Au Portugal, la précarité est une menace permanente

 

Le pays, mis sous assistance financières de ses bailleurs de fonds internationaux pendant quelques années, paie toujours les conséquences de son programme d’austérité. La question des emplois précaires revient chroniquement sur la table.

Le pays garde en mémoire les âpres conflits entre les dockers portugais et les entreprises portuaires au plus fort de la crise économique (2010-2014) qui a touché durement le Portugal en réplique à la crise financière qui a touché le secteur des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis (surprimes). La chute des volumes à l’export avait mis un coup d’arrêt très net à l’activité portuaire. Mis sous tutelle financière de l'Europe et du Fonds monétaire international (FMI) à la mi-2011 (et dont il sortira en 2014), le gouvernement négocie une loi dont le principal objectif est réduire le déficit budgétaire. Une programme d’austérité et de réformes qui lui sera reprochée pour avoir été dictée par ses bailleurs de fonds internationaux.

Afin de réduire les coûts du travail, en introduisant la flexibilité du travail, la loi datant de début 2013 réintroduit la précarité que les dockers n’avaient plus connue depuis les années 1980. C’est au moment des protestations contre la politique de rigueur menée par un gouvernement sous assistance financière qui met les syndicats dans la rue que le Seal, Syndicat des dockers considéré comme le plus influent et le plus revendicatif du secteur, acquiert une dimension nationale. Jusqu’à présent, il était surtout bien implanté chez les dockers de Lisbonne et Setubal (port à 30 km au sud de Lisbonne). L’accélération de la concentration des entreprises portuaires y a aussi contribué. « Nos actions ont permis de réduire la précarité autorisée par la loi de 2013, notamment à Lisbonne, où il n’y a plus qu’une trentaine d’emplois, employés à la journée, sur les 300 dockers. Mais les inégalités introduites par cette loi n’ont pas toutes disparu » soutient Antonio Mariano, dirigeant du Seal.

De nouvelles menaces

En 2016, une convention collective portant sur le travail portuaire a permis, entre autres, un rattrapage des salaires. Le salaire moyen s’établit alors à 1400 € bruts. Mais elle n’empêchera pas un nouveau conflit dur à Setubal, qui paralysera l’usine Volkswagen Autoeuropa, dont Setubal est la seule voie de ses exports. Le gouvernement envisage un temps la réquisition civile. Finalement un accord est signé portant sur l’embauche d’une soixantaine de salariés dits précaires, qui bénéficient de l’augmentation de salaire prévue par la convention collective du travail.

Le SEAL a déposé un nouveau préavis de grève à partir du 19 février à Lisbonne. Le mouvement concerne quatre entreprises (trois filiales du groupe turc Ylport et la TMB, qui opère au terminal du Beato). « L’A-ETPL, le groupement des entreprises du travail portuaire de Lisbonne, se dit en difficulté et veut réduire les salaires de 15 %. Mais les sociétés portuaires qui ont recours à la main d’œuvre de ce groupement patronal n’ont pas réévalué leur participation financière au système depuis 1994. Nous exigeons un rattrapage. L’A-ETPL menace de sa dissolution » explique Antonio Marciano. À Setubal la principale entreprise portuaire Ylport est accusée de ne pas respecter la CTT sur la priorité à l’embauche des dockers précaires.

Marie-Line Darcy

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