L’activité sur les quais de la Venise du Languedoc a retrouvé un niveau plus conforme à ses habitudes. Après l’accroc de 2020, premier exercice de baisse en sept ans, le port de Sète-Frontignan a vu son trafic se reprendre de 16 % au cours des huit premiers mois de l’année. Pour autant, Olivier Carmes ne cache pas une certaine déception. « Nous retrouvons la croissance déjà initiée par l’implantation de DFDS, nous espérions une reprise plus rapide », avoue le directeur de l’établissement géré par la région Occitanie. L’armateur danois débarque depuis 2019 les remorques du logisticien turc Ekol circulant pour le compte de l’industriel Inditex.
Le volume de marchandises devrait terminer l’année autour des 4,6 Mt, un nouveau record après les 4,3 Mt de 2019, ce qui « démontre un trafic solidement ancré dans les 4 Mt », se félicite le responsable, qui rappelle que le port naviguait plutôt dans la zone des 3 Mt au moment de sa reprise par le conseil régional en 2008.
Les filières les plus touchées par la crise sanitaire et ses différents effets restent les produits pétroliers, en baisse de 20 % cette année comparé à 2019, et l’importation de véhicules neufs, qui a perdu un quart de son volume d’avant crise, faisant « presque pire » qu’en 2020.
Les fermetures d’usines du fait de la pénurie de composants électroniques perturbent l’activité de Sète. « Nous sommes sur une base de 75 000 véhicules annuels alors que nous étions montés à plus de 100 000 », déplore Olivier Carmes.
Nouvelle gare maritime
Côtés passagers, l’activité croisière a été nulle en 2020. Mais elle a généré 10 000 passagers pour une quinzaine d’escales à la fin de l’été 2021, contre 110 000 passagers et 65 escales deux ans plus tôt. En revanche, les ferries de GNV et Baleària reliant le Languedoc au Maroc (Tanger et Nador) ont fait le plein malgré un arrêt forcé de quatre mois et demi entre février et juin. Les deux opérateurs italien et espagnol ont été rejoints par la compagnie marocaine Inter Shipping en juillet. « L’Espagne est toujours fermée alors qu’elle voit passer deux millions de passagers par an, » explique Olivier Carmes. « Il n’y a que trois points d’entrée et sortie pour le Maroc au niveau européen: Sète, Marseille et Gênes. » Résultat, le port héraultais a dû traiter 150 000 passagers sur la saison estivale, contre habituellement 120 000 sur l’ensemble de l’année. Un record absolu de 200 000 passagers est attendu pour l’ensemble de 2021. « Cet afflux de voyageurs a été difficile à gérer pour une ville de taille moyenne en pleine saison touristique », relève le directeur du port. L’événement argumente en faveur du projet de nouvelle gare maritime – et de son accès « en amont de la ville » –, dont la construction doit démarrer début 2022, sous l’impulsion financière de la région (45 M€).
Massification ferroviaire
Les investissements concernent aussi la nouvelle plateforme ferroviaire, dont l’appel à projet est en cours. L’infrastructure doit permettre « le traitement simultané de trois trains et un chargement horizontal, avec une rampe et une voie enterrée » Les offres, dont le dépôt était limité au 30 septembre, reposent sur des « technologies allemande et française ». 7 M€ d’investissement privé sont espérés pour compléter les 8 M€ de la région et du port.
Le projet colle parfaitement au plan de relance ferroviaire annoncé par le Premier ministre Jean Castex. Olivier Carmes espère qu’il servira son objectif de faire passer sur les rails la moitié des futures 80 000 remorques en provenance de Turquie et destinées au nord de la France, contre 10 000 (un tiers) avant la crise du Covid-19 et aucune depuis, suite à la baisse des fréquences: « La reprise des liaisons vers Paris et Calais est en discussion ».
Le directeur général évoque aussi la mise en service en décembre 2020 par BP d’un nouvel appontement pétrolier et d’un système de pipelines le reliant aux dépôts de Frontignan, « notre premier projet d’économie circulaire ». Il insiste aussi sur l’arrivée prochaine d’une quatrième grue pour le vrac, notamment le clinker. Ce trafic à l’import initié en juin 2019 a généré 130 000 t en 2020, tonnages réexpédiés ensuite en conteneurs et par voie ferrée vers l’usine de broyage de Cem’In’Eu à Tonneins, dans le Lot-et-Garonne. Il devrait atteindre 180 000 t cette année et se projette à 400 000 en 2023. D’ici-là, l’industriel devrait avoir ouvert un site à Portes-lès-Valence (Drôme), avec des accès possibles par le fer et par la voie d’eau via le canal du Rhône à Sète.
Malgré le contretemps, les ambitions pour les prochains mois sont intactes, notamment l’objectif de 100 000 remorques en 2023: « On les aura, de même que nos liaisons vers Calais et Noisy-le-Sec », promet Olivier Carmes. Sète a aussi le projet d’électrifier de ses quais d’ici 2026, avec un mix énergétique comprenant du photovoltaïque et de l’hydrogène vert qui pourrait provenir, à terme, de Port-la-Nouvelle.