Iter: l’acheminement des colis lourds quasi achevé

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L’essentiel du contrat de transport de fret exceptionnel dans le cadre du projet international Iter a été réalisé. Le phénomènal chantier, qui vise à tester la fusion nucléaire comme source d’énergie décarbonée capable de produire de l’électricité, a nécessité l’acheminement de colis dont les volumes et les dimensions détonnent. Ces derniers mois, rien ne lui aura été épargné. Très demandés en Asie, les navires de colis lourds, bigués avec une capacité de manutention de 400 à 600 t, sont devenus rares et excessivement chères.

Le contrat du grand projet international Iter,pour ce qui concerne l’acheminement des colis lourds, approche de son terme prévu en 2024 avant que la logistique sur place ne prenne le relais.

Implanté à Saint-Paul-lez-Durance, dans le Bouches du Rhône, le programme d’expérimentation international, qui vise à construire le plus grand réacteur thermonucléaire jamais conçu, doit tester à horizon 2050 la faisabilité scientifique et technique de la fusion nucléaire en tant que nouvelle source d’énergie pour produire de l’électricité, exploitable à grande échelle et non émettrice de CO2. Autant dire un défi de recherche et technologique colossal. La machine sera nichée au cœur du tokamak, une cathédrale de béton armé haute de 60 m.

Pour les besoins du chantier, amorcé en 2010 avec la pose de ses fondations, plus d’un million d’éléments, fabriqués dans les usines des pays partenaires, doivent être acheminés vers le chantier.

Les chargements les plus volumineux et les plus lourds touchent le port de Marseille Fos. De là, ils traversent l’étang de Berre pour atteindre le port de La Pointe, où un quai a été spécialement aménagé pour les recevoir. Les chargements sont ensuite acheminés par convois exceptionnels selon un itinéraire spécifique conçu pour ses besoins.

La masse et les dimensions des plus gros convois détonnent: près de 800 t pour le plus lourd d’entre eux, 10,4 m de hauteur pour le plus haut, 33 m pour le plus long et 9 m pour le plus large.

Les livraisons conventionnelles (Conventional exceptional loads, CEL) et exceptionnelles (Highly exceptional load, HEL) – toutes des pièces uniques – rythment les mois du chantier depuis 2015.

Le clou du spectacle reste les secteurs de la chambre à vide, fabriqués en Europe et en Corée – un premier de 600 t est arrivé sur site en avril – ainsi que les dix-neuf bobines de champ toroïdal, en provenance d’Europe et du Japon.

En 2020, les 32 bâtiments support du tokamak ont été achevés et une étape décisive a été franchie avec le début des opérations d’assemblage de la machine avec son secteur de chambre à vide.

L’essentiel du contrat de transport a été réalisé à ce jour puisque plus des trois quarts des composants ont été acheminés sur le sol provençal. Pas moins de 250 colis hautement exceptionnels ont été nécessaires pour la structure même du réacteur nucléaire. « Jusqu’en 2024, il nous reste encore cinq pièces similaires à la chambre à vide à acheminer depuis l’Europe et la Corée et six TF Coil [bobines de champ toroïdal, NDLR], depuis l’Italie et le Japon », précise François Genevey, directeur du projet Iter chez Daher.

Russie encombrante

Ces derniers mois, les aléas n’auront pas épargné les équipes en charge de la logistique. La crise sanitaire, qui a complètement déstructuré la chaîne d’approvisionnement mondiale, a causé quelques désagréments. Les tarifs d’affrètement des navires se sont envolés. Les escales ont été décalées. Les surcharges se sont amoncelées.

La flotte de colis lourd étant restreinte, elle s’est très rapidement concentrée en Asie pour les besoins des grands champs éoliens offshore et des projets de l’industrie pétrolière et gazière sur le retour. « Pour un seul voyage d’Asie vers l’Europe, il a fallu débourser 4 M$ et pour susciter l’intérêt des armateurs, nous avons dû fournir des garanties financières importantes. Nous avons également été impacté par la congestion portuaire dans les ports chinois. Parallèlement, les surestaries ont plus que doublé en deux ans pour atteindre des tarifs journaliers hors normes: entre 27 000 et 60 000 $ la journée de planche. Les surcharges fuel (BAF) atteignent des niveaux exceptionnels, au-delà de 600 $/t », énumère le dirigeant.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est venue se surajouter à la confusion sur les marchés. Elle est survenue alors que le chantier attendait une bobine de champ poloïdal fabriquée à Saint-Pétersbourg.

« Trouver un navire qui accepte de faire escale en Russie est complexe compte tenu du contexte géopolitique », admet François Genevey qui a essuyé les refus de deux armateurs, United Heavy Lift et BigLift Shipping. Le programme expérimental, qui repose sur les contributions en nature de 35 pays associés, a pour partenaire la Russie à hauteur de 9,1 % du projet.

Retards et surcoûts

« Dans ce contexte chaotique, notre mission consiste à être au plus près des agences domestiques, de les informer sur les difficultés rencontrées, des retards, des surcoûts et d’être force de proposition pour réduire les risques associés », ajoute le commissionnaire de transport et logisticien du groupe Daher.

Le programme international répond en effet à une autre mécanique, plus institutionnelle. Dans l’organisation, l’agence domestique européenne assure le transport de tous les composants expédiés par celle des différents pays partenaires, depuis le port méditerranéen de Fos-sur-Mer (ou, en cas de transport aérien, de l’aéroport de Marseille-Provence) jusqu’à Saint-Paul-lez-Durance. Les frais de transport jusqu’à ces points de prise en charge incombent au pays source.

Malgré l’organisation au cordeau des expéditions durant les quatorze années du contrat, François Genevey et son équipe composée d’une soixantaine de personnes admettent qu’il n’y a pas de routine dans le colis lourd à haute valeur ajoutée. « À chaque fois, c’est une première fois. »

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