Il est en gestation depuis 2016, alternant surplace et hyperactivité, il a été relancé très récemment et progresse désormais de manière visible. Porté par l’ascension météorite de Tanger Med (+ 79,4 % entre 2019 et 2023) qui a permis au Maroc de s’inscrire sur la scène internationale de la ligne régulière – quatre terminaux au bord de la saturation, un trafic en avance de quatre ans sur ses objectifs (8,61 MEVP, 19e rang mondial) –, le Royaume a conçu Nador West Med. Fer de lance d'un Maroc volontaire sur sa politique portuaire avec le potentiel de faire basculer les flux de la Méditerranée occidentale du nord au sud.
Les travaux d'aménagement de ce port entièrement greenfield, prévu dans la baie de Betoya (nord-est du Maroc), à une vingtaine de kilomètres de la ville industrielle de Nador et de l'enclave espagnole de Melilla et à quelque 250 km à l’est de Tanger, devaient démarrer en 2016 pour durer pas moins de soixante mois. Mais des études environnementales et sismiques puis la pandémie puis d’autres éléments perturbateurs ont ajourné successivement son avènement.
Parmi les infrastructures, telles qu'imaginées à l'origine, figure notamment un terminal à conteneurs avec un linéaire de quai de 1 520 m au tirant d'eau de 18 m sur un terre-plein de 70 ha avec la possibilité d’ajouter une deuxième installation de 1 200 m. Objectifs initiaux : 25 Mt d'hydrocarbures, 7 Mt de charbon (sic), 3,4 MEVP avec une capacité additionnelle de 1,3 millions d’unités supplémentaires.
Un coût de près d'1 Md€
Le coût de ce projet était estimé, quand il a été pensé, à 10 milliards de dirhams (918,5 M€), financé par l’État marocain, TMSA (Agence spéciale Tanger Med), des bailleurs internationaux dont la Berd qui avait accordé un prêt de 200 M€, la Banque africaine de développement qui s'était engagé à hauteur de 112,8 M€ et le Fonds arabe pour le développement économique et social (177,4 M€).
Le 25 juin dernier, le conseil d'administration de l'opérateur portuaire marocain Marsa Maroc a validé l’opération consistant à prendre en concession pendant 25 ans le premier terminal à conteneurs. Une fois achevé, le nouveau port accueillera deux terminaux à conteneurs, provisoirement appelés East Container Terminal (ECT ou TC1) et West Container Terminal (WCT ou TC2).
Puissant acteur national à la présence significative dans les terminaux de l’ensemble des ports de commerce du pays, Marsa Maroc va exploiter l’ECT, qui avance dans la construction des murs de quai. Selon son calendrier, une première partie devrait entrer en service en 2027.
280 M$ d'investissement
L'entreprise, présente dans 13 terminaux au Maroc dont 3 à conteneurs (1,1 MEVP traités en 2023), était jusqu’à présent plutôt associé à Hapag-Lloyd, notamment dans le terminal à conteneurs 3 (TC3) à Tanger Med 2, mis en service en 2021 (1,5 MEVP en 2023). L'infrastructure est exploitée par la société Tanger Alliance dont Marsa détient 50 % du capital aux côtés de Contship Italia/Eurogate et de Hapag Lloyd.
Mais pour le terminal de Nador, c’est donc avec CMA CGM qu’il va créer une joint-venture (49/51%) pour une portion de 750 m de quai et 35 ha. « Nous procèderons à des investissements à hauteur de 280 M$, avec comme objectif d’atteindre un volume annuel de 1,2 MEVP », indique le communiqué. Parmi les investissements programmés, 8 portiques pour porter le parc à 14 et 24 RTG électriques (15 actuellement).
Le groupe français, actionnaire, à travers sa filiale Terminal Link, d’un terminal de Casablanca (via Somaport, à 100%), et à 40 % du terminal Eurogate Tanger, voit plus loin, intéressé par les développements autour de la production d’hydrogène vert au Maroc. Nador ambitionne de devenir un hub de soutage maritime pour les e-carburants en Méditerranée (e-méthane et e-méthanol), sur lesquels lorgne CMA CGM.
En marge d'une visite d'État
Rodolphe Saadé confirme son statut de grand patron. il faisait partie de l'aréopage accompagnant le président Macron dans sa visite d’État au Maroc où il a été reçu avec les ors (garde royale et coups de canons) par le roi Mohammed VI après trois ans de différends.
Une vingtaine de contrats, totalisant jusqu'à 10 Md€, selon l’Élysée, ont été signés dès le premier jour, notamment dans le transport ferroviaire (Egis, Alstom) l'hydrogène vert (TotalEnergies), les énergies renouvelables et l'ammoniac vert (Engie), les déchets (Suez), ou encore l’aéronautique (Safran)…
TotalEnergies a signé un « contrat préliminaire de réservation du foncier » dans le sud du pays pour lequel il est associé au leader autrichien de l'électricité Eren, à l'armateur danois A.P. Møller et la société d'investissement Copenhagen Infrastructure Partners. Situé près de la côte atlantique dans la région de Guelmim-Oued Noun, le projet Chbika vise à construire 1 GW de capacités solaires et éoliennes terrestres qui alimenteront la production d'hydrogène vert par électrolyse d'eau de mer dessalée et sa transformation en 200 000 t par an d'ammoniac vert à destination du marché européen.
Hydrogène de France (HDF) espère, pour sa part, être sélectionné dans le cadre d'un appel d'offres lancé par le Maroc, dont les lauréats seront annoncés prochainement. Son projet ambitionne de déployer 2GW d'éolien terrestre à Darla, dans le Sahara occidental, et permettrait avec l'hydrogène de fabriquer des e-fuels. Un investissement d'1 Md€ en première phase.
Adeline Descamps
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