L’élargissement géographique des marchés d’approvisionnement et de consommation a entraîné une considérable augmentation des volumes de marchandises transportés par voie maritime, qui assure aujourd’hui 90 % des flux commerciaux mondiaux. Les ports sont de facto devenus des pièces majeures dans les processus de production et de distribution des entreprises, ainsi que dans les organisations mises en place par les prestataires logistiques et de transport.
Mais s’ils se doivent d’être au service de leurs clients pour l’optimisation de la gestion de leurs flux, les ports le sont aussi à celui de l’aménagement des territoires dont ils font partie. À la demande des collectivités publiques qui en ont la charge, ils sont mobilisés en soutien à telle ou telle filière économique dont la survie ou le développement est jugé prioritaire.
Ce contexte n’est pas sans incidence alors qu’ils font face à une concurrence exacerbée, à un surcroît de réglementations, toujours plus contraignantes en matière de sûreté/sécurité et de protection de l’environnement, et à des demandes d’investissement en infrastructures maritimes et terrestres pour accommoder de nouveaux trafics ou de nouvelles activités industrielles et logistiques.
Les ports locaux et régionaux doivent affronter ces défis alors qu’il peut leur être difficile de s’adapter à la reconfiguration des circuits et modalités d’approvisionnement et de distribution de leurs clients historiques; qu’ils disposent de possibilités de réaménagement moindres, étant imbriqués dans l’agglomération urbaine qui les environne; qu’ils ont un portefeuille d’activités large (commerce, pêche, plaisance, passager, réparation navale, croisière), chaque filière ayant des contraintes propres. Enfin cette complexité de gestion a été récemment accrue avec leur mobilisation en tant qu’outils des politiques territoriales de réindustrialisation.
D’après nos recherches, qui portent sur une vingtaine de ports français, trois types d’impact peuvent influencer les choix d’investissement d’un port: les stratégies des autorités publiques, les besoins des acteurs des réseaux de transport et les attentes des acteurs des réseaux logistiques.
Le premier est manifeste dans la protection de l’environnement et de la sûreté/sécurité et dans le soutien apporté à certains secteurs d’activité économique. Les trois quarts des ports sondés dans le cadre de notre étude citent la gestion des déchets. Pour réduire les émissions de CO2, huit ports revendiquent un soutien spécifique pour le développement du transport rail-route. Un seul port porte explicitement une ambition de « green port ». Si les ports locaux et régionaux ont dans leur grande majorité une vocation multisectorielle, les collectivités publiques peuvent y soutenir spécifiquement certaines activités: dans le cas des vingt ports et groupes de ports étudiés, quatre secteurs bénéficient d’une aide explicite: la pêche (6 fois mentionnée), le ro-pax et les énergies marines renouvelables (4 mentions chacun) et la construction/réparation navale (3 mentions). À noter aussi que deux ports font état d’une orientation « smart port ».
Les exigences des clients du port les influencent également. Les acteurs du transport maritime, terrestre et/ou hybride, souvent amenés à intégrer un ou plusieurs nœuds portuaires, prennent en compte trois caractéristiques pour faire leur choix, selon les ports considérés dans l’étude: la qualité des prestations opérationnelles, la politique en matière de protection de l’environnement et en matière de sûreté/sécurité.
Ainsi la moitié (10) des ports étudiés investissent ou ont investi dans l’amélioration de leurs infrastructures nautiques: aménagement de quais (8) et de bassins (2), construction et équipement de terminaux (3), approfondissement de chenaux (2). Ils sont en outre huit à faire valoir leur facilité d’accès nautique (6) ou terrestre (2).
En matière de sûreté/sécurité, si un port indique assurer une surveillance en temps réel de son site et deux autres avoir mis en œuvre une politique dédiée, les initiatives dont les ports font état sont dans leur quasi-totalité relatives aux certifications: ISPS pour la sécurisation des sites portuaires (6), ISO 45001 pour la sécurité au travail (3), ISO 22001 pour la sécurité alimentaire (1), OEA pour la sécurisation des transactions (1). Un port cumule cinq certifications ISO (dont ISO 50001 pour la gestion de l’énergie), un autre en a trois et trois en ont deux.
En outre, neuf ports se présentent comme point d’entrée certifié pour les produits alimentaires (3), destinés à l’agriculture (5) et/ou pour le bétail (1).
Enfin, les ports sont aussi soumis aux attentes des acteurs des réseaux logistiques, à savoir de leur hinterland de proximité. Dans l’échantillon étudié, neuf ports font valoir des liens étroits avec leur arrière-pays, plus spécialement avec le secteur agricole (6 sur 9). Ils sont souvent attendus sur l’offre foncière, immobilière et de service à la marchandise. Quasiment la moitié des ports (9) mettent en avant leur foncier, mise à disposition de terrains (5) et/ou de bâtiments à usage industriel, commercial ou logistique (7). Mais d’autres ports ciblent aussi des activités spécifiques: pêche (6), ro-pax (4), énergies marines renouvelables (4), construction/réparation navale (3). En outre, la moitié des ports (10) citent une offre de stockage, dont trois sous température contrôlée et deux sous douane.
Tout en restant présents dans des filières traditionnelles telle que la pêche et en gardant des liens étroits avec leur hinterland de proximité, les ports étudiés font les efforts requis en matière de protection de l’environnement et/ou de sécurisation de leurs processus et sont plusieurs à accueillir de nouvelles activités, en particulier dans le secteur des énergies marines renouvelables. Au-delà, les stratégies de relocalisation industrielle générées par l’évolution des contextes économiques, sociaux et géopolitiques peuvent donner à ces ports de nouvelles opportunités de développement, sous réserve d’une intégration à ces chaînes logistiques reconfigurées.
*Boulogne-Calais, Dieppe, Le Tréport, Fécamp, Caen-Ouistreham, Cherbourg, Granville, Saint-Malo, Ports de Côtes d’Armor, Brest, Ports de Pêche de Cornouaille,, Lorient, Ports vendéens, Rochefort – Tonnay-Charente, Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, Port-Vendres, Port-la-Nouvelle, Sète, Toulon.