Entre les côtes est et ouest-américaines, une mécanique portuaire des fluides opère. Le principe des vases communicants prouve toute son efficacité. Au fur et à mesure que les ports de l’Ouest se décongestionnent, ceux de l’Est connaissent l’embolie, résultant du nombre de navires déroutés, pour éviter la congestion, de Los Angeles/Long Beach, Oakland, Tacoma, Vancouver vers New York/New Jersey, Charleston, Jacksonville, Savannah…
Fin février, une trentaine de navires patientaient au large du port de Charleston, en Caroline du Sud. Une quinzaine attendaient le long des côtes de Norfolk, en Virginie, selon le logiciel d’analyse des flux Platts cFlow.
Ces derniers jours, treize porte-conteneurs s’amassent au large de New York/New Jersey et douze à l’entrée de Houston selon les données de suivi des navires de MarineTraffic. Au final, 70 navires forment une procession le long du flanc est du continent nord-américain, du golfe du Mexique jusqu’à la porte d’entrée de l’État de New York.
De l’autre côté, au même moment, il y avait encore 66 navires dans la file d’attente pour accoster à Los Angeles mais c’est toutefois bien moins que les 109 navires que le Marine Exchange of Southern California avait enregistrés le 9 janvier. D’autres ports de la côte ouest ont également réduit l’engorgement. Le ralentissement de l’activité en Chine à l’occasion du Nouvel An lunaire au début du mois de février a permis de desserrer l’étau. Neuf navires faisaient la queue aux abords de Vancouver et dix à Oakland, tandis que Seattle-Tacoma avait éclusé la file d’attente. Au total, il y avait encore 147 navires à la dérive à l’ouest.
Au regard de la capacité que le marché va absorber d’ici la fin avril – 40 % en plus – la pression va encore s’exacerber.
Selon Sea-Intelligence, qui a passé en revue et dissocié les départs hebdomadaires de l’Asie vers les côtes américaines, la vague à venir se situe bien à l’est alors que depuis le début de l’année, les volumes se concentrent déjà sur les ports de la côte Est et du golfe du Mexique.
« Il y a une augmentation prévue de 60 % du nombre de navires entre la Chine et la côte Est dans les mois à venir du fait des modifications d’itinéraires » alerte le consultant.
Dans ce contexte, il n’est nullement surprenant de voir les trafics portuaires de part et d’autre du continent nord-américain exploser les compteurs.
Ainsi, en 2021, New York/New Jersey ont enregistré une croissance de 18,5 % avec 8,98 MEVP, les ports jumeaux se hissant au 18e rang mondial. Avec 20,06 MEVP et une croissance de près de 16 %, Los Angeles/Long Beach se classent à la neuvième place mondiale.
À eux quatre, ils ont gonflé les trafics conteneurisés de 2,7 MEVP l’an dernier. Suffisamment pour bousculer l’échiquier au sein des premières places mondiales. Non loin, sur la côte Est, Savannah a enregistré une croissance de 20 % et gagné sept places pour atterrir à la 28e place mondiale et faire ainsi son entrée fulgurante parmi les 30 premiers mondiaux. Janvier aura d’ailleurs été pour le quatrième port américain son 18e mois consécutif de record mensuel avec une jauge à près de 480 000 EVP. En un an et demi, il aura absorbé un trafic supplémentaire de 1,2 MEVP.
En 2021, les ports américains ont été « artificiellement » gonflés sous l’effet conjugué de la congestion et de la consommation. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il devrait en être de même en 2022 à moins que les tensions géopolitiques dictent aux Américains une gestion plus précautionneuse de leurs économies.