2021: Congestion et retard s’ancrent

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Le retard des navires n’est plus un mot impropre. Il a fait son entrée dans le lexique du transport maritime à la faveur d’une crise d’un nouveau genre. Il ne se prononce plus sans son faux-ami, la congestion des ports. Les deux se sont conjugués à l’indicatif présent tout au long de l’année 2021.

La congestion portuaire, stigmate laissé par des mois de pandémie planétaire et symptôme d’une certaine vulnérabilité du système, fait désormais partie du langage courant dans le transport maritime. Avec le va-et-vient dans les mesures de restriction et les chocs sur la chaîne d’approvisionnement mondial que furent les épisodes du Canal de Suez (blocage de la voie de navigation entre Asie et Europe pendant une semaine), de Yantian et de Ningbo (fermetures des terminaux pour des raisons sanitaires), les services portuaires ont fonctionné en mode dégradé cette année et les files d’attente des navires au large des principaux ports à conteneurs mondiaux se sont allongées.

La part des navires respectant leur ETA (estimated time of arrival) n’a guère dépassé tout au long de l’année les 40 %. En d’autres termes, seul un navire sur trois est arrivé à l’heure tandis que le retard moyen a oscillé entre 7 et 8 jours.

Pour juguler les retards, les exploitants de flotte ont commis une hérésie en période de forte demande: supprimer des traversées ou des escales. Sur les principales lignes est-ouest – transpacifique, transatlantique et Asie-Europe du Nord et Asie-Méditerranée –, 17 annulations de services ont été annoncées entre le 30 août et le 26 septembre sur un total de 504 prévus, soit un taux d’annulation de 3 %, a compté le consultant maritime Drewry.

À terre, c’est un autre embouteillage massif qui se joue. Les piles de conteneurs se sont étirées en hauteur. La difficulté de rapatrier les boîtes une fois qu’elles ont été déchargées et acheminées dans l’hinterland, du fait de la baisse des effectifs dans les ports et les entrepôts, a asséché les équipements alors que la vivacité de la demande aurait exigé une rotation cadencée.

Palmarès de la congestion

Selon le logiciel d’analyse des flux commerciaux Platts cFlow, les ports les plus concernés par le nouveau phénomène de congestion sont sans surprise aux extrémités de la division internationale du travail: en Chine où se fabriquent les biens que consomme les régions où la reprise économique a dopé la consommation, elle-même mise sous amphétamines par les plans de relance économique massifs. La congestion s’est de surcroît concentrée sur un nombre limité de ports, héritage de l’organisation du transport maritime en hub and spoke: Los Angeles et Long Beach en Californie, Savannah en Géorgie (mais plus en lien avec les conditions météorologiques qui ont contraint les opérations), Rotterdam, Anvers, Hambourg en Europe du Nord, Le Pirée en Europe du Sud…

L’ensemble des perturbations a régalé les taux de fret de façon discontinue tout au long de l’année. Le premier signe d’essoufflement est récent. Novembre a encaissé la plus forte baisse des prix spot au niveau mondial depuis plus de 12 mois. L’indice composite World Container de Drewry, qui mesure les taux négociés de moins de 30 jours pour les conteneurs de 40 pieds, a alors baissé de 4,9 % à 9 195,41 $ par EVP. Les tarifs pour transporter un conteneur de 40 pieds entre Shanghai et Los Angeles se sont infléchis de 1 119 $ pour atteindre un niveau de 9 857 $. C’est la première fois depuis juillet que les taux étaient inférieurs à 10 000 $. Une tendance similaire est observée entre Shanghai et la côte est-américaine, avec la perte de 887 $, à 12 667 $. Un niveau inférieur à 13 000 $ n’avait pas été enregistré depuis juillet.

Les replis des prix sur la ligne Asie-Europe sont beaucoup plus modestes, « seulement » de 264 $. La perte est plus prononcée entre Shanghai et Gênes (– 430 $ par conteneur de 40 pieds). Si les taux de fret spot s’inclinent, ils demeurent cependant à des niveaux élevés.

Vraquiers, autre combat portuaire

Les porte-conteneurs ne sont pas les seuls à submerger les ports. Le Lloyd’s List Intelligence estimait, au début du troisième trimestre, à près de 6 % la part de la flotte mondiale des vraquiers (11 850 navires, 917,3 millions de tpl en 2020) en attente d’un quai pour accoster. Un embouteillage monstre qui a mobilisé au pic de leur crise jusqu’à 52,7 millions de tpl. Pour eux, le point d’étranglement se situe surtout dans le nord de la Chine, là où se situent les terminaux céréaliers et charbonniers de Jingjiang, Tianjin, Qinhuangdao et Jinhou. Jusqu’à 238 vraquiers et 16,3 Mtpl y ont musardé. À Shanghai et Ningbo, déjà en proie à une thrombose de porte-conteneurs en lien avec la suspension des activités de l’un des terminaux du troisième port chinois Ningbo, jusqu’à 207 vraquiers se sont agglutinés au mouillage.

Usine mondiale, la Chine est aussi, et en toute logique, le premier importateur de matières premières, ces combustibles qui alimentent son appareil productif. Rompus à composer avec les mouvements pendulaires de la navigation et avec les humeurs des compagnies qui en font des fusibles un peu trop rapidement, les ports, qui sortaient d’une année 2000 en « tohu-chahut », se sont pris en 2021 une vague bien scélérate. Ils ont démontré à cette occasion leur résilience tout autant que leurs fragilités.

Ports mondiaux, rétrospective 2021

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