Bordeaux : le Verdon voué à être un terminal d'opportunité ?

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Après deux décennies marquées par des échecs successifs, la situation du site portuaire du Verdon s’est éclaircie début janvier en réceptionnant un trafic de 2 800 voitures. Un regain d’activité ponctuel mais qui redonne confiance alors que l’infrastructure pour laquelle ont déjà été imaginés plusieurs usages fonctionne toujours en régime réduit. 

Dans les premiers jours de janvier, le transporteur de véhicules Neptune Horizon touchait le Verdon, l’un des cinq terminaux du port de Bordeaux, situé à l’embouchure de l’estuaire de la Gironde. Dans ses cales : 2 800 voitures neuves de la marque Renault, le constructeur en quête de stockage suite à une forte production et à des difficultés d’écoulement. Déchargés via la rampe ror-ro, stockés dans l’immense hangar du Verdon, ces véhicules seront réacheminés principalement par navires vers d’autres sites. 

Cette escale s’avère à plus d’un titre exceptionnel. Le Grand port maritime de Bordeaux (GPMB) n’avait plus accueilli de trafic roulier depuis l’arrêt de l’activité de Delmas en Afrique de l’Ouest il y a une vingtaine d’année. Par ailleurs, aucune escale commerciale n’avait animé les quais de la pointe du Médoc depuis 10 ans. En 2013, l’armateur MSC a en effet jeté l’éponge, contraint de rapatrier ses conteneurs sur Bassens face aux pannes récurrentes des portiques du Verdon. Dès lors, la seule activité maritime qui perdure est le toucher chaque année d’une dizaine de paquebots. 

Trop peu de volumes, un surcoût de manutention trop élevé avec quatre heures de route aller-retour pour faire venir des dockers de Bassens, l’absence d’outillages… Les raisons ne manquent pas pour expliquer l’inertie de ce terminal qui, bien qu’épargnant la descente et la remontée par navire de la Gironde, est marqué depuis deux décennies par divers échecs. 

Echec du terminal méthanier et d’un hub conteneur

Très actif à partir au milieu des années 60 comme avant-port pétrolier, relié par pipe à Ambés, le terminal du Verdon se heurte à ses premières difficultés dans les années 80 avec la fermeture des raffineries locales. En 2009, le projet d’envergure de création d’un terminal méthanier par 4Gas est retoqué par la préfecture, faute de garanties financières suffisantes. En 2012, le projet d’une usine de pales d’éoliennes bat de l’aile. Le GPMB ambitionne alors de créer un terminal à conteneurs qui lui aussi échouera.

Le surcoût du pré- ou post-acheminement depuis la Métropole, l’incapacité d’offrir des garanties aux dockers, l’imbroglio des responsabilités sur fond de réforme portuaire… donnent du fil à retordre aux intentions. « Le port de Bordeaux avait lancé ce projet, comme un conte de fée, mais sans financements. Les investissements privés, seuls, n’étaient pas suffisants. Or, la clé, c’est le coût de l’escale. Il faut que les projets aient un sens économique », relate Julien Bas directeur d’exploitation du Port de Bordeaux de 2005 à 2010, actuellement directeur Bioline du groupe In Vivo.

Les portiques, témoignages de l’échec

Symboles visibles de cette faillite, les deux portiques d’occasion implantés en 2015 pour traiter le conteneur font toujours le pied de grue au Verdon, ouverts aux quatre vents et délabrés. Fruit d’un investissement privé de 10 M€ de SMPA, toujours en contentieux avec le GPMB, cet outillage ne servira jamais. « Ils ne sont pas en effet réparables et nous prévoyons de les démanteler d’ici fin mars afin de libérer le front d’accostage pour l’accueil des croisières et d’autres trafics », annonce ainsi Jean-Frédéric Laurent, président du directoire du port. S’il n’est pas prévu d’équiper le terminal en portiques, « il est envisagé d’amener ponctuellement des grues pour du trafic par exemple de matériaux de construction ou pour du conteneur », ajoute le dirigeant.

L’installation d’une ferme aquacole, doublée d’une unité de transformation, par Pure Salmon France (275 M€ investis, 25 emplois créés), devrait de fait générer un trafic maritime au Verdon dans les deux ans mais seulement pour des matériaux nécessaires à la construction du site. De même le projet de ferme photovoltaïque, dont le nom de l’opérateur sera bientôt dévoilé, va dynamiser la zone mais sans grande conséquence sur le trafic portuaire.

Les liaisons mer-mer en ligne de mire

L’escale en revanche du roulier, ce début janvier, ouvre des perspectives, pour la réception d’engins roulants, « qu’ils soient de chantier, pour l’agriculture, l’aéronautique ou des voitures comme pour le Neptune », énumère Maud Guillerme, secrétaire générale de l’Union Maritime et Portuaire de Bordeaux. Le toucher spot du Neptune permet dans un premier temps de remettre sur rail un site oublié, redevenu fonctionnel rapidement par le dragage de la souille, un coup de balayage, une formation des dockers de Sea Invest avec des taux de productivité similaires aux ports dont la spécialité est le roulier, vante le GPMB. 

Cette opération one shot « peut ouvrir de nouvelles opportunités. Il n’y a pas beaucoup de sites disponibles sur la façade ouest avec de telles zones de stockage, un tirant d’eau de 12 à 13 m, une liaison ferroviaire et une zone franche. Ce terminal est idéal pour les liaisons mer-mer », ajoute Maud Guillerme, approuvé par Julien Bas. « C’est d’autant plus intéressant que ce type de hub de transfert est déconnecté du marché local, la Nouvelle-Aquitaine étant peu industrielle. Il peut permettre, parce que ça tourne tout le temps, de créer des équipes de manutention dédiées, ce qui a toujours été un problème au Verdon ». 

Des quais renforcés pour de l’éolien offshore flottant

Disposant en effet de 10 ha sur le terminal et 20 ha disponibles à l’arrière des quais, de « sites industriels clé en main » depuis 2021, le Verdon prévoit de candidater aux appels d’offres sur de l’éolien offshore flottant avec Bayonne et La Rochelle. « Ce chantier, d’ici à la fin de la décennie, peut générer du transfert de pièces volumineuses et lourdes, nécessitant de l’espace pour stocker et des quais résistants. Nous prévoyons ainsi entre 10 et 20 M€ – c’est en phase d’études –, pour renforcer les quais afin de répondre aux exigences de la filière​ », pose Jean-Frédéric Laurent, qui vise en fait la « polyvalence pour développer ce terminal ». Un enseignement tiré des expériences passées sans doute. 

Marianne Peyri

 

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