Le 4 février dernier, c’est à Dunkerque que le Premier ministre d’alors, Jean Castex, a prononcé son discours « sur la politique de réindustrialisation de la France et de décarbonation de l’industrie ». La nouvelle venait de tomber: Verkor avait choisi le port du nord pour l’installation de sa gigafactory de batteries. Depuis, la société créée à Grenoble en 2020 avec pour investisseurs InnoEnergy, Schneider Electric, Gap Gemini et Idec a annoncé l’implantation à Grenoble de son centre d’innovation.
La partie industrialisation de Verkor, dont le nom fait référence au massif du Vercors mais peut aussi se comprendre comme Verkehr (« mobilité » en allemand) ou vert core (le cœur de la voiture bas carbone), se fera donc dans le Nord. Ce rôle va comme un gant à Dunkerque, dont l’industrie a su s’adapter à la mondialisation, mais désormais quasi orphelin des flux énergétiques qui ont fait les grands tonnages portuaires du XXe siècle: importations de charbon pour les usines électriques et la sidérurgie et de pétrole brut pour la raffinerie des Flandres, fermée par Total en 2010.
Premières batteries en 2025
Avec Verkor, le secteur de l’énergie est de retour, mais en version XXIe siècle. L’entreprise grenobloise prévoit d’y fabriquer des batteries, à raison de 16 GWh par an en 2025, de quoi équiper 300 000 véhicules, et 50 GWh en 2030. Cette production nécessitera des flux de matière première, conteneurisés ou non, qui atteindront 60 000 t en 2025 et près de 200 000 t en 2030: oxydes métalliques, lithium, graphite, rouleaux de cuivre et d’aluminium…
La proximité du terminal à conteneurs, pour l’installation des équipements lourds de l’usine comme pour l’approvisionnement en matières premières, a été déterminante pour cette implantation. Les premières batteries, au printemps 2025, sont destinées aux Alpine électriques fabriquées à Dieppe par le groupe Renault. « Nous aurons un branchement ferroviaire dans l’usine pour limiter le trafic poids lourds », souligne Sylvain Paineau, co-fondateur et directeur de la stratégie de Verkor. « À terme, pour les clients qui ne seraient pas en région Hauts-de-France, des livraisons maritimes seront possibles. Le maritime est aussi intéressant pour les relations avec les équipementiers, essentiellement asiatiques. »
Attirer des entreprises connexes
Le port du Nord présentait aussi d’autres atouts: surface disponible sur l’emprise du Grand port maritime, avec une Zone grande industrie (ZGI) labellisée « Choose France » par le gouvernement en 2020; alimentation électrique de forte puissance, un poste électrique adapté y ayant été installé en 2021 en anticipation des implantations industrielles à venir; et enfin possibilité de bénéficier d’un réseau de chaleur, qui permet de réduire très fortement la consommation électrique de l’usine.
« Nous avons passé en revue plus de quarante sites, dont certains en Italie et en Espagne », rappelle Sylvain Paineau. « Au départ, la notion d’accès maritime n’était pas un critère majeur. Dunkerque, présent dans notre short list avec Sandouville [port du Havre] et Châteauroux, avait beaucoup d’arguments. »
Pour le dirigeant, Sandouville était intéressant du fait de sa proximité avec une usine Renault, devenu son actionnaire à l’occasion d’un deuxième tour de table en juillet 2021 et qui sera aussi son principal client. « Nous avons finalement retenu Dunkerque en raison d’une plus grande surface disponible, où nous pouvions construire notre usine immédiatement car les études archéologiques et environnementales avaient déjà été réalisées. »
L’usine a besoin de surface et d’une longueur de 700 m nécessaires à la mise en œuvre de son procédé de fabrication qui utilise de grands rouleaux d’aluminium et de cuivre. Verkor disposera à Dunkerque d’une emprise de 20 ha, le port réservant à l’industriel un total de 80 ha pour une extension future ou pour « jouer un rôle d’aimant vis-à-vis d’autres entreprises afin de compléter la chaîne de valeur sur les batteries en amont ou en aval. » La première installation complémentaire devrait être une unité de raffinage de lithium. Une usine de recyclage pourrait aussi s’installer à proximité, construite directement par l’entreprise ou par un partenaire, pour reprendre les batteries en fin de vie et recycler directement celles ayant un défaut de fabrication.