Depuis les révélations sur le mandat confié par le groupe Bolloré à la banque Morgan Stanley pour identifier de possibles candidats à la reprise de tout ou partie de ses activités sur le continent africain, le monde des affaires était focalisé sur CMA CGM et Maersk.
De façon moins attendue, la proposition qui vient d’être soumise au groupe Bolloré émane du numéro deux du secteur du conteneur, MSC, qui semble davantage intéressé par l’intégration aval. Le transport et la logistique du groupe français pèsent 5,82 Md€ sur un chiffre d’affaires total de 24 Md€, dont 2,75 Md€ en Afrique, toutes ses activités confondues.
L’entreprise française a annoncé le 20 décembre avoir reçu une proposition du groupe italo-suisse, contrôlé par la famille Aponte, pour l’acquisition de « l’ensemble des activités de transport et logistique en Afrique, sur la base d’une valeur d’entreprise, nette des intérêts minoritaires, de 5,7 Md€ ». Bolloré lui a consenti une exclusivité jusqu’au 31 mars 2022 « afin que MSC puisse, à l’issue d’une phase d’audit complémentaire et de négociations contractuelles, lui remettre, le cas échéant, une promesse d’achat », précise le communiqué.
Empire portuaire
Pour l’heure, on ne sait toujours pas ce qui est intégré exactement dans cette proposition: s’il s’agit juste de la logistique portuaire et/ou de l’ensemble historiquement désigné sous l’appellation de Bolloré Africa Logistics (BAL). Le portefeuille de ce pôle a été dilué en 2014 dans le cadre de la réorganisation du pôle Bolloré Transport &Logistics (auquel a été rattaché le freight forwarding). Dans ce cas, l’activité de transit serait exclue de la cession.
L’empire portuaire africain du groupe français s’étend du Gabon (Owendo International Port) au Cameroun (Douala, Kribi) en passant par la Guinée (Conakry), la Côte d’Ivoire (Abidjan) et le Sénégal (Dakar). Bolloré Africa Logistics est présent dans 42 ports en qualité d’opérateur de terminaux portuaires, d’agent de lignes maritimes et de manutentionnaire de marchandises non conteneurisées. L’entité gère 16 terminaux à conteneurs en Afrique centrale et de l’Ouest et sept installations ro-ro et détient aussi trois concessions ferroviaires (Sitarail, Camrail et Benirail), qui traitent chacune entre 1 et 1,5 Mt de fret. BAL possède aussi des entrepôts et des ports secs et contrôle un réseau de 85 agences maritimes dont 74 en Afrique, réparties dans 32 pays, ainsi que 250 filiales.
Dans son dernier rapport d’activité, le groupe, qui a cédé ses activités portuaires en France à Maritime Kuhn, indiquait que l’ensemble des terminaux portuaires de BAL totalisaient près de 4,83 MEVP et déclarait avoir investi plus de 100 M€ en trois ans dans la construction de hubs logistiques au Maroc, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Nigeria, au Cameroun, en Afrique du Sud et au Kenya.
Malgré sa dénomination, BAL ne compte pas que des activités en Afrique. Dans le courrier adressé à ses collaborateurs, le PDG du groupe, Cyrille Bolloré, évoque d’ailleurs les concessions en Inde (Tuticorin dans le sud du continent), au Timor et en Haïti, comprises dans la cession.
MSC, déjà à Lomé et à San Pedro
MSC, via sa filiale Terminal Investment (Til), n’est quant à lui actif que sur deux sites africains: à Lomé au Togo, où l’opérateur portuaire exploite un grand terminal en eaux profondes pouvant accueillir des navires jusqu’à 15 000 EVP, dont il a fait son hub régional et qui a rapidement dépassé le million d’EVP. Il est en outre à San Pedro en Côte d’Ivoire, où il exploite un terminal assez modeste pour des navires de taille moyenne.
MSC, Maersk et CMA CGM sont sans conteste les plus introduits sur le continent africain, tant en termes de prises de participation dans les terminaux que de capacités: ils totaliseraient à eux trois 70 % des capacités déployées en Afrique de l’ouest et du centre et 75 % en Afrique de l’est et du sud, selon les données de la Fondation Sefacil, centre de ressources sur l’Afrique maritime et portuaire.
Les projets portuaires pharaoniques en Afrique ont créé, il y a quelques années, un appel d’air pour les plus grands armateurs internationaux en quête d’intégration verticale, parfois en s’associant d’ailleurs avec Bolloré. Mais non sans rogner ses marges alors qu’il opérait en quasi-monopole. Il s’avère que sur cette activité « vache à lait historique », BAL était de plus en plus contesté, à commencer par Til/MSC.
La holding française a rencontré des difficultés ces derniers temps sur le continent africain où elle est poursuivie pour soupçons de corruption dans l’obtention de certaines concessions, notamment à Lomé et à Conakry.