Une nouvelle structure de revenus s'installe petit à petit dans les ports. Les recettes portuaires qui reposent sur deux piliers – revenus fonciers et droits de port – évoluent en faveur des premiers, le statut de port aménageur imprimant de plus en plus ses marques.
226,3 M€ en 2021 ; 257 M€ en 2022 et 295,4 M€ en 2023. En comparaison, Haropa Port a consenti 126 M€ en 2023 et Marseille Fos, 76 M€. Mais pour le port de l'axe Seine, le chiffre d’affaires, en hausse de 9,8 %, à 416 M€, a tiré 225 M€ du domanial.
Le port néerlandais a traité moins de marchandises (438,8 Mt en 2023, en baisse de 6,1 %), qui ont amputé ses recettes de 4,6 M€, mais ses revenus fonciers ont augmenté de près de 28,4 M€. « La machine à investir », comme l’avait qualifié l’an dernier Vivienne de Leeuw, directrice financière de l'Autorité portuaire de Rotterdam, a encore augmenté ses engagements financiers de 15 % en 2023.
« Dans un contexte de tensions géopolitiques et d'élections à venir dans plusieurs pays, 2024 devrait également être une année imprévisible. En cette période de turbulences, l est d'autant plus important que le port mette en œuvre des plans qui favoriseront la transition », a indiqué lors de la publication des trafics pour l'année 2023, Boudewijn Siemons, dont l’intérim à la tête du port depuis l’été dernier s’est transformé le 1er février en promotion.
Décision finale d'investissement pour Porthos
Comme la plupart des ports, Rotterdam est soutenu par les investissements de ses locataires. L’an dernier, la principale avancée a concerné la décision finale d'investissement (octobre 2023) pour la construction du projet de transport et de stockage de CO2 en mer du Nord, Porthos, dont le port néerlandais est une des trois parties prenantes avec deux entreprises belges, Energie Beheer Nederland (EBN), qui produit et commercialise du gaz, et Gasunie, qui exploite le réseau de transport et distribution. « Les travaux de construction débuteront en 2024 », assure Boudewijn Siemons.
La localisation du site de stockage de CO2, sous la mer du Nord dans d’anciens sites d’extraction de gaz naturel, a été approuvé l'an dernier par le Conseil d’État néerlandais, clôturant les procédures de recours menée par une association environnementale.
Le CO2 sera capté sur différents sites du port de Rotterdam, notamment auprès d’Exxon, de Shell ou encore d’Air Liquide, grâce à 30 km de pipelines installés au sein du port. Il sera ainsi acheminé vers une station de compression située sur la Maasvlakte, au nord du port de Rotterdam. Là, il sera compressé à 35 bars avant d’être acheminé par pipeline jusqu’au site d’enfouissement sous-marin à 22 km au large du port.
Lorsqu'il sera opérationnel en 2026, « 2,5 Mt de CO2 par an pourront être captées et stockées de manière permanente », s’enthousiasme le dirigeant.
Bioraffinerie et hydrogène
Quant à la bioraffinerie et à la « plus grande usine d'hydrogène vert d'Europe », les décisions d'investissement sont toujours attendues.
La construction d’un réseau national d'hydrogène a néanmoins débuté le 27 octobre dans le port de Rotterdam. Le tuyau, long de 1 200 km, doit permettre à cinq pôles industriels néerlandais d'avoir accès à de l'hydrogène vert. Le premier tronçon s’étendra sur quelque 30 km.
La première des quatre usines d'hydrogène (200 MW, dénommée Holland Hydrogen 1) est en construction. Les premiers volumes sont attendus en 2025.
Extension des terminaux à conteneurs
Les deux autres grands projets portuaires, qui ont fait l’objet d’investissements fermes l’an dernier, concerne l'expansion des terminaux à conteneurs de APM Terminals (groupe Maersk) et du Rotterdam World Gateway (DP World, CMA-CGM, HMM et MOL), deux des cinq grands terminaux à conteneurs du port néerlandais.
En avril 2023, l'opérateur portuaire néerlandais APM Terminals, dans lequel est actionnaire A.P. Møller-Maersk, a annoncé une extension de son terminal sur la Maasvlakte II en vue d'augmenter sa capacité de 2 MEVP supplémentaires grâce à 1 000 m de quai supplémentaires en eaux profondes. Un investissement de 1 Md$ selon ses déclarations.
L'autorité portuaire de Rotterdam construit actuellement les nouveaux murs de quai, qui seront achevés à la mi-2024. La nouvelle section devrait être livrée dans la seconde moitié de 2026. En 2022, 18,5 ha de terrain dans la même zone avaient été loués au groupe danois pour le développement d'installations de transbordement et d'entrepôts frigorifiques qui ouvriront en 2024.
En ce qui concerne le RWG, il va faire l’objet d’une extension qui portera sa capacité actuelle (2,3 MEVP) à 4,1 MEVP, grâce à une extension de 45 ha située sur le site Prinses Amaliahaven (Maasvlakte 2), où il est prévu d'aménager 920 m de nouveaux quais.
Ces annonces ont fait suite à celle de Hutchison Ports et MSC/Til en septembre 2022 qui prévoient un nouveau terminal à conteneurs d’une capacité de 5 à 6 MEVP par an dans l'Europahave sur la Maasvlakte 1, là où sont actuellement implantées les deux installations à conteneurs exploitées par le Hongkongais. Mise en service programmée en 2027.
Alimentation électrique à quai
Le port poursuit aussi son programme d’alimentation électrique à quai pour les paquebots (Holland America Quay), dont le chantier a commencé au début du mois de juin (travaux financés par le ministère de l'Infrastructure et de la Gestion de l'eau, la municipalité de Rotterdam et l'autorité portuaire). Boskalis a mis en service une grande installation d'alimentation électrique à quai sur son site de Waalhaven en novembre. Certains des navires de DFDS qui accostent à Vlaardingen peuvent ainsi raccorder à l'électricité portuaire depuis la fin de l'année.
Un exercice financier sans éclat
L'administration portuaire a connu une année stable sur le plan financier avec un chiffre d’affaires en légère hausse de 1,9 % (841,5 M$), portée par les revenus fonciers et un résultat d'exploitation avant intérêts, dépréciations et impôts (Ebitda) stagnant (+ 0,9 %, 548,6 M€). Le résultat net y laisse des plumes (13,7 M€) pour s’établir à 233,5 M€.
« Le port de Rotterdam crée une valeur économique et sociale importante pour les Pays-Bas et l'Europe. Les investissements du port et des entreprises portuaires se concentrent sur de nombreux projets de transition énergétique. Il est essentiel que ces investissements soient accompagnés par une politique favorable », a glissé le nouveau patron du port, à l’attention du prochain gouvernement néerlandais. Le PVV, parti d'extrême droite dirigé par Geert Wilders, est arrivé en tête aux élections législatives le 22 novembre dernier alors que le royaume est gouverné depuis l'après-guerre par des partis modérés.
« Le gouvernement doit prendre des décisions difficiles. Les entreprises doivent savoir à quoi s'en tenir, et les Pays-Bas doivent redevenir le lieu d'implantation d'une industrie chimique innovante et durable », exhorte Boudewijn Siemons, visiblement inquiet pour le climat d'investissement. « Nous sommes préoccupés par la position concurrentielle de l'industrie aux Pays-Bas, y compris chimique, dont la contribution est essentielle à la transition énergétique. »
Adeline Descamps
Lire sur ces sujets
Hutchison Ports et MSC/Til investissent dans un nouveau terminal à Rotterdam
À Rotterdam, agrandissement du terminal à conteneurs de DP World
Rotterdam : encore moins de conteneurs, toujours plus de GNL
Baisse généralisée des trafics pour Anvers-Bruges en 2023
Allard Castelein quitte la direction générale du port de Rotterdam
Stockage de CO2 en mer du Nord : le projet Porthos validé
L'année 2023 démarre mal pour le port de Rotterdam
Un corridor d'hydrogène vert entre les ports de Rotterdam et d'Algésiras