Avec la fin du chantier du Grand Paris, c’est tout un pan de l’activité colis lourd qui s’éteint pour la Compagnie fluviale de transport sur la Seine. Le transporteur fluvial, filiale du groupe familial Sogestran, doit aussi composer avec l’atterrissage forcé de l’industrie aéronautique et un carnet de commandes d’Airbus réduit de moitié.
Les premiers effets de la crise que subit le constructeur aéronautique commencent à se faire sentir dès 2022 et se poursuivront en 2023 avec moins de tronçons et fuselages à transporter sur la Loire. « Nous devons redimensionner notre flotte à la taille du marché. Nous avons d’importants coûts fixes », explique Matthieu Blanc, directeur métier Fluvial de CFT qui accuse un recul de 20 % de son activité sur l’exercice à 120 M€. Six pousseurs devraient ainsi quitter la Seine et CFT annonce aussi se séparer de 30 barges. Cela se traduit également par une diminution des effectifs de 40 personnes.
Le secteur de l’énergie traverse lui aussi une période de transition avec le contrat Iter qui touche bientôt à sa fin, deux tiers des composants ayant déjà été acheminés. Un contrat qui représente un tiers du chiffre d’affaires de CFT. « C’est une aventure magnifique. 2022 sera la dernière grosse année avec des secteurs de chambre à vide à transporter de 600 t. Daher est un partenaire industriel exigeant qui nous a fait grandir », souligne le responsable fluvial.
Pic entre 2020 et 2022
Après les pics d’activité de 2020 à 2022, Iter entamera une phase de décroissance jusqu’en 2024. Là encore, CFT devra anticiper cette baisse de volume et trouver des relais de croissance dans les énergies renouvelables en se positionnant sur les appels d’offres à venir portant sur les futurs champs éoliens offshore – Fécamp, Saint-Brieuc, Le Tréport –, et les opérations de maintenance et de démantèlement des centrales nucléaires françaises. « Il va falloir anticiper et se préparer à ce type de manipulation qui devrait représenter un convoi par mois dans dix ans en Europe », précise Matthieu Blanc.
En décembre dernier, CFT a acheminé six anciens générateurs de vapeur de 110 et 220 t, de classe 7 (faiblement radioactifs), depuis la centrale nucléaire de Fessenheim à Neuf-Brisach jusqu’au port de Dunkerque en passant par l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique. « Nous avons dû former le personnel pour être au niveau du référentiel requis par l’Autorité de sûreté nucléaire et réaliser des études pour concevoir le transport », complète Matthieu Blanc.
Dans le segment des énergies renouvelables, CFT intervient aux côtés de Scales sur le chantier offshore de Nantes-Saint-Nazaire avec 80 éoliennes à transporter et à assembler cette année. Après le succès de la mission d’expédition du télescope James-Webb, qui a navigué en octobre 2021 sur le Colibri de la Compagnie maritime nantaise, sa filiale, entre la Californie et le Centre spatial guyanais de Kourou –, le groupe Sogestran s’est vu confier une autre opération spatiale d’envergure avec l’acheminement du caisson qui protègera le lanceur Ariane 6 lors de son départ prévu pour la fin de l’année. Fabriqué en Espagne, le caisson de 9 m de haut a voyagé jusqu’au Havre avant de rejoindre, via la Seine, le site des Mureaux de l’Agence spatiale européenne, dans les Yvelines, où sont développés et assemblés les lanceurs spatiaux d’Arianespace. « Ce fut une répétition générale avant la descente de la fusée. Le caisson a été transporté sur la barge Alizée. Il a été déchargé le 14 février », détaille Matthieu Blanc. Au regard de la masse des colis, les opérations de chargement et de déchargement ont été effectuées par roulage avec un déballastage simultané.