuhn) organise la logistique portuaire et les fonctions supports aux navires qui vont, sur le parc de Saint-Brieuc, installer les pieux sur lesquels seront implantées les fondations des éoliennes. Les pieux, fabriqués en Espagne, devaient initialement transiter par Brest mais le quai prévu n’était pas totalement prêt.
Au total, sur les deux ans que dureront l’opération, 70 escales sont prévues à Cherbourg. « Nous atteindrons le rythme de croisière courant 2021, explique Michel Colin, directeur de l’agence. Ce n’est pas un énorme flux de marchandises, mais d’autres parcs suivront à Courseulles-sur-Mer puis Fécamp : nous espérons être sur ces marchés, comme sur celui des exportations de pales construites par LM à Cherbourg.
L’éolien se met doucement en place, après dix ans de retard, précise-t-il, et il a le potentiel pour drainer un volume de trafic non négligeable au port de Cherbourg, « qui est bien placé pour l’assemblage, quand d’autres ports n’ont pas l’espace nécessaire pour le faire. »
C’est le cas du Havre, où la construction d’une usine s’achève. Siemens-Gamesa y fabriquera des pales, mais aussi des nacelles, c’est-à-dire les turbines génératrices d’électricité. Là encore, il s’agit de construire non pas pour les seuls parcs éoliens offshore normands mais pour le marché mondial de l’éolien. Les fondations gravitaires du même parc seront aussi construites au Havre. Mais, par manque de place au pied des falaises de Seine-Maritime, c’est à Cherbourg que le tout sera assemblé.
Rouen, point d’entrée « colis lourds »
Outre la production industrielle des éoliennes, les ports sont aussi mis à contribution pour l’importation de pièces d’éoliennes en provenance d’autres pays, et pour leur assemblage avant installation sur les parcs éoliens offshore français.
Au total, selon l’Observatoire des énergies de la mer, les ports ont investi 63 M€ en 2018 et 55 M€ en 2019 pour les énergies marines renouvelables, et ont réservé 200 ha en arrière de leurs quais à cette filière, qui a généré 1,75 M€ de chiffre d’affaires pour les ports français en 2019, alors que la construction du premier parc offshore n’avait pas encore commencé. Les grands ports industriels ne sont d’ailleurs par les seuls concernés, puisque la maintenance se fera depuis les ports de Lézardieux, Saint-Quai, Ouistreham, Fécamp, Dieppe ou le Tréport pour la Manche, et Joinville, L’Herbaudière, La Turballe et Lorient pour l’Atlantique.
Le port de Rouen est aussi concerné, non pas par la logistique de l’installation de fermes éoliennes offshore, ni à leur maintenance mais pour la manutention de mâts et de pales qui seront importés par voie maritime, et destinés à des installations terrestres. Les transports se font essentiellement en provenance de Chine. Ainsi, le premier navire arrivé à Rouen par la Route maritime du Nord, via l’Arctique, en septembre 2018, était une unité de Cosco.
Parti le 4 août de Lianyungang, dans la province du Jiangsu, le multipurpose vessel (MPV) Tian En était chargé de 63 colis lourds, jusqu’à 70 t, dont 21 pâles d’éoliennes de 53 m de long. L’opération a été réalisée par la division « colis lourds » de Sealogis, une filiale du groupe Geodis/SNCF Logistics tandis que la manutention en a été confiée à Katoen Natie, via sa filiale RMS Manutention, à Saint-Jean-de-Folleville, quai de Radicatel. Ce site est le principal point d’entrée pour les colis lourds liés à l’éolien : RMS Manutention a ainsi reçu 30 navires dans ce cadre en 2020, avec un total de 30 443 t manutentionnées.
Itinéraire hors gabarit
Deux autres sites du port de l’estuaire de la Seine sont aussi mis à contribution pour les importations de pales, mâts et nacelles liées à l’éolien terrestre : le terminal à conteneurs et marchandises diverses (TCMD) de Grand-Couronne/Moulineaux et le quai de Rouen/Petit-Quevilly. Sur le premier, une trentaine de navires ont été opérés par la Normande de manutention en 2020 pour un chargement total de 23 307 t. Sur le second, le manutentionnaire Dock Seine a déchargé une quinzaine de navires, soit 13 262 t.
Pour la partie terrestre de ces transports – en convoi routier exceptionnel – Rouen a dû faire quelques aménagements, en particulier sur des rond-point pour permettre le passage des camions chargés de leur volumineux chargement. Un itinéraire a d’ailleurs été défini au niveau de la métropole de Rouen, en collaboration entre Haropa, la préfecture et la direction interdépartementale des routes, qui permet de relier les quais aux voies rapides. Des aménagements sont encore en cours, notamment à Petit-Quevilly et Petit-Couronne.
D’autres ports, comme Dunkerque, Dieppe ou Nantes-Saint-Nazaire par exemple, sont aussi concernés par les importations de pales ou de mats d’éoliennes terrestres.
Étienne Berrier