Des enquêteurs du FBI ont abordé, le lundi 15 avril aux premières heures du jour, le Dali, le porte-conteneurs responsable de l'effondrement d'une grande section de la travée principale du pont à quatre voies Francis Scott Key qui a entraîné dans sa chute huit des ouvriers employés à des travaux de maintenance.
Dans une déclaration officielle parvenue aux rédactions, pour répondre à la sollicitation des médias, les services du FBI ont juste convenu que leur présence à bord s'inscrivait dans le cadre « d'opérations de police judiciaire », mais n'ont pas confirmé l'ouverture d'une enquête, criminelle sur les circonstances de l'accident que le Washington Post a pourtant révélé.
Selon le quotidien, citant deux fonctionnaires sous couvert d'anonymat, l'enquête devra déterminer si l'équipage avait largué les amarres alors que le navire présentait de graves problèmes mécaniques.
Superposition des enquêtes...
Le Dali venait juste de quitter le port Baltimore et se trouvait dans le chenal de navigation du fleuve Patapsco quand l'équipage a donné l'alerte sur une perte de puissance consécutive à une défaillance de l'ensemble ses moteurs. L'équipage a affirmé avoir jeté l'ancre après le deuxième arrêt.
Des experts du National Transportation Safety Board (NTSB) doivent précisément renseigner l'état des systèmes d'alimentation électrique du navire, y compris remonter jusqu'à la conformité du carburant qui aurait été souté à New York.
Les garde-côtes américains ont également lancé une commission d'enquête sur les causes de l'incident.
... et des procédures juridiques
Parallèlement, plusieurs procédures juridiques ont été lancées. La ville de Baltimore a annoncé avoir engagé deux cabinets d'avocats externes en vue d'intenter une action en justice pour les « dommages immédiats et à long terme » causés à ses administrés et aux intérêts de la ville.
La municipalité tiendra pour responsables, a-t-elle précisé, toutes entités impliquées dans les préjudices subis, y compris, selon ses déclarations, le propriétaire, l'affréteur, le gestionnaire/exploitant, le fabricant du navire et autres parties tierces.
Les avocats représentant des employés de la route ont également ouvert le dossier devant les tribunaux. On ignore à ce stade si, parmi eux, se trouvent les deux rescapés sur les huit personnes chargées ce jour-là de l'entretien du pont.
Le dimanche 14 avril, le corps d'un quatrième ouvrier a été retrouvé. Deux autres personnes sont toujours portées disparues.
Limitation de responsabilité et avarie commune
Pour rappel, Grace Ocean et Synergy Marine, le propriétaire et gestionnaire du navire, basées à Singapour, avaient déposé le 1er avril une requête conjointe auprès du tribunal fédéral du district du Maryland afin de limiter leur responsabilité à environ 43,7 M$ (la valeur du navire et de la cargaison affranchie du coût des réparations et du sauvetage), soit 1 à 2 % du coût gigantesque estimé de la catastrophe (2 à 4 Md$). Comme la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes le leur permet. Aux États-Unis, son équivalent est la loi de 1851 sur la limitation de la responsabilité (Limitation of Liability Act, LOLA). Elle permet au propriétaire du navire de limiter le montant total de sa responsabilité à la valeur du navire après l'accident (+ la valeur du fret en attente).
Les requérants indiquent ainsi qu'ils ne peuvent pas être tenus responsables pour « la faute », « la négligence » ou « manque de diligence ».
Comme présumé au vu des difficultés des opérations, plus difficiles que prévu, et des coûts en conséquence plus élevés, l'avarie commune a été déclarée par le propriétaire du navire. La mesure implique un partage des coûts entre le propriétaire du navire et les chargeurs, dont le montant finalement payé ne sera connu que longtemps après la livraison de la cargaison...
La décision a été annoncée par Maersk, qui affrète le navire dans le cadre d'un contrat à temps, et par MSC, son partenaire d'alliance, le Dali étant déployé sur un service opéré par 2M.
Opérations de déblaiement ardues
Toutes ces procédures n'augurent pas une « délivrance » rapide du navire et du fret. Selon le centre de commandement des opérations de déblaiement, le déchargement des conteneurs est en cours de façon à alléger le navire pour ensuite le déplacer plus facilement. Près d'une quarantaine des 4 679 conteneurs à bord avaient été déchargés le 13 avril et amenés vers le terminal Seagirt.
Dès le début des opérations, les équipes chargés des opérations de déblaiement – le Corps des ingénieurs de l'armée américaine et les garde-côtes –, sous la supervision du ministère de l'Environnement, de l'autorité des transports et de la police de l'État du Maryland, ont fait part de difficultés à extirper de l'eau les structures du pont effondré de plusieurs centaines de tonnes.
Une zone d'intervention très dangereuse
Des blocs d'acier et de béton et autres barres d'armature sont enchevêtrés, quand ils ne sont pas envasés dans une eau où la visibilité est très limitée et l'environnement instable pour les plongeurs. Leur découpe sous l'eau pour les rendre plus maniables est de fait très compliquée.
Pour ce faire, plusieurs grues de grande capacité de levage ont été dépêchées sur les lieux, dont la fameuse Chesapeake 1000.
Tous les débris de l'épave du pont sont destinés à être chargés sur barges et acheminés sur un site aménagé au sein du terminal polyvalent Tradepoint Atlantic, choisi en raison de sa surface disponible (le site s'étend sur 1 200 ha) et de son emplacement, à l'est du pont, dont l'accès n'est pas bloqué. Une fois sur le site, les blocs de ferraille seront encore découpés en petit blocs puis convoyés vers un centre de traitement et de recyclage.
Les autorités estiment qu'une réouverture complète à la navigation est envisageable d'ici la fin du mois de mai tandis qu'un deuxième couloir sera ouvert d'ici fin avril mais encore réservé à des navires dits essentiels.
Adeline Descamps
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