Yantian, Ningbo et Dalian, le trio infernal chinois

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La stratégie « tolérance zéro Covid » décidée par Pékin a donné du fil à retordre à la logistique mondiale mais aussi à ses ports. Trois d’entre eux ont démontré leur puissance de feu tant leur indisponibilité temporaire a mis la planète portuaire sens dessus dessous.

Yantian au printemps. Ningbo en été. Dalian à l’automne. Les trois ports chinois, parmi les plus importants au niveau mondial notamment pour le secteur des conteneurs, ont donné un tempo à trois temps à l’année 2021.

La stratégie « tolérance zéro Covid » adoptée à la lettre par Pékin – un seul cas détecté suffit pour déclencher des mesures strictes –, donne du fil à retordre à la logistique mondiale.

S’il n’était pas qu’un banal agent infectieux, le coronavirus serait le candidat idéal en tant que stress test à une échelle systémique des chaînes d’approvisionnement mondiales. Tant il a mis la planète portuaire sens dessus dessous, y compris en Chine. Sous son action, les digues antivirales du pays, pourtant réputées les plus solides au monde, ont cédé.

Yantian, un remake de Suez

Yantian a ouvert le bal le 25 mai. La fermeture partielle de l’un de ses terminaux (Yantian International Container Terminal, YICT), une installation qui a traité 13,5 MEVP en 2020, a réduit de 70 % ses opérations pendant la majeure partie du mois de juin. Très rapidement, l’environnement s’est dégradé. La plupart des armateurs ont suspendu sine die leurs escales, cherchant des alternatives à l’ouest de Shenzhen, à Hong Kong, Nansha ou Shekou, ces deux derniers absolument pas dimensionnés pour des à-coups si violents et à leur tour rattrapés par la congestion. Les conteneurs se sont empilés sur les quais tandis que les navires se sont agglutinés à l’ancrage ou au mouillage. Les temps moyens d’attente se sont alors allongés jusqu’à 18 jours. L’événement est survenu dans un marché en surchauffe alors que la logistique mondiale était aux prises avec une demande élevée, une faible productivité portuaire et des services de ligne dysfonctionnels. Baromètre du secteur conteneurisé composé des taux spot pour les conteneurs au départ de la Chine, le Shanghai Containerised Freight Index (SCFI) s’est en conséquence complètement affolé.

Si légendaire soit-elle, la productivité du port situé au sein de la ceinture manufacturière du delta de la rivière des Perles a été sacrément malmenée. La capacité de Yantian à traiter 37 000 EVP en moyenne par jour s’est réduite à 500 boîtes. Effet immédiat, entre les semaines 17 et 22 (fin avril et début juin), Yantian a connu une baisse de 19 % des conteneurs entrants selon Container xChange, tandis qu’à Nansha, ils ont chuté de 16,4 % et à Shekou, de 29,6 %.

Ningbo, un choc

Le 11 août, l’arrêt d’un terminal conteneurs à Ningbo, qui a privé le troisième port mondial de 17 % de ses capacités, a porté un nouveau coup au système portuaire mondial, déjà plus que débordé à plusieurs points d’entrée du globe.

Premier port mondial en tonnage (1,2 milliard de tonnes en 2020; 623 Mt au cours des six premiers mois de cette année) et troisième port à conteneurs mondial (28,7 MEVP en 2020; plus de 16 MEVP au cours du premier semestre), la Ferrari portuaire s’est fracassée sur la détection d’un seul cas positif parmi les employés portuaires. Le terminal de Meishan Island International Container Terminal (5,44 MEVP en 2020), l’un des cinq de Ningbo, a été contraint de suspendre sine die toutes ses opérations. Par précaution, les installations voisines ont imposé des restrictions limitant les personnels et le fret entrant dans les zones portuaires.

Pourtant, face à l’émergence de la souche Delta détectée pour la première fois en Chine vers le 20 juillet, Pékin, stressé par la croissance décevante de son PIB, en deçà de la jauge qu’il s’était fixée, avait pris les devants début août en réinstaurant des mesures strictes.

Très vite, à Ningbo, la situation a débordé dans la province chinoise du Zhejiang ainsi qu’au large de Shanghai selon un schéma devenu familier: plusieurs compagnies, parmi lesquelles CMA CGM, ont dérouté certains de leurs navires vers les ports voisins et/ou modifié les itinéraires. La plupart des grands transporteurs ont suspendu toutes les escales pendant de longues semaines.

Des typhons en pagaille

En quelques jours, le nombre moyen d’escales hebdomadaires à Ningbo a chuté de 200 à 70 selon les données en temps réel sur la supply chain du portail Project44. Les ports de l’est de la Chine venaient à peine de reprendre leurs activités après le passage du typhon In-Fa, qui avait contraint la manutention portuaire en juillet.

Les taux spot pour le fret conteneurisé au départ de Shanghai ont établi à ce moment-là leur 14e record consécutif pour atteindre 4281,53 points. Sur une base annuelle, le SCFI avait alors augmenté de près de 267 % pour dépasser 15 800 $ par EVP. Il faudra attendre début octobre pour observer une première faiblesse alors que le SFCI était fixé à 4 614,1 points.

En octobre, Ningbo a de nouveau donné des sueurs froides à l’ensemble de la chaîne. Touché par le passage du cyclone Kompasu, le nombre de navires faisant la queue au large du port est très rapidement reparti à la hausse, à 67 unités, alors qu’à cette date, il en était encore à éponger les afflux de ses mésaventures estivales.

Kompasu était la deuxième tempête tropicale à toucher le sud de la Chine après Lionrock à Hong Kong et alors que Shanghai, le premier port mondial, a également dû interrompre ses opérations en septembre en raison d’un typhon.

Dalian, la résurgence épidemique

La fin de l’année pour les ports chinois reste un long fleuve intranquille.

Et alors que le virus semblait avoir déclaré forfait, Dalian fait actuellement face à une nouvelle vague épidémique alors qu’un cas a été détecté chez un employé d’un entrepôt portuaire frigorifique. Le port du nord-est de la Chine, un des principaux hubs de transbordement du pays (5,1 MEVP en 2020), est spécialisé dans l’export de produits frigorifiques (fruits de mer, fruits et certaines viandes). Toutes les entreprises traitant du reefer ont été sommées de suspendre leurs activités, selon le Global Times, média d’État. Et c’est le retour des mesures maritimes anti-covid: détournement de navires, escales supprimées, et renvoi des conteneurs…

Autant de suspensions devraient peser sur la capacité d’exportation du pays cette année. Pour l’instant, ce n’est pas ce qu’indiquent les données.

Les volume de conteneurs traités par les ports chinois ont augmenté de 11,3 % entre janvier et août, s’établissant à 186,7 MEVP. En huit mois, les ports chinois ont traité 10,2 milliards de tonnes, soit une augmentation de 10,4 % par rapport à la même période de l’année, d’après le ministère chinois des Transports.

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