Organiser une offre de service de pré- et post-acheminement des remorques dans les ports rouliers n’a rien d’incongru. Aux États-Unis depuis longtemps, les remorques de 53 pieds parcourent sur rail de longues distances entre les grandes régions du pays. En Europe, l’initiative revient aux volontés suisse puis autrichienne de limiter la circulation des camions dans les vallées des Alpes qui ont fait émerger le ferroutage du franchissement avec généralement des ensembles complets avec chauffeurs.
Les grandes distances ont ensuite été initiées par la traversée du vaste espace français avec, en touché aux extrémités, le site luxembourgeois de Bettembourg et la porte d’entrée de l’Espagne au Boulou, en Catalogne. CLF, l’entreprise publique du Grand-Duché, sera à l’initiative du carrefour ouest-européen des autoroutes ferroviaires tout en développant des services vers toute l’Europe.
Pour opérer la complémentarité entre le mode maritime roulier et les autoroutes ferroviaires, il faut un port. Trieste a investi le rôle en accueillant la première ligne de cette complémentarité roulière avec les acteurs turcs de la logistique Ekol et Mars, en demande d’une offre ferroviaire pour faire remonter les remorques vers l’Allemagne. Les services maritimes entre la Turquie et l’Italie permettent des transit-time optimisés, le rail économise tracteurs et chauffeurs.
Le géant danois DFDS a pu éprouver les solutions ferroviaires pour le roulier avec l’acquisition d’U.N. Ro-Ro et des activités maritimes d’Ekol. En mai 2022, la reprise de l’opérateur allemand PrimRail lui a permis d’étendre ses services ferroviaires vers Wels, Bettembourg, Cologne, Calais et Paris.
Ce qui est valable pour Trieste l’est devenu pour Sète, où Ekol avait instauré un service ferroviaire. Aujourd’hui, Viia, la filiale de la SNCF, organise deux lignes pour DFDS au départ de Sète, l’un vers Valenton, en région parisienne, et l’autre vers Calais. Le port nordiste a lui-même deux autres lignes vers Le Boulou et Mâcon avec des remorques non accompagnées venues du Royaume-Uni. Viia opère ainsi les deux terminaux, à Calais et Sète. Le port occitan, qui ambitionne 40 000 unités par an, bénéficie aussi d’une ligne avec Poznan en Pologne de CFL Cargo pour les besoins logistiques d’Ikea et Inditex. L’opérateur luxembourgeois est également présent dans les ports de Kiel, Rostock et Trieste.
L’Allemand CargoBeamer est lui aussi à l’œuvre à Calais et à Rostock. À l’automne 2022, un test a été opéré entre Calais et Marseille. Gand est le nouvel entrant avec, d’un côté, la ligne maritime DFDS de Göteborg et, de l’autre, la ligne ferroviaire de Lineas (Belgique) vers Lyon. Le prochain développement sera à Cherbourg où Brittany Ferries doit devenir en 2024 un acteur direct en reliant la plateforme ferroviaire de Bayonne Mouguerre, avec un objectif de 20 000 unités par an. La ligne bénéficie du plan France Relance de 2020, comme celles de Sète-Calais et Rungis–Perpignan.
Les autoroutes ferroviaires sont, pour les transporteurs routiers, des solutions qui vont se développer en parallèle des caisses mobiles pour les grandes distances européennes. Elles peuvent s’organiser dans les ports rouliers européens qui agissent comme des portes majeures d’échanges avec leurs périphéries maritimes: Barcelone, Trieste, Sète, Calais, Cherbourg, Rostock, Travemünde, Kiel. Mais la consolidation des flux ne sera possible que dans certains d’entre eux. Ainsi, la capacité de Marseille reste à évaluer (le potentiel des trafics corses et tunisiens questionne) pour justifier une autoroute ferroviaire.
Les autoroutes ferroviaires ont une vraie raison d’être. Ils répondent à des problématiques d’ordre économique (un mode plus efficient sur les longues distances continentales), environnemental (la décarbonation du transport routier conduira à la mobilité ferroviaire longue distance des remorques) et social (pénurie de chauffeurs). L’Union internationale des transports routiers estime en effet à 2 millions le manque de professionnels d’ici 2026 en Europe.