De janvier à septembre 2021, les cinq principaux ports du range nord – Le Havre, Anvers, Rotterdam, Bremerhaven, Hambourg – ont enregistré une croissance consolidée de leurs trafics de 8 % avec 33,39 MEVP selon le consultant néerlandais Dynamar. Plus petit des cinq ports pour le conteneur, Le Havre se distingue nettement avec sa croissance de 49 % (2,46 MEVP) bien que ses trafics soient sans commune mesure avec ceux de ses voisins. Le premier port nord-européen touché à l’import et le dernier à l’export les coiffe également au poteau en termes de croissance de son influence. Le Havre, avec sa toute petite part de marché de 7,4 %, gagne 2 points et sa part de marché a augmenté de 38 %. Bremerhaven (+ 10 %, 3,82 MEVP) tire également son épingle de l’embrouillamini portuaire. Les ports français et allemand servent d’alternative aux places habituellement très fréquentées mais encombrées actuellement que sont Anvers et Rotterdam.
Rotterdam en assurance, Anvers en contrebalance
Le port néerlandais maintient toutefois sa prééminence et parvient à engranger une croissance de 8 %, totalisant 11,5 MEVP à fin septembre. Anvers, qui est d’ordinaire le port d’élection des grandes alliances maritimes et qui bien extirpé du guêpier l’an dernier, est logiquement sanctionné par les perturbations maritimes. Sa croissance est faible sur les neuf premiers mois de l’année, à 3 % pour 9,1 MEVP. En perte de vitesse, il devra attendre encore pour déboulonner le leader portuaire européen alors qu’il s’en rapprochait dangereusement ces deux dernières années. Sans gagner un point de part de marché, Rotterdam creuse l’écart, avec 34,5 %, rien qu’en capitalisant sur la perte de vitesse de son challenger (– 5 points) qui doit se contenter d’une part de marché de 27,3 %. Hambourg a également subi cette année la désaffection et a soldé les trois premiers trimestres par une faible croissance de 2,9 % avec 6,5 MEVP. Le port allemand voit aussi sa part de marché (19,5 %) diminuer au sein du range portuaire névralgique de l’Europe (– 4 points).
Range Nord et range Sud
Le phénomène est certes conjoncturel. Idéalement placés aux abords immédiats du cœur économique de l’Europe, Rotterdam, Anvers, Hambourg n’ont guère de concurrents susceptibles de menacer leur position en tête des ports du continent. Ils bénéficient à la fois d’un solide hinterland et d’une conséquente activité de transbordement qui leur donnent une assise des plus confortables. Selon une étude publiée en fin d’année dernière par Arnaud Serry et Ronan Kerbiriou, chercheurs à l’Université Le Havre Normandie, leur évolution au cours de la décennie 2009-2019 est à l’avenant: + 37 % à Rotterdam, + 45 % à Anvers. Seule la trajectoire de Hambourg est plus cahotique, alternant les phases d’hyperactivité et de surplace. L’étude montre aussi l’extrême fragilité de certaines positions acquises. Zeebrugge, après un long passage à vide dans la décennie 2000 où son trafic a été confisqué par Anvers, récupère depuis 2017 de l’allant. Même si les ports du Range nord dominent sans contestation le trafic des conteneurs, les vingt dernières années ont surtout été marquées par la fulgurance des ports de Méditerranée, notamment portées par le transbordement. Ainsi en est-il d’Algésiras Gioia Tauro, Malte, Valence, et surtout du Pirée et de Tanger-Med, deux redoutables concurrents au sud.
Le Havre, encore trop parisien
À la différence de ses voisins du nord, Le Havre ne dispose pas d’un hinterland aussi foisonnant que ses alter ego du range nord, handicapé par son éloignement du cœur économique de l’Europe, indiquent les chercheurs. Le plus petit des grands ports du range nord reste l’entrée maritime de l’Île de France et quasi exclusivement du bassin parisien. Alors que le port normand est potentiellement le premier touché par les porte-conteneurs en provenance d’Asie, l’étude des deux chercheurs montre par ailleurs que les neuf principales origines des navires qui y escalent sont surtout les ports du nord de l’Europe et du Royaume-Uni. « Le Havre est desservi par les grands navires-mères qui circulent principalement sur les trade Europe-Asie, mais au départ, quand ils repartent en direction de l’Asie. » Le port normand serait ainsi le dernier port touché à l’export mais, au contraire, faiblement desservi à l’import. « Le renforcement du Havre en tant que premier port touché à l’import lui assurerait d’être une escale primordiale et de capter des trafics en transbordement », assuraient les deux chercheurs dans cette recherche publiée en décembre 2020.