Depuis 2020, la Cnuced et MDS Transmodal ont élaboré un indice (« Liner shipping connectivity index », LSCI) qui permet de mesurer la connectivité au réseau mondial de transport maritime de ligne, tant au niveau des ports que des pays.
Il ressort de cette analyste, arrêtée au deuxième trimestre de cette année, que les quatre économies les plus « branchées » au monde se situent sans surprise en Asie – Chine, Corée du Sud, Singapour et Malaisie –, alors que la plupart des pays d'Afrique, d'Amérique latine et des Antilles ont perdu nombre de liaisons directes.
Entre le troisième trimestre de 2020 et le deuxième trimestre de 2022, elles ont chuté de 12,4 % en Afrique et de 13,5 % en Amérique latine et dans les Antilles. Les compagnies maritimes ayant réaffecté des navires aux routes Chine-États-Unis, nombreux sont ceux qui ont vu leurs escales sauter.
En Europe, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Espagne et la Belgique – qui émergent entre la sixième et la neuvième place –, ont également pâti du redéploiement des porte-conteneurs sur le transpacifique, à l’exception de l’Espagne. Le pays de la péninsule ibérique a augmenté sa capacité mais sans pouvoir retenir certains opérateurs, ce qui a entraîné une baisse de la connectivité globale. Les ports français ont subi les mêmes pressions même s’ils ont, pour certains, profité de l’engorgement de leurs grands concurrents européens au nord et au sud.
Maghreb bien loti
Bien qu’idéalement placé sur une carte maritime, Hong Kong, en dépression depuis quelques années, a encore perdu en influence, passé du cinquième au dixième rang, les grands porte-conteneurs desservant la route Asie-Europe ayant boycotté le port chinois, qui souffre de la concurrence des ports de la Chine continentale, plus récents et mieux équipés. Le Japon a également été moins fréquenté par les compagnies maritimes, rétrogradé du 11e au 21e rang.
En revanche, le Maghreb – et Tanger Med n’est pas étranger au succès –, le développement continu des infrastructures portuaires a permis d'atténuer l'impact de la pandémie.
Les États-Unis, qui occupaient la cinquième place au deuxième trimestre, ont connu de fortes fluctuations dues aux changements de la taille maximale des navires, mais ont profité dans l’ensemble du renfort de capacités, à l’exception des ports ouest-américains qui ont payé chèrement plus d’une décennie de sous-investissements dans leurs infrastructures portuaires.
Une congestion coûteuse
La congestion a coûté cher même aux ports historiquement les plus performants. « Au troisième trimestre de 2020, l'aggravation de la congestion portuaire a réduit la moyenne mondiale de l'indice LSCI. L'Europe a continué à s'améliorer jusqu'au premier trimestre de 2022, mais elle a fortement chuté au deuxième trimestre, principalement en Europe de l'Est et du Sud, en raison de la guerre en Ukraine. En revanche, l'Amérique du Nord et l'Asie/Océanie ont poursuivi leurs tendances positives, sous l'impulsion de la Chine et des États-Unis », résume l’analyse.
Le rapport de la Cnuced et MDS Transmodal met aussi en évidence un autre phénomène. Les liaisons maritimes intrarégionales ont augmenté en Asie du Sud, l'Inde ayant renforcé ses liaisons avec ses voisins proches, le Pakistan, le Sri Lanka, la Chine, la Corée, la Malaisie, Singapour mais aussi l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Les ports indiens de Jawaharlal Nehru et de Mundra ont obtenu plusieurs touchés supplémentaires, notamment grâce à leur mise à niveau portuaire mais aussi au développement de nouveaux services tels des « trains de conteneurs nains », dont la hauteur inférieure à celle des conteneurs ISO standard leur confère un avantage logistique pour transiter dans l’arrière-pays. Empilés, ils permettraient un gain de volume et de poids. Les chemins de fer indiens ont accompagné cette offre par des remises commerciales.
Faible connectivité et coûts élevés de transport
Pour autant, dans l’ensemble, entre 2006 et 2021, le nombre de services de transport maritime a diminué, en partie à cause de la consolidation des compagnies maritimes de la ligne régulière et de la tendance à utiliser des porte-conteneurs plus grands. La taille des navires a plus que doublé dans ce laps de temps, passant de 9 380 à 23 992 EVP. Selon les données de la Cnuced, les 20 premiers transporteurs ont accru leur part dans la capacité de transport de conteneurs de 48 à 91 % entre 1996 et 2022.
« Comme les navires se développent plus rapidement que les volumes, cela tend à évincer les concurrents plus petits. Par rapport à 2006, le nombre de sociétés offrant des services aux importateurs et aux exportateurs a augmenté dans 56 pays, mais a diminué dans 110 pays, et notamment dans plusieurs petits États insulaires en développement, où un duopole de deux transporteurs est passé à un monopole d'un seul », rappelle la Cnuced.
« Une faible connectivité entraîne des coûts élevés de transport. En moyenne, les pays en voie de développement paient deux fois plus pour le transport international de leurs importations que les pays développés », ajoute l’organisation des Nations unies. Le défi majeur consiste donc à maintenir une fréquence des services de transport maritime.
Défi : maintenir les liens avec le monde
Au cours de la période 2018-2021, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a reçu en moyenne 392 escales et Fidji 165. Mais d’autres, comme Kiribati ne voit en moyenne la proue que d’un seul navire par semaine.
Lorsqu'elles décident du déploiement de leurs navires, les compagnies tiennent compte de l'éloignement, des volumes de marchandises, des déséquilibres (fret retour), des redevances portuaires... Autant dire qu’il faut, pour ces pays, mettre en œuvre de véritables stratégies de connectivité maritime pour s’ancrer sur les radars des porte-conteneurs.
Adeline Descamps