Les marchandises conventionnelles sont tellement diverses qu’elles offrent de l’emploi à différents types de navires et qu’il y en a pour tous les ports. Certains d’entre eux se distinguent en Europe par quelques spécialités. Virée dans les ports et les navires « à tout faire »
Les « marchandises qui ne peuvent pas entrer dans la boîte rectangulaire standardisée », comme il est de coutume de décrire le fret conventionnel, ne représente qu’une infime partie du segment. Outre ces marchandises aux dimensions hors normes ou volumineuses, 200 types de produits entreraient dans la classification établie par le néerlandais Dynamar : aluminium, coils et taules acier, billes et fardeaux de bois, pièces pour les éoliennes, rouleaux de papier, véhicules et matériels roulants, portiques, projets industriels, yachts ou navires de plaisance, parties d’usines…De même, il mobilise différents types de navires, des cargos traditionnels aux frigorifiques en passant par les rouliers et les transporteurs de colis lourds.
Le roulier prédominant
Une grande partie de ces trafics sont réalisés en rouliers (ro-pax, rouliers, car carrier), un trafic riche des 120 à 150 lignes de ses différents sous-bassins maritimes au nord et au sud de l’Europe. Elles animent traditionnellement les ports de Cuxhaven (Allemagne) jusqu’à Roscoff en passant par Rotterdam, Zeebrugge, Dunkerque, Calais, Caen et Cherbourg, pour citer les principaux. À l’Ouest, il se fait principalement au départ de Nantes-Saint-Nazaire vers l’Espagne.
n se positionnant comme un hub au cœur d’un système d’autoroutes de la mer, le port ligérien a démontré la faisabilité de telles lignes. C’est aussi de Montoir qu’Airbus a lancé en 2017 une ligne régulière, en roulier, avec une fréquence de deux rotations par semaine pour remplacer les trois à quatre trajets mensuels jusqu’alors effectués en tramping. Opéré par Louis Dreyfus Seaplane, le service, ouvert aux trafics tiers, est assuré au moyen de deux navires, le Ville de Bordeaux et le City of Hamburg. L’avionneur, ayant décidé début 2019 de mettre fin à la production du programme A380, les navires devraient se concentrer sur les éléments des autres programmes en fonction des cadences de production.
Les véhicules neufs, fortune de quelques ports
Parallèlement, les ports européens ont développé des exportations et importations de véhicules neufs. Ces trafics sont le reflet des usines de proximité comme Gand avec Volvo, Vigo avec PSA, Barcelone avec Nissan et Volkswagen, d’autres se sont taillé une place en tant que plateforme d’échanges spécialisés. C’est le cas de Zeebrugge, Bremerhaven, Valence, Livourne. Hambourg et Anvers sont davantage axés sur les exportations de l’occasion, que pilote l’armateur napolitain Grimaldi.
Directement liée à la conjoncture de l’industrie automobile, la demande s’est littéralement effondrée en 2020. Mais hors circonstances exceptionnelles, les ports belge Zeebrugge et allemand Bremerhaven se partagent une large part de cette activité comme hub océanique entre le Japon, l’Allemagne et les États-Unis.
En France, outre les positions de Nantes Saint-Nazaire et Sète, les ports traditionnels sont Le Havre (océanique) et Marseille (méditerranéen). Le Havre est parvenu à récupérer des parts de marché sur ses homologues nord-européens ces dernières années, ce qui avait justifié la décision prise il y a deux ans d’agrandir son terminal roulier.
Éolien en relais
Les marchandises conventionnelles sont aussi une photographie de l’activité industrielle d’un pays ou d’un continent. Si les importations de fers et d’aciers ont souffert des difficultés structurelles de l’industrie sidérurgique européenne et des différentes guerres douanières, l’éolien est devenu une source de trafic pour les ports situés à proximité des champs.
Les bois et produits forestiers apportent encore des tonnages à certains ports français. Les bois du Nord sont l’affaire de Honfleur, Saint-Malo, Rochefort et Bordeaux. Les bois tropicaux restent présents à Caen et à La Rochelle mais les grumes ont disparu. La Rochelle, déjà leader du bois en France, garde ses activités de pâte à papier. Rouen importe le papier pour la presse parisienne.
Enfin, le colis lourd et hors-gabarit, qui interviennent pour une part non négligeable dans le conventionnel, sont directement liés à la présence d’une industrie locale. Bilbao et Brême se sont taillés une réputation dans ce domaine. Nantes Saint-Nazaire est le leader français en la matière, les exportations de moteurs, petits navires et désormais des éoliennes de General Electric y contribuant largement.
Adeline Descamps – Paul Tourret