Magistrale mise en scène. Pour son premier déplacement au Havre en tant que ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, alors fraîchement nommé, a atterri sur les nouveaux postes à quai n° 11 et 12 de Port 2000, en partie financés par Haropa Port, l’État et la Région Normandie, et où l’opérateur portuaire Til, filiale portuaire de MSC
Le « groupe étranger le plus francophile » en avait pris l’engagement début 2022 à l’occasion de l’acquisition de Terminaux de Normandie. MSC, via sa filiale portuaire Til (70 terminaux de conteneurs dans 27 pays), a racheté à Perrigault, société détenue par la famille havraise Bekaert-Sax, ses deux terminaux: Terminal de Normandie (TNMSC, 1,46 MEVP, postes 3, 4, 5 et 6) et Terminal Porte Océane (TPO, 550 000 EVP, postes 7 et 8). Plus précisément les parts qu’il ne détenait pas encore.
MSC-Til est associé à Terminaux de Normandie depuis 2000, année qui a donné naissance à la société TNMSC, selon un accord de partenariat signé entre Gianluigi Aponte et Jean Bekaert. MSC en a fait son hub au Havre, dans un premier temps établi au Terminal de Bougainville avant son transfert en 2012 sur Port 2000. Til reprendra ensuite, dans les années 2010, les 50 % de parts que détenait APM Terminals (groupe Maersk) dans le TPO aux côtés de Perrigault, devenu l’unique propriétaire en 2006 lors du désengagement de Maersk. Le terminal sera installé sur Port 2000 en 2007.
Deux maîtres à bord au Havre
Désormais, MSC-Til est le seul maître à bord des deux infrastructures actuellement dimensionnées pour recevoir des 20 000 EVP. Il contrôle ainsi deux des trois terminaux de Port 2000, dont la capacité est actuellement de 2,8 MEVP et qui, avec les investissements annoncés, doit être portée à 4,5 MEVP. Le troisième (Terminal de France, TDF) est exploité par Générale de Manutention Portuaire (GMP), dont est actionnaire à 50,2 % Terminal Link (CMA CGM + China Merchants) et Icon Infrastructure, un fonds d’investissement basé à Londres, qui a racheté les parts de DP World.
Les deux grands de la ligne régulière se retrouvent avec six postes d’amarrage chacun, sachant que les deux derniers postes à quai de Port 2000, qui vont allonger de 700 m le linéaire de quai et apporter une capacité additionnelle de 1 MEVP, ont été attribués à GMP. TNMSC-TPO se retrouve de ce fait pris en tenaille entre les postes d’amarrage GMP (deux à l’ouest et quatre à l’est). Si bien qu’une « réorganisation intelligente », selon l’expression de Louis Jonquière, le patron de GMP, devrait redistribuer les participations. Les négociations sont en cours.
Montée en puissance havraise
Dans son investissement de 700 M€ d’ici à 2028, Til, dont les volumes sont sécurisés par son principal actionnaire, prévoit des travaux de façon à, entre autres, traiter des porte-conteneurs de 24 000 EVP, qui ne peuvent l’être à ce jour que chez son voisin. Le manutentionnaire installe actuellement des portiques, qui porteront leur nombre à 20 et devrait également tripler la capacité de stockage. Ils seront équipés pour se brancher à l’électricité à quai d’ici 2028.
La montée en capacité du complexe de terminaux TNMSC-TPO devrait renforcer le rôle du Havre en tant que porte d’entrée alternative de MSC en Europe du Nord. L’opérateur de la ligne régulière est actuellement limité par les seules capacités d’Anvers, où Til exploite le plus grand terminal à conteneurs, le MPET, en joint-venture avec PSA.
« Afin de réaliser tout le potentiel du Havre en tant que porte d’entrée pour l’Europe, nous comptons sur le soutien de l’État français en ce qui concerne le développement associé de l’infrastructure du transport ferroviaire intermodal capable d’améliorer encore les liens entre nos terminaux de conteneurs et les chaînes d’approvisionnement européennes », a glissé Ammar Kanaan, le directeur général de Til à l’occasion de la visite ministérielle.
Adresse clairement intéressée, MSC s’affaire à développer une offre de services multimodaux connectés aux services maritimes. Et il n’est pas sans connaître les déboires du terminal multimodal havrais, censé favoriser la massification des flux de conteneurs maritimes par le rail et la voie d’eau, et l’inextinguible dossier de la chatière, qui doit permettre aux barges fluviales d’accéder directement aux terminaux de Port 2000.
*MSC est actionnaire aux côtés de US Global Infrastructure Partners (GIP) et Singapore Government Sovereign Wealth Fund (GIC).