À l’issue du troisième trimestre, les origines de la baisse de la demande de transport de conteneurs n’étaient toujours pas claires pour Rolf Habben Jansen, le directeur général de Hapag-Lloyd. « Il est un peu difficile de distinguer ce qui relève de l’effet stocks, qui sont actuellement à un niveau très élevé, et ce qui est dû à la faiblesse de la demande sous-jacente. En fin de compte, probablement un peu des deux », finit par concéder le dirigeant lors d’une conférence de presse organisée en novembre à la suite de la présentation des résultats pour les neuf mois de l’année.
Admettant que son environnement de marché « se détériore rapidement », le patron du transporteur allemand s’attend à ce que les taux continuent de baisser « pendant encore un certain temps » et plus fortement « sur les échanges est-ouest ». Il soutient cependant que « les choses vont se stabiliser. La question est de savoir combien de temps cela va prendre. »
Il a déjà eu l’occasion de le dire précédemment, mais Rolf Habben Jansen défend la thèse d’une restriction trop drastique des commandes. « Les entreprises ont réduit les commandes pour diminuer les stocks. Je crains qu’à un moment donné, tout le monde ne s’aperçoive que les stocks sont au plus bas et que l’on assiste alors à un autre épisode de réapprovisionnement ». Un excès d’optimisme? Le boom des bénéfices touche-t-il à sa fin? Pas tout à fait.
Palier dans les bénéfices?
Le numéro cinq mondial de la ligne régulière a conclu les neuf premiers mois de l’année avec un Ebitda (résultat opérationnel avant amortissements et dépréciations) de 16,6 Md$ et un bénéfice d’exploitation (Ebit) de 15,1 Md$ pour un chiffre d’affaires de 28,4 Md$, contre 17,9 Md$ au cours de la même période de 2021. Le résultat net ressort à 14,7 Md$.
Les volumes transportés se sont maintenus au même niveau que l’année précédente, à près de 9 MEVP. Mais cette apparente stabilité masque en réalité des disparités selon les régions: le marché africain est notamment en hausse, phénomène à relier à l’intégration des deux spécialistes du conteneur en Afrique, Nile Dutch et Deutsche Afrika Linien, que l’entreprise a acquis. Mais il se replie en Amérique latine en raison du « repositionnement des conteneurs sur d’autres trafics », et notamment sur le lucratif transpacifique.
Des volumes inchangés mais des recettes gonflées sont le fait de revenus moyens par EVP très favorables. Ils sont en effet passés de 1 818 à 2 938 $/EVP en glissement annuel.
Explosion des charges courantes
Les dépenses d’exploitation ont en revanche explosé, de 30 à 40 % plus élevées qu’en 2018 et 2019, pour finir à 10,8 Md$ à l’issue des neuf premiers mois de l’année. Ce sont plus de 3 Md$ de plus en un an. L’augmentation du prix moyen de consommation des soutes (+ 67 %) et des frais de manutention des conteneurs (+ 25,6 %) ont pesé sur l’Ebit.
Le prix moyen des combustibles nettement plus élevé (755 $/t, 452 $/t sur les neuf mois de 2021), a porté les dépenses du bunker à 2,3 Md$, soit plus du double qu’il y a un an (1,2 Md$). La consommation (en Mt) n’a pourtant pas évolué.
En revanche, la part des carburants à faible teneur en soufre (VLSFO et GNL) est passée de 92 à 88 % entre les mois de septembre 2021 et 2022 en raison de l’installation de scrubbers. Ce qui tendrait à suggérer que le HFO (fuel lourd, bien moins cher au cours de l’année) a été préféré à ses équivalents moins soufrés. Mauvaise nouvelle pour la planète.
« Dans l’ensemble, la bonne performance commerciale des neuf premiers mois est conforme aux prévisions ajustées le 28 juillet. Cela vaut également pour le quatrième trimestre à ce jour », indique le rapport financier.
Ainsi, pour l’exercice 2022, les prévisions sont maintenues. L’Ebitda devrait être de l’ordre de 19,5 à 21,5 Md$ et l’Ebit entre 17,5 et 19,5 Md$. L’armateur prévoit donc un Ebitda entre 3,87 et 5,8 Md$ au quatrième trimestre, correspondant à la fourchette basse de ses estimations initiales.
Adeline Descamps