De la pénurie à la surcapacité

Article réservé aux abonnés

En 2021-2022, les navires ont manqué. En 2023-2024, ils vont encombrer les mers. De sous-capacité chronique, la filière a basculé dans la surcapacité structurelle. Un nombre important de nouveaux porte-conteneurs vont prendre la mer en 2023, à un moment où la demande stagne.

Se lâcher. Verbe pronominal qui, dans son usage familier, signifie « se comporter sans retenue », indique le Petit Larousse.

Dans un contexte historique avec des taux de fret et d’affrètement à temps qui se trouvaient au zénith, les armateurs et non-exploitants de porte-conteneurs « se sont lâchés » sur les commandes, si bien que la capacité en construction approche des 30 % de la flotte en exploitation alors qu’elle était d’environ 9 % deux ans auparavant.

En termes absolus, le carnet de commandes actuel, de l’ordre 7,5 MEVP, a supplanté le record historique de 6,6 MEVP en 2008. Mais par rapport à la flotte mondiale de porte-conteneurs dont la capacité a plus que doublé depuis pour atteindre 26 MEVP, le ratio carnet de commandes/flotte n’est que de 30 %, alors qu’il était de 60 % en 2009.

Les signes manifestes d’affaiblissement de l’économie dès le milieu de l’année n’ont pas suffi à inciter les exploitants de navires à la retenue. En fin d’année 2022, au moins trois des dix premiers transporteurs avaient encore approché des constructeurs asiatiques.

Selon le spécialiste de la ligne régulière Alphaliner, souvent bien informé, Evergreen aurait consulté pour une nouvelle série de navires d’une taille comprise entre 15 000 et 17 000 EVP. Les rapports de plusieurs courtiers le confirment: il s’agirait d’au moins dix navires avec dix options. « Le transporteur taïwanais s’est jusqu’à présent montré très conservateur en matière de propulsion, optant toujours pour un carburant conventionnel équipé de scrubbers. Pour les commandes prévues, Evergreen envisagerait des navires bicarburant au GNL ou au méthanol », affirme Alphaliner.

MSC insatiable

Yang Ming, qui a la discipline budgétaire en commun avec Maersk, négociait en fin d’année pour cinq à dix navires de 15 000 EVP. La seconde compagnie de Taïwan avait déjà lancé un premier appel d’offres pour cinq navires à double carburant au GNL en septembre, mais n’était pas allée plus loin.

« Yang Ming et ZIM sont les seules compagnies du top 10 à ne pas disposer de navires de taille mégamax et Yang Ming est la seule à être en concurrence directe sur les services Asie-Europe du Nord sans ce type de tonnage », décode Alphaliner. « Des unités de plus 18 000 EVP lui permettrait ainsi de concurrencer, au niveau du coût, les grands navires de première génération sans avoir à s’engager sur l’échelle des 24 000 EVP, ce sur quoi il a été réticent jusqu’à présent. »

Alors que son carnet de commandes de près de 130 navires représente 27 % des commandes mondiales (en volume), MSC était encore en pourparlers en fin d’année avec un certain nombre de chantiers navals pour une nouvelle série de douze porte-conteneurs de 16 000 EVP au GNL. Si cette commande était confirmée, le carnet de commandes du plus grand transporteur mondial atteindrait 1,95 MEVP, représentant 43 % de sa capacité actuellement en exploitation (4,5 MEVP).

Une fois confirmées, l’ensemble des annonces porterait le carnet de commandes mondial à 8 MEVP, soit environ 34 % de la capacité actuelle de la flotte. Et ce, dans un contexte où la chute des taux de fret a surpris par sa soudaineté et sa brutalité.

Surcapacité structurelle

En deux temps trois mouvements, le marché s’est retourné. Si les compagnies maritimes ont engrangé suffisamment de liquidités « pour voir venir », selon l’expression de l’une d’entre elles, les taux de fret et d’affrètement se sont mis au diapason des battements de l’économie mondiale: marasme et récession.

Le risque de guerre, la flambée des coûts de l’énergie, l’instabilité politique et l’inflation générale ont eu raison de la consommation et donc des volumes d’échanges. En outre, la levée des confinements ici et là a clairement réorienté l’épargne encore disponible vers les services, en particulier les voyages et les loisirs au détriment des produits manufacturés.

En clair, un nombre substantiel de nouveaux porte-conteneurs vont prendre la mer en 2023, à un moment où la demande stagne. Et les exploitants ne pourront plus compter sur les bouchons monstres aux abords des ports pour absorber toute la surcapacité.

En 2021-2022, l’offre de navires a manqué. En 2023-2024, elle va encombrer les mers. De sous-capacité chronique, la filière a basculé dans la surcapacité structurelle. La grande inconnue de l’équation réside dans les nouvelles normes réglementaires en vigueur le 1er janvier 2023 (EEXI, indice de conception en matière d’efficacité énergétique, et CII, indicateur d’intensité de carbone) et dans quelle mesure elles influeront sur l’offre. Pour être conformes, les navires les plus anciens n’auront pas d’autres choix que de ralentir. Par conséquent, il faudra davantage de navires pour transporter un volume égal de marchandises.

Certains analystes pensent qu’un ralentissement contraint des navires de 10 % entraînera automatiquement une augmentation de la demande de tonnage de la même ampleur. Mais pour Clarksons et Alphaliner, « le potentiel de réduction de la vitesse pourrait être quelque peu limité car les vitesses de service ont déjà diminué considérablement au cours de la dernière décennie. Les services Asie-Europe, par exemple, qui étaient assurés en huit semaines dans les années 2000, le sont aujourd’hui en douze ou treize semaines ».

Une bonne nouvelle pour les chantiers de démantèlement, actuellement dans un « détroit » difficile à passer…

Commandes, le grand déballage

Logistique

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15