Il aura fallu reconsidérer l’influence de Cosco pour sortir de la crise provoquée outre-Rhin par la prise de participation de Cosco Shipping Ports, filiale du groupe chinois de transport maritime Cosco, dans le terminal à conteneurs allemand Tollerort (Container Terminal Tollerort, CTT), l’une des trois infrastructures qu’exploite le manutentionnaire allemand HHLA à Hambourg.
Contre la Commission européenne, qui avait sans surprise émis un avis négatif en avril, et en dépit de l’opposition de six ministères fédéraux (Économie, Intérieur, Défense, Finances, Transports et Affaires étrangères), le gouvernement allemand d’Olaf Scholz, ancien maire de Hambourg, a tranché en faveur de l’investissement chinois sur ses terres. Conformément, ou presque, à un accord conclu en septembre 2021, Cosco pourra donc devenir actionnaire aux côtés de HHLA non sans avoir consenti de voir sa participation rabotée à 24,9 %, au lieu de 30 % initialement négociés.
L’opérateur portuaire asiatique renforce un peu moins que prévu son ancrage en Europe du Nord, où il détient des participations à Zeebrugge, Anvers et Rotterdam, alors qu’au Sud, il est propriétaire du Pirée (Grèce) et est actionnaire à Vado Ligure (Italie), Bilbao et Valence (Espagne).
Seul armateur étranger à Hambourg
Entre la première annonce en 2021 et la fin du feuilleton, la donne a changé outre-Rhin. L’Allemagne a élu un gouvernement de coalition composé de sociaux-démocrates, de verts et de libéraux, qui a vu le ministère de l’Économie basculer dans le camp des Verts, moins ouverts à l’idée de vendre les actifs stratégiques, a fortiori pour tomber dans l’escarcelle d’un groupe contrôlé par des intérêts d’État chinois.
Par ailleurs, l’attaque de la Russie contre l’Ukraine a brutalement mis en exergue l’extrême dépendance de l’Allemagne à l’égard des investissements étrangers, notamment des gazoducs acheminant du gaz russe, ce qui a rendu le gouvernement plus regardant, d’autant qu’il s’agit du troisième port européen.
Dans ce dossier, Olaf Scholz s’est retrouvé bien seul, y compris au sein de sa coalition.
L’affaire détonne néanmoins car le transporteur maritime prend pied dans un port où aucun de ses concurrents n’est impliqué, excepté Hapag-Lloyd, qui détient 25,1 % dans le Container Terminal Altenwerder.
Tollerort est la plus petite des trois installations à conteneurs hambourgeoises, actuellement contrainte dans l’accueil des navires. HHLA, qui règne en maître à Hambourg (Eurogate n’y exploite qu’un seul terminal), compte sur Cosco pour y sécuriser ses volumes d’autant que ces deux dernières années, les problèmes de congestion ont poussé Maersk et MSC à rediriger une grande partie de leurs flux vers Bremerhaven. Mais le manutentionnaire allemand attendait aussi un apport de liquidités pour assurer les développements futurs. Avec la participation de l’armateur chinois revue à la baisse, ils devront être recalibrés.