C’est parti pour des alternatives plus écologiques aux carburants maritimes traditionnels à Anvers. Le second port européen va rétrofiter trois de ses propres navires pour qu'ils puissent naviguer au méthanol. Mais cette énergie ne serait qu'une des solutions envisagées par l’un des leaders portuaires du range nord dans le cadre de son verdissement.
Si l’ère des combustibles fossiles touche à sa fin, quelle sera la suite ? À l’aube d’un nouveau régime énergétique fondé sur des énergies en complète rupture avec les combustibles fossiles, le méthanol, au même titre que l’ammoniac et l’hydrogène, tient actuellement la corde dans le transport maritime en tant que substitut au bon vieux HFO, le fuel lourd. Le concept du carburant unique a fait long feu. Le GNL, qui a été un temps plébiscité, est désormais rangé au rayon des carburants dits de transition. Il est pourtant le plus avancé en termes d’industrialisation. Tous les autres ont quelques verrous technologiques à faire sauter.
Anvers semble avoir choisi sa voie verte et mise sur le méthanol. C’est du moins ce que suggèrent ses démarches. L’autorité portuaire cherche en effet à obtenir les autorisations réglementaires pour opérer un premier navire au méthanol pour ses opérations portuaires d'ici 2021. Ce projet a obtenu des financements européens dans le cadre du projet Fastwater.
Multi-voies
Mais le méthanol ne serait qu'une des solutions envisagées parmi d’autres. « Nous avons également commandé la construction de deux patrouilleurs hybrides et d'un hydrotug, le premier remorqueur au monde alimenté à l'hydrogène. En outre, notre flotte de remorqueurs sera remplacée par des navires à propulsion plus efficiente sur le plan énergétique », a déclaré un porte-parole de l'autorité portuaire le 22 septembre au média Riviera Maritime. « Nous investissons dans l'hybride, l'hydrogène et le méthanol au fur et à mesure que les développements de ces carburants deviennent possibles. Nous tirons les leçons de l'avitaillement en GNL. »
Des contraintes, des défis
À grande échelle, le grand défi pour le méthanol sera de dépasser ses contraintes. Il y a deux façons de produire du méthanol, à partir du méthane ou par combinaison entre hydrogène et gaz carbonique. Or le méthane, gaz naturel ou biogaz qui se dégage dans tous les processus de dégradation de la matière organique en anaérobie (marais, rizières, élevages, termites, etc.) participe pour un quart à l’effet de serre. Mais sa durée de vie dans l’atmosphère n’est que de douze ans, alors que le CO2 dure en moyenne plus de cinquante ans. Cependant, une molécule de méthane absorbe 23 fois plus de rayonnement qu’une molécule de dioxyde de carbone. Le méthane est donc entre énergie fossile et renouvelable.
Liquide à température ambiante, le méthanol est toutefois bien plus facile à stocker que l’hydrogène et son utilisation massive ne nécessiterait pas d’investissements lourds en infrastructures. Il peut également être utilisé seul dans des piles à combustible. La pureté du méthanol permet de ne produire ni oxydes d’azote, ni oxydes de soufre, pas plus que de gaz organiques réactifs, ces polluants prohibés. La quantité de CO2 produite serait ainsi divisée par deux en comparaison de ce que l’on obtient classiquement dans les moteurs à combustion.
Allié vertueux de l’hydrogène
Le méthanol peut aussi servir à transformer l’hydrogène en carburant plus maniable. Les vertus de cet élément le plus léger et le plus répandu dans l’univers sont connues : inépuisable. Or, il a bien d’autres travers : il n’existe pas à l’état pur et il doit donc être produit. Et en tant que co-produit ou sous-produit des énergies fossiles à 95 %, sa contribution est massive aux émissions de CO2 (800 Mt selon la Chaire économie du climat de Paris Sorbonne, c’est à dire 2,5 fois les émissions de la France). Sa légèreté le rend en outre difficile à transporter. Il serait donc plus avantageux de transformer en méthanol liquide l’hydrogène produit par de l’électricité renouvelable (solaire, éolien) en le combinant avec du CO2. Avec ce procédé de recyclage du CO2, le méthanol deviendrait une énergie renouvelable sans impact significatif sur l’effet de serre, soutiennent les scientifiques.
Adeline Descamps