A fin août, les trafics des trois établissements portuaires de Caen-Ouistreham, Cherbourg et Dieppe, fédérés sous la bannière de Ports de Normandie, affichaient toutes activités confondues une progression de 13,4 %, à 4,17 Mt. Cherbourg est le seul du trio portuaire qui ait réellement rebondi (+ 19 %) pour s’établir à 1,75 Mt alors que ses partenaires restent cantonnés dans le rouge. Caen-Ouistreham cède 10,3 % avec 1,6 Mt, et Dieppe 15,2 % à 780 000 t.
Paradoxalement, le ressort de la reprise transmanche à Cherbourg repose sur le Brexit. Certes, la ligne vers Poole a été supprimée en avril et celle sur Portsmouth réduite à une seule rotation hebdomadaire. Mais la réintroduction de formalités douanières et sanitaires pour les échanges entre l’UE et le Royaume-Uni a fortement réduit l’usage du landbridge – via le port gallois de Holyhead – pour relier l’Europe continentale et l’Irlande.
« Nous avons été surpris par l’explosion du trafic sur les routes maritimes directes », confirme Jérôme Chauvet, directeur du développement de Ports de Normandie, qui note aussi une progression sensible du fret roulier non accompagné avec un trafic multiplié par trois à 70 000 unités. Irish Ferries et Stena, les deux opérateurs en lice à Cherbourg, assurent une douzaine de services par semaine avec les ports irlandais de Dublin et Rosslare. La concurrence limitée à Roscoff (Brittany Ferries) s’est étendue à Dunkerque où DFDS vient de renforcer sa ligne directe lancée début 2021.
Cherbourg en poupe
La performance cherbourgeoise propulse le flux transmanche de camions pour les trois ports à 149 504 unités (+ 34,2 %). S’il atteint 57 800 unités à Caen-Ouistreham (+ 1,8 %), il tombe à 18 000 à Dieppe (– 15 %). Le nombre de passagers s’effondre à moins de 265 000 (– 32,8 %) dont 122 000 sur la ligne Caen-Ouistreham-Portsmouth de Brittany Ferries (– 43 %) et 46 000 sur celle de Dieppe-Newhaven (– 32,8 %) opérée en DSP par DFDS.
Dans le même temps, le nombre d’escales transmanche sur les trois sites est remonté à 2 000 contre 1 400 l’année précédente.
C’est dans ce contexte, à l’invitation de Christian Boulocher, le patron de l’Union portuaire rouennaise, et devant les acteurs privés de la place, que le président de la région normande Hervé Morin a récemment détaillé ses ambitions portuaires. Une feuille de route qu’il dit avoir élaborée avec toutes les parties prenantes (Umep, UPR, SynerZIP, AEJPR, Ports de Normandie) et en complémentarité, a-t-il insisté, avec le projet de Haropa Port, l’établissement issu de la fusion des ports de Paris, Rouen et Le Havre.
Une nouvelle stratégie
Les ports sont les sites privilégiés d’un développement économique et industriel responsable et vertueux, signifie-t-il. Il convient donc d’y favoriser l’implantation d’industries de transition écologique, notamment les EMR en accentuant la collaboration entre places portuaires, la production d’hydrogène pour en faire de l’axe Seine un territoire pilote ou encore les projets industriels de capture du gaz à effet de serre. Sans oublier d’y adosser des parcs d’activités industrielles et logistiques. La Région est déjà engagée sur l’ensemble des ces voies, assure Hervé Morin.
Avec EDF, Ports de Normandie s’active à développer l’alimentation à quai des navires, favoriser le développement de la production et de l’offre de carburants alternatifs. Une étude a identifié les conditions pour favoriser le déploiement de l’hydrogène dans l’industrie et la mobilité dite lourde (le ferroviaire, le fluvial, le maritime et l’aérien). Un projet autour de l’avitaillement en carburants à faibles émissions pour le transport fluvial et maritime dans la vallée de la Seine vise à faire émerger une chaîne complète autour du gaz naturel (liquéfié ou comprimé) et de l’hydrogène. Les travaux autour de la capture et du stockage du CO2 issu des processus industriels de l’axe Seine, coordonnés par SynerZIP LH avec l’appui de nombreux industriels et d’Haropa, se sont penchés sur les conditions de faisabilité d’une telle infrastructure.
Nouveau modèle portuaire
Pour développer la part du fret ferroviaire portuaire, la région a régénéré l’itinéraire Serqueux-Gisors (90 M€). Mais son président, qui souhaite une desserte fluviale de Caen, ne fera pas mention du canal Seine Nord Europe. L’autoroute ferroviaire Cherbourg-Bayonne, portée par Brittany Ferries, que Ports de Normandie finance à hauteur de la moitié du coût estimé à 6 M€ (terminal de ferroutage de Cherbourg), s’inscrit aussi dans cette dynamique.
« Dans dix ans, nous serons considérés comme une référence à la fois sur les questions énergétiques, sur un nouveau modèle de développement, et sur la capacité de créer de la valeur ajoutée à travers les initiatives industrielles d’entreprises capables de se transformer en profondeur face à l’enjeu climatique », n’hésite pas à avancer Hervé Morin.