Selon une analyse effectuée par Reuters sur la base des mouvements dans les ports et du suivi des navires, au moins neuf navires bloqués dans les ports ukrainiens de Mykolaiv, Kherson et Mariupol ont été vendus depuis février 2023 dans le cadre d'une série de transactions discrètes. Au moins cinq autres ont été vendus et ont depuis quitté le pays.
Les propriétaires de navires, empêchés de quitter le port par un risque de guerre de nature physique, peuvent demander à leur assureur d’être déclarés en perte réputée totale dans un délai contractuel qui varie suivant les imprimés et les polices d'assurance entre six mois et un an après le blocage.
Miser sur la levée de la zone de guerre
Ils peuvent ainsi récupérer une grande partie voire la totalité de la valeur du navire. Cette disposition permet de vendre les navires à un prix réduit à des acquéreurs pariant sur le fait qu'ils pourront reprendre la mer à moment ou à un autre.
Quels sont les critères qui vont déterminer la levée de ces zones en risques de guerre ? « C'est très simplement la géopolitique, à savoir une analyse très factuelle des zones et des risques. Ce n’est pas forcément le fait d’un acte juridique, politique ou autre. Et d'ailleurs, très souvent, les marchés d'assurance, au-delà des informations qui leur sont fournies par leurs services internes ou par des sociétés privées d’analyses des risques, vont aussi tenir compte de l’appréciation d’un armateur ou d’un chargeur, qui aura constaté un retour à la libre navigation », expliquait dans un entretien au JMM Jean-Étienne Quintin, directeur de clientèle pour la société de courtage Diot-Siaci.
Dans le cas du conflit russo-ukrainien, les mines flottantes, immergées et dérivantes pourraient toutefois retarder la sécurisation de la zone de transit.
Qui peut bien acheter un navire dans une zone de guerre ?
Selon Richard Neylon, associé du cabinet d'avocats HFW, interrogé par Reuters, il y a ceux qui pensent pouvoir sortir le navire (certains y sont parvenus) et ceux qui ont intégré le risque qu'ils y restent pour un temps plus ou moins long, assumant le risque des dommages matériels voire de la saisie des marchandises et des navires.
Le 27 février, le Kuruoglu-3, un navire de marchandises générales battant pavillon turc, a été touché par deux missiles russes alors qu'il était amarré à Kherson, ce qui l'a fait gîter sur le côté.
Selon l'avocat, qui a travaillé sur plusieurs de ces transactions, la plupart des navires sont vendus à environ 25 % de leur valeur initiale. Ainsi, la société de transport maritime Blumenthal JMK, basée à Hambourg, a acheté au moins quatre navires en Ukraine, dont le Primus, battant pavillon libérien, qui a quitté Odesa en août 2023.
Pas cher à l'achat, onéreux en entretien
Mais même obtenu à prix bas, le navire représente un coût, à commencer par l'assurance, bien plus chère du fait du risque de guerre. La valeur des navires immobilisés peut ainsi varier de 20 à 200 M$ selon différentes sources. Les propriétaires doivent également assurer des dépenses de fonctionnement, y compris un équipage de base.
« Tout comme il existe un marché pour les dettes en souffrance, il existe un marché pour les navires coincés », résume, philosophe, Adrian Cox, patron de l'assureur Beazley.
Adeline Descamps (avec les données de Reuters)
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